Recyclages de Daniel Charneux
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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K.O.mais debout
Avec ce second roman, on retrouve l'univers de Daniel Charneux, comme c'est le cas avec des écrivains qui élaborent un style, avec sincérité et obstination.
Je ne sais pas comment la critique « officielle » va donner écho, à ce roman, mais nous sommes de plus en plus nombreux à savoir, que la critique « officielle » a une tendance à mettre en avant, les mêmes auteurs, les mêmes cliques, et à élaborer le concept du livre unique comme celui de la pensée unique, et c’est très mauvais pour la littérature. RECYCLAGES a été écrit, je le sais de source sûre, avant le film LES PORTES DE LA GLOIRE, de notre bien aimé Benoît Poelvoorde. Qui parlait de l’univers des voyageurs de commerce.
L’un des aspects du livre, parle, en effet, des vendeurs au porte à porte. Et dans ce cas précis, d’un vendeur d'encyclopédies, qui perd son boulot, forcément, à l’époque d'Internet… Le filon ne pouvait que se tarir.
Le personnage perd son boulot, et sa compagne, il la perd aussi. Venons au personnage, justement. Il s'appelle Jean Aimar, comme l’ancien vainqueur du tour de France Lucien Aimar. Et on retrouve rien que dans le choix du nom, le goût de l'auteur pour jouer avec les mots : JEAN AIMAR.
J’EN AI MARRE.
Et Jean il en a marre, la preuve il dit : « Vivre, c'est perdre. Perdre son temps, ses dents, ses cheveux, ses illusions. Perdre les cellules de son cerveau. Perdre le nord, la boule ou du terrain. Perdre sa virginité. Perdre pied, patience, haleine, espoir. Perdre sa vie à la gagner ».
Jean Aimar perd, il est K.O., mais debout. Et il décide de le rester debout, de se ressaisir. L’informatique l'a coulé, il va remonter à la surface par l’informatique. Il crée un site qui raconte des histoires d’amour aux gens heureux, moyennant, quelques informations, quelques fiches, données par ces « gens heureux ». L’auteur parle de la publicité, au moment de la sortie du « Canada Dry », je le cite : « . Ce petit scénario sur fond de prohibition : la bouteille ressemblait à une bouteille d’alcool, ça avait la couleur de l'alcool, mais ça n'était pas de l’alcool. Il en était ainsi du bonheur, et de l'amour. ». Et un peu plus loin nous lisons : « Si ne souffrais d'aucun manque, c'est que je n’avais joui d'aucune présence. Des rencontres tout au plus… De même, je me disais que mes visiteurs croyaient connaître le bonheur, mais se trompaient peut-être comme je m'étais trompé ». Et nous voilà en plein dans le noyau du roman : l'amour, le bonheur, l'idée que les gens heureux n'ont pas d'histoires. Et les renseignements donnés par les gens sur le site, sont des bases de données, qui sur le plan littéraire, agissent comme les fameuses « contraintes » de L'Oulipo (*) Et d'un écrivain comme Perec, qui est cher à Daniel Charneux.
Sans oublier les séquences, où l’on retourne dans l'enfance de Jean Aimar, avec des scènes en clair-obscur.
On retrouve aussi chez l'auteur le symbolisme des chiffres, le 7, dans son premier roman, Une semaine de vacance (même éditeur) le 12 dans celui-ci.
A la fin, douze personnages seront invités au zoo d’Anvers, face à la fosse aux lions.
Avec une chute en forme de pirouette où le personnage dit : « …Moi, je n’ai plus besoin de mots : Je vis Lucien, je vis !. ». Comme si l’écriture, c’était aussi, ce qui rend la vie plus intéressante que l'écriture.
Dans Recyclages, l’auteur travaille un matériau à haut risque, le bonheur est un thème usé jusqu’à la corde, et il le travaille avec une banalité déconcertante. Mais l'écrivain Maurice Blanchot ne disait-il pas : La banalité est faite d'un mystère qui n'a pas jugé utile de se dénoncer ? On saura plus tard si c’était ou pas, le meilleur ou le moins bon roman de l'auteur, une chose est sûre : Recyclages est une récréation, un bon moment qui nous dit : Le vrai bonheur ne dépend d'aucun être, d'aucun objet extérieur. Il ne dépend que de nous et de notre capacité à renoncer, non pas à capituler, mais à s’accepter, à accepter ses limites, les limites en général, et celles de notre si courte existence.
(*) Rappel : Qu'est-ce que l'Oulipo : un animal sauvage, un pays imaginaire, un médicament, une société secrète, une maladie de la peau, une organisation non gouvernementale, une friandise, une nouvelle marque de rouge à lèvres? Rien de tout cela, l’Oulipo c'est l'ouvroir de littérature potentielle
Les éditions
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Recyclages de Daniel Charneux
de Charneux, Daniel
Editions Luc Pire / Embarcadère
ISBN : 9782874152498 ; 17/02/2003 ; 208 p. ; Broché
Les livres liés
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Les critiques éclairs (17)
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Un recyclage qui rend heureux
Critique de Ddh (Mouscron, Inscrit le 16 octobre 2005, 82 ans) - 1 septembre 2007
Représentant colporteur d’encyclopédies, Jean Aimar vit sa petite vie tranquille de célibataire avec une petite amie Adeline qu’il rencontre une fois la semaine et Lucien, son pote de toujours. Et puis, tout bascule, licenciement oblige. Dame, à l’aire de l’internet, on a sa bibliothèque sur petit écran. Jean perd ses repères ; il tente de guérir le mal par le mal : oui, il y a des gens heureux qui ont une histoire malgré l’adage, il les trouve sur la toile du web qu’il s’est approprié.
Ce livre ne rentre pas tout à fait dans la catégorie roman puisque l’auteur fait écrire des nouvelles par son héros. Mais l’ensemble est parfaitement cohérent et plaisant à lire. D’autant plus que Daniel Charneux joue admirablement avec les mots, les consonances. Un régal.
Un jour, j'ai craché sur un fennec ...
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 7 mars 2007
Il me regardait et il attendait. Un sourire. Un mot d’enfant. « S’il vous plait, dessine-moi … » J’ai craché. »
Le crachat de Jean Aimar (drôle de nom, non ?) comme le pain volé de Jean Valjean. Le genre de dérapage qui vous hante définitivement … Mais ceci n’est pas l’histoire de « Recyclages ». L’histoire de « Recyclages », on n’a pas trop envie de la raconter pour laisser le plaisir de la découverte au lecteur. Disons simplement que Jean Aimar vit une mauvaise passe ; viré de son boulot de VRP, viré de son statut d’amant d’Adeline, … Il y a des passes comme ça …
Et il y a les petites choses de la vie. Celles qui vous font avancer aussi, celles auxquelles on se surprend parfois à accorder une importance qu’elles n’auraient pas à priori. Et il y a ce bouleversement technologique qu’est internet et l’exploitation que peut en faire Jean.
En fait, non, ce n’est pas exactement cela. Lire ceci doit donner une idée tellement inexacte du roman ! Et pourtant c’est aussi cela …
Toujours est-il que Daniel Charneux est parvenu à caser une bonne quantité de petites histoires de vie qui pourraient n’avoir aucun rapport entre elles (on l’a dit, Internet bouleverse bien des choses !).
Il s’est certainement fait plaisir. Et toujours dans cette langue châtiée mais tout sauf pédante, « à hauteur d’homme » comme le dirait Mingarelli. Et il nous fait plaisir à nous aussi, qui nous laissons brinqueballer d’une histoire à l’autre telle une coquille de noix sur les eaux d’un caniveau en folie.
De par la construction ça vous a parfois un côté décousu qui peut vous laisser décontenancé, mais la reprise de l’ouvrier expert du stylo est rapide et stoppe la déchirure.
Les hommes, leurs états d’âme, le monde tel qu’il va en 2002, c’est un peu tout cela « Recyclages ». Ah, et j’oubliais, ça ne pouvait pas se terminer bien !
Et j’oubliais aussi ! Jean Aimar a un ami qui intervient relativement dans le début du roman ; un certain Lucien. ? ?
Un "loser" sympathique
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 6 mai 2005
Un sujet d'actualité alors qu'on m'annonce maintenant que quatre de mes collègues sont licenciés et qu'on entend à la radio qu'IBM va "dégraisser" en se supprimant quelques dizaines de milliers d'employés en Europe.
Si on aime les livres de D. Charneux, c'est pour l'humour et le style enjoué bien sûr mais surtout parce qu'on se retrouve un peu dans ses personnages et dans leurs questionnements. Jean Aimar est le type du "loser" sympathique, lucide et qui pose un regard décalé et désabusé sur sa vie et celle des autres. J'ai beaucoup aimé aussi le personnage de Lucien, qu'on imagine comme l'auteur, et qui, nous dit Mopp, est en réalité une autre face de Jean Aimar.
Pour le reste - le style, les jeux de mots, les contraintes - tout a été dit. Je vous conseille de lire aussi l'excellent interview par Kinbote de l'auteur (sur ce site) qui éclaire pas mal sur les obsessions de l'auteur. Ce deuxième opus en appelle un troisième, en tout cas j'en redemande.
Découverte heureuse
Critique de Donatien (vilvorde, Inscrit le 14 août 2004, 81 ans) - 26 août 2004
Quel bagout! Par moment, j'ai pensé me trouver en compagnie de R.Queneau (pour les jeux de mots, les trouvailles de vocabulaire) et d'A.Cohen (pour les rappels de la cruauté innée chez le petit homme). Parce que comme "accroche", "j'ai craché sur un fennec" je dirais que c'est "touché"! Je suis curieux pour la suite de son oeuvre.
Encore plus!
Critique de Kinbote (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans) - 4 avril 2003
Exutoire
Critique de Nothingman (Marche-en- Famenne, Inscrit le 21 août 2002, 44 ans) - 28 février 2003
Une approche mathématique de ce roman à contraintes
Critique de Thomas Fors (Beloeil, Inscrit le 10 avril 2002, 88 ans) - 20 février 2003
Attardons nous maintenant à la face cachée de ce roman à contraintes. De quoi vous inciter à lire et à relire ce beau roman aux facettes multiples !
Comme Perec, le romancier utilise et exploite nombres et indices pour alimenter son inspiration. c'est du travail bien fait. Il est aisé de montrer que le nombre 4 est ici essentiel dans l'élaboration de ce roman.
Dès la page 9, je trouve : "Quatre saisons de vie Valda". L'idée première qui me vient à l'esprit : il est question des quatre saisons de Vivaldi. la marque des bonbons à sucer (souvenir d'enfance ?) n'est qu'un masque pour cacher l'intérêt manifeste de Daniel pour la musique. La preuve est donnée encore plus loin. L'auteur nous offre le thème du "quatuor à cordes" dans lequel l'alto serait le "médiocre" Jean Aimar, alors qu'un quatuor à cordes forme UN TOUT, obligatoirement un tout. Cette notion d'unité joue un rôle primordial dans la composition du roman analysé. Ensuite vient le texte avec "quatre mains le matin, ..." Voici l'ébauche d'une partition musicale, je dirais littéraire, à 4 mains. Autre fait : lorsque J Aimar est licencié, il trouve le rectangle blanc, le carré blanc, sur la porte de son bureau. Encore et toujours l'obsession du nombre 4 comme Perec avait l'obsession du nombre 11. Et encore, et encore. Tiens, cherchez vous même ! J'oubliais : l'histoire commence un 21 mars et se termine en apothéose un 21 juillet, cette histoire dure donc exactement 4 mois. Et, pour vous convaincre définitivement, la première lettre du prénom de l'auteur est D, c-à-d la... quatrième lettre de notre alphabet.
Entrent en scène... 4 personnages principaux : Jean Aimar l'employé licencié, Lucien son confident,autant dire son double, Adeline sa maîtress et Houria la jolie danseuse.
Selon mon point de vue, ces quatre êtres n'en font qu'un. Ils représentent 4 états différents d'un seul individi, l" homme debout", l'auteur.
Pour défendre ma thèse, je pars de faits. Daniel Charneux est Jean Aimar, le séducteur masculin qui emploie les beaux mots, les belles phrases pour vendre ses encyclopédies, c'est bien daniel Charneux le professeur de français. Daniel est aussi le dénommé Lucien, celui qui se dit médecin, auteur, critique sérieux ... sur le site "Critiques libres" ! Adeline est l'anagramme de daniel, elle est l'image féminine de Jean Aimar (miroir) dans le schéma de composition littéraire. Le nom de famille de Houria est l'anagramme de Aimar (Jean Aimar = la personne qui aime).Houria, c'est aussi la séductrice. Nous avons donc affaire à un seul personnage aux facettes multiples (deux facettes masculines, deux autres féminines).
Jean Aimar aura obligatoirement (j'insiste) 12 clients ( 4 clients * 3)sur son site "gensheureux.com". 12 singes, ceux-là qui se regardent dans des miroirs. Ces 12 personnages sont groupés par 4 de la même façon qu'au début, ils sont comme douze "apôtres" représentant 12 facettes de l'"Etre humain". Ils ont tellement de points communs ! Ils recherchent tous le bonheur après avoir répondu à un même questionnaire. Je sais de source certaine que l'auteur n'a pas triché et qu'il a reçu réellement 12 réponses dont deux anonymes à son questionnaire. Hasard ou nécessité ? N'est-ce pas aussi le thème de beau roman ? Les douze histoires sont douze variations musicales, non littéraires, d'un même thème : Bach, Beethoven. L'hymne à la vie.
Le lecteur pourrait croire que l'auteur propose deux fins à son roman, une pessimiste et une optimiste. il n'en est rien. Lorsque Jean (daniel) se suicide (?) dans la fosse aux lions, il donne rendez-vous à ses douze personnes pour une fusion amoureuse, pour "vivre" une "petite mort". Daniel va dans la fosse aux lions, dans celle de l'écriture, dans celle du RECYCLEUR de mots, mais il en ressort heureux, amoureux de la vie, fusion avec son autre moi, avec ces autres aspects de l'Homme.
Cette approche est mienne, elle n'a pa été dictée par l'auteur, mais je sais qu'elle lui convient.
En conclusion, je propose aux mathématiciens une synthèse algébrique de ce roman (calcul moderne, mathématisation de la situation) :
4 = (4*1)+(4*3)= 4*4 = 4 (modulo 12)
Partant de 4 états dsisparates, l'homme, par sa relation avec autrui, s'ajoute (4*3=0) états, pour revenir au point de départ (cycle, recyclage) au stade élaboré, fusionnel.
Vos remarques seront les bienvenues. Merci de m'avoir lu. Et n'oubliez surtout de LIRE le ROMAN.
ouf
Critique de Albatros (Arquennes, Inscrite le 18 janvier 2003, 52 ans) - 18 janvier 2003
Rencontre avec Daniel Charneux
Critique de Miller (STREPY, Inscrit le 15 mars 2001, 68 ans) - 11 janvier 2003
Marcel (mais non, pas Proust) interview Daniel
Critique de Miller (STREPY, Inscrit le 15 mars 2001, 68 ans) - 10 janvier 2003
Il faudra bien...
Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 12 décembre 2002
Merci Saint Nicolas
Critique de Bolcho (Bruxelles, Inscrit le 20 octobre 2001, 76 ans) - 12 décembre 2002
Et d’abord celle-ci. Je suis comme Bluewitch et « la fiente de l’esprit qui vole » a toujours eu pour moi une odeur d'éternité : on doit rire de la mort avec la même santé qu’on se moque de la langue. Vive donc le calembour ! J'avais envie d'interrompre les bêtes conversations téléphoniques de mes bruyants voisins SNCbistes (.« chassez les adjectifs ! » qu’il nous dit Charneux : y croit que c'est facile quand on y prend du plaisir ?) pour leur parler des bourdons et de l'ancolie.
Et il y a des pages auxquelles on s'attache. Comme la page 145 qui convoque Verlaine et Kundera. A propos de ce dernier, on trouve quelque part dans ses textes (dans « L'Art du roman » sans doute ?) un commentaire sur sa fameuse « insoutenable légèreté de l'être ». J'avais trouvé cette idée fort belle. Il y aurait une sorte de « quantité d'être » totale à partager entre tous les humains. Et comme nous sommes de plus en plus nombreux, il y en a de moins en moins pour chacun d'entre nous, forcément. C’est mathématique. Et c'est triste. Et nous nous débattons très fort pour exister malgré tout. C’est un peu ce que fait Daniel Charneux : il se débat très fort pour que les autres existent. Au point d’en créer douze en plus de Jean Aimar, le recycleur de vies. C’est énorme. Toutes ses vies méritent un livre, même (surtout ?) si « leur contribution à l'espèce humaine […] aura été proche du néant ». Emouvant ce bouquin. Emouvantes ces vies. Au lieu de ces sinistres placards dans les pages nécrologiques, il faudrait prendre le temps de raconter la vie de tous les gens qui disparaissent. Jean Aimar a encore du boulot. Mais je veux bien donner un coup de main. Et comme le dit encore Kundera (à peu près), le romancier est inutile s'il ne se donne pas pour objectif de changer le monde. Daniel Charneux fait sa part.
Résistance
Critique de Bluewitch (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 45 ans) - 24 novembre 2002
Théorie de l'évolution en raccourci, si on peut dire... L'homme redevient primate, barbu, chevelu, pour se redécouvrir, se recréer, se recycler, oui. Le vendeur au porte-à-porte continue à "vendre", mais des histoires, des rêves, à des particuliers (des particuliers dont nous sommes, nous, lecteurs). S'il n'en retire plus de l'argent, peut-être en retire-t-il une parcelle d'humanité en plus?
Et puis les mots, dont l'histoire est le conducteur, sont une matière première tellement malléable entre les doigts, sous la plume, d'un auteur comme Daniel Charneux. Partie de plaisir, autant pour nous que pour lui, ça se sent, ça se vit. " Dans un jardin anglais, trois faux bourdons butinent une ancolie. Mais l'ancolie, ça leur flanque le bourdon..." On sourit, on rit, on s'émeut, on se ronge les lèvres. Un bonheur qui n'a rien du bonheur Canada Dry... Oui, parler du bonheur, c'est un peu risquer de remplir un puit sans fond... On en a déjà tant dit et à la fois si peu. Le bonheur, ce n'est pas juste ce qu'en donne la définition du dictionnaire (même dans l'encyclopédie Gazon!). Et pourtant, il est là, utilisé et servi par un roman, en toute simplicité.
Reviennent les souvenirs d'enfance, nostalgie, cruauté. Ils s'infiltrent, se glissent innocemment (ou pas?) dans le texte, tissent leur toile, marquent le début d'un cycle qui s'achèvera dans une fin déconcertante, symbolique.
Un roman plein d'éclat, sans un éclat. Un roman qui nous écrit. Qui nous respecte aussi. Qui aime son lecteur, et pense à son bonheur. Un roman de contrastes et qui a de la classe... Rien n'est laissé en route. On savoure.
Bonheur mode d'emploi
Critique de Kinbote (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans) - 11 novembre 2002
le Net et entreprend de donner à chacun des correspondants du site qu'il a créé un récit qui s’appuie sur leurs différents profils.
Histoires en série qui déclinent autant de variations sur le thème du bonheur et qui sauvent notre cyber écrivain du sentiment de vacuité qui l’étreint à la suite de son licenciement et le relance dans le périlleux circuit de la vie. Dans « recyclage », il y a bien sûr « cycle », re-tour, ici sur soi à la faveur d’une ouverture aux autres, d’un voyage en Autrarcie. Après s’être nourri de la vie rêvée, de la chair narrative des autres, Jean Aimar a fini d’en avoir marre de tout et de lui, de persécuter sans raison ; il est enfin prêt à aimer, et c’est après une mort symbolique en martyr très chrétien qu'il confie à Lucien, son double, le soin de tirer tout le miel, le fiel de son odyssée.
Persistance du jaune (diffusé dans un bain d'autres couleurs) : normal lorsque le narrateur porte le nom d'un vainqueur du tour de France et, qui plus est, né sous le signe du lion ! Goût des séries, d'un espace comblé de ses vides, continu, mesuré (pour faire opposition à la démesure foncière de l'auteur ?) mais sans limite, dérivable à merci sur le spectre du virtuel. Réminiscences sur l’air de « je me souviens », bribes de chanson à même la chair du verbe, souvenirs datés (la Standard Huit, le View -Master,.), jeux sur les mots (gris, grill, grille, par exemple) qui font rebondir la phrase en altérant son sens comme le galet sur la plane surface de l’eau amortit sa propre disparition.
Daniel Charneux laisse ici encore libre cours à son plaisir d’écrire sous contrainte (les douze récits inspirés du profil des correspondants qui rythment la composition sont autant de « contes vagabonds » : l’énigmatique plieur de femmes, la charmante vieille dame,. ) dans une langue classique, « ni baroque ni romantique » (comme la musique qu'aime plus particulièrement un d'entre eux) qui brasse les genres et les domaines de savoir avec un juste souci de l'équilibre, avec l'élégance de l'écrivain en série qui choisit ses mo(r)ts et la manière de les expédier de l’autre côté du miroir, paradis de signes, rare régal pour l’habile lecteur qui, à n’en pas douter, sera porté à juger avec beaucoup d’indulgence des crimes de cette classe.
Un extrait :
«Je parcourais le courrier des lecteurs, mes paupières clignotaient. Et je m'embarquais pour la sieste.
Je sillonnais le désert à dos de dromadaire, dans une caravane, quelque part au sud de Nouakchott. Le soir tombait. Nous trouvions refuge, lorsque le bleu du ciel virait au zinzolin, sous les dattiers d'une oasis où les fennecs en liberté buvaient la même eau que les hommes et les dévisageaient sans peur. Nous mangions des dattes en buvant du lait de chamelle, le thé de rose était brûlant. Puis, accompagné d’une derbouka, un musicien, - peau de sable, yeux de feu - jouait sur l'arghoul, la clarinette double des pasteurs, une mélopée lancinante qui me rappelait étrangement l'Allemande de la première Suite pour violoncelle de Bach, tandis qu’une jeune femme aux voiles de cieux ultramarins, aux bracelets de cuivre, au bandana bigarré, entamait une danse du ventre, dans la fumée bleue des houkas. »
Un regard
Critique de Thomas Fors (Beloeil, Inscrit le 10 avril 2002, 88 ans) - 9 novembre 2002
A relire en boucle
Critique de Persée (La Louvière, Inscrit le 29 juin 2001, 73 ans) - 1 novembre 2002
Non. Il faut faire des signes, se démener. Hep, Taxi ! Observer, guetter, piétiner longtemps. A battre ainsi la semelle, vous reviennent des bouffées d'enfance, chargées à boulets rouges de ces micro-crimes dérisoires qui permirent à l'ego de s'affirmer. On s'en prend au bonheur factice des gens heureux qui, c'est bien connu, n'ont pas d'histoire.
Et, s'ils n'ont pas d'histoire, on peut aussi leur offrir ses services pour leur en inventer une, qui soit leur vie rêvée par un autre. Voilà : c'est cela qu'il va faire, Jean Aymar. Il va créer un site web, www.gensheureux.com et se mettre à réinventer la vie de douze candidats au vrai bonheur.
Au terme de ces douze vies rêvées, de cette quête initiatique, parviendra-t-il à faire exploser la chrysalide, à réinventer sa propre vie ? A en croire le dictionnaire des symboles (Ed. Robert Laffont, Bouquins) il a toutes ses chances puisque "DOUZE est en définitive, toujours le nombre de l'accomplissement, d'un cycle achevé. Ainsi dans le Tarot, la lame du Pendu marque-t-elle la fin d'un cycle involutif, suivi par celle de la Mort, qu'il faut prendre dans le sens de renaissance". Chiffre emblématique des "Recyclages", donc.
Et Charneux nous laisse deviner tout cela en joyeux artificier du verbe. Ca pète dans tous les sens. Une fusée éclate, éclaire la banalité ambiante, d'un sourire mi-attendri, mi-sarcastique (si vous rencontrez Charneux, guettez son sourire. Et vous serez récompensés) puis se fond dans la nuit. Dédiée à nos actes manqués, comme dirait l'autre, l'homme d'or. Une autre monte au ciel, pfuit! Et puis, boum! Découvre "des cheveux dans les comètes, des yeux dans les nébuleuses, des corps géants dans les constellations, des corps naissant à cette vie supérieure, à ces laitances d'univers, à ces brillances d'infini".
L'auteur joue à la pétanque avec les mots, aussi. Ici il pointe, passe de "livide" à "lit vide", là il chasse et la boule roule en allitérations confondantes : "galions enfuis, enfouis, engloutis, agglutinés au sable blond". Avec un air de ne pas y toucher, façon Amélie Poulain, un air où la muse, pour se faire musette, n'en est pas moins fascinante. Car nous nous surprenons à rire. Carrément. Et le sourire ne nous quitte jamais tout à fait. Même si ce charmeur de Charneux, en même temps qu'il nous amuse, remue en nous la vase de troubles étangs pour y dénicher la bulle piégée, impatiente de se propulser, d'un coup d'un seul, vite, vite, vers la surface dont elle brisera le miroir.
Oui mais, me direz-vous, comment maîtrise-t-il le bouillonnement de cette imagination "à la belge" où l'on trouve un peu de tout ? Eh ! C'est le secret du chaudron magique à Charneux, ça. Où l'on verra, en relisant le début, que la fin, eh bien,. Que la fin quoi ? Ca vous donne faim, hein ?
Un roman bien en bouche. A relire en boucle. Rewind.
Rencontres littéraires . L' invité : l'auteur Daniel Charneux
Critique de Miller (STREPY, Inscrit le 15 mars 2001, 68 ans) - 4 octobre 2002
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