L'ampleur du saccage de Kaoutar Harchi
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Quête identitaire sur fond de répression sexuelle suffocante
Ce second roman de Kaoutar Harchi est profondément noir. Les destins liés des quatre protagonistes de ce roman polyphonique semblent irrépressiblement voués à la tragédie. Tout commence à Paris, où Arezki,un jeune immigré algérien de 30 ans, ne peut réfréner ses pulsions sexuelles. Il commet un viol meurtrier sur une jeune femme et termine en prison. Là, le chef de la prison Riddah qui le reconnaît prend pitié de lui et l’aide à s’enfuir. Le fugitif est ensuite aidé par Ryeb, un gardien de prison qui le prend sous son aile et va l’aider dans la quête de ses origines. Riddah, pris de remords d’avoir laissé filer Arezki dans la nature, démuni et sans défense, s’en va quérir son ami d’enfance, Si Larbi qui a élevé le jeune Arezki. Cette quête identitaire va conduire les quatre hommes en Algérie, sur les traces de leur douloureux passé. Dans ce pays où la répression sexuelle a fait rage, les jeunes hommes vivent une sexualité empreinte de frustration, basée sur la domination des femmes. Un système qui produit des ravages irréversibles, le saccage, notamment dans le chef des quatre protagonistes masculins de ce court roman particulièrement violent, frappé du sceau de la désespérance. Ce roman, c’est un peu un coup de poing reçu en pleine face. Kaoutar Harchi, jeune marocaine, livre donc avec « L’ampleur du saccage » un deuxième roman âpre et torturé.
Je dois avouer que j’ai eu du mal à entrer dans ce roman. Le récit alterné du quatuor m’a un peu dérangé au début. Ceci dit, le final est haletant et très prenant. On ne trouvera cependant dans ces pages nulle échappatoire, nulle lueur d'espoir.
Les éditions
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L'ampleur du saccage [Texte imprimé], roman Kaoutar Harchi
de Harchi, Kaoutar
Actes Sud / Domaine français (Arles)
ISBN : 9782742799527 ; 15,30 € ; 12/08/2011 ; 118 p. ; Broché -
L'ampleur du saccage [Texte imprimé], roman Kaoutar Harchi
de Harchi, Kaoutar
Actes Sud / Babel (Arles)
ISBN : 9782330048648 ; 6,80 € ; 11/03/2015 ; 1 vol. (118 p.) p. ; Poche -
L'ampleur du saccage
de Harchi, Kaoutar
Actes Sud / Domaine français
ISBN : 9782330001018 ; 03/10/2011 ; 118 p. ; Format Kindle
Les livres liés
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Les critiques éclairs (6)
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« Un bloc rouge et glacé »
Critique de Rotko (Avrillé, Inscrit le 22 septembre 2002, 50 ans) - 8 décembre 2014
Ce « roman » a la noirceur et la concision des tragédies, avec des actions atroces, fantasmées, revécues par le souvenir ou les récits comme des cauchemars.
« Riddha exhume des histoires que je croyais à jamais enfouies, tues »
Car l’ombre d’Œdipe et des récits shakespeariens plane sur cette narration contemporaine entre France et Algérie, sous le signe de formules en échos à la première et à la dernière page :
« Avec la fin de mes hallucinations viennent les bruits de la ville » vs « Avec le début de mes hallucinations, me reviennent des histoires ».
La Méditerranée fait passer d’un espace clos à un autre, d’une prison à un asile, itinéraire sanglant jalonné par des abominations morales, relatées avec une brutale sobriété.
Les différents intervenants, liés par des secrets familiaux, ont chacun leur rôle, leurs interrogations et leurs doutes, leurs culpabilités et leurs remords. Au nombre de 4 essentiellement, ils se succèdent sur la scène, laissant parfois la parole à un narrateur externe ou à un « choeur ».
Cette fragmentation du discours permet aux différentes consciences de composer un cauchemar collectif qui se poursuit d’une génération à l’autre. Sous le poids des révélations, les raisons chavirent, les actions deviennent irrévocables.
Le plus jeune des protagonistes s’exprime comme un moderne Hamlet :
« Mon nom est Arezki et, d’ordinaire, on ne m’appelle pas. J’ai trente ans et vis au sommet d’une tour claire noyée dans le ciel. J’ai cessé de fréquenter les cages d’escalier aux odeurs d’urines tenaces, désormais je reste posté à la fenêtre de ma chambre mais partout mon air est irrespirable, je suffoque. La tête penchée dans le vide, les yeux fermés, je tente de comprendre le pourquoi d’une existence dénuée de sens, sans plaisir, menée à huis clos comme si le monde autour de moi avait disparu. Ma mère la première. Figure inconnue qui me hante, je l’imagine et me demande ce qui en moi vient d’elle ; je demeure sans réponse, abruti par la cruauté des énigmes et l’entêtement de Si Larbi à se taire. Avec le temps, j’ai fini par accepter son comportement. »
C’est le tout début d’un chemin de croix sans rédemption ; je suis sûr que le lecteur sera fasciné par ce condensé (118 p.) du Mal Tragique.
destins brisés
Critique de Jfp (La Selle en Hermoy (Loiret), Inscrit le 21 juin 2009, 76 ans) - 20 janvier 2013
Héritiers maudits
Critique de Koudoux (SART, Inscrite le 3 septembre 2009, 60 ans) - 21 juillet 2012
Ces hommes liés par la fatalité vont se retrouver et retourner sous les cieux d'Algérie pour y faire une sorte de pèlerinage.
Vont-ils pourvoir enfin exorciser leurs démons ?
Un livre superbe, noir, brutal et poétique à la fois.
RECIT POUR QUATRE VOIX
Critique de TRIEB (BOULOGNE-BILLANCOURT, Inscrit le 18 avril 2012, 73 ans) - 18 avril 2012
Un soir, après être descendu de sa tour, il commet un meurtre, est arrêté, s’attend à passer de longues années de prison avant que Riddah, directeur de la prison où il est incarcéré, ne l’aide à s’enfuir. Il est alors recueilli par Ryeb, un gardien de la paix dont la mère vient de décéder. Ces quatre hommes sont unis par une terre : l’Algérie et veulent s’y rendre pour surmonter ce drame ; ils sont obsédés par la présence de Nour, personnifiant tout à la fois la figure maternelle et la tentation.
Kaoutar Harchi , dans ce roman, s’extrait rapidement de la restitution d’un fait divers pour parvenir à des données essentielles du mode de vie du pays décrit . Ainsi met-elle l’accent sur le rôle de la répression sexuelle , sur l’asservissement de la femme :
« Les bouches frôlant les oreilles, les hommes racontaient que dans la soirée du vendredi, à l’heure où l’appel du muezzin retentit, vêtus comme des femmes, ils s’approcheraient de la maison de la belle Nour et, feignant de lui réclamer quelques morceaux de pain, ils se jetteraient sur elle. ( …) La vie de ces jeunes, c’était survivre à un système en guerre contre leurs désirs, les condamnant à une chasteté illusoire, sorte d’aphasie libidinale désastreuse qui les forçait à considérer le corps des femmes comme une denrée rare et précieuse sur laquelle il fallait se jeter avant la prochaine famine »
Cette misère affective et sexuelle, composante essentielle du roman éclaire sans bien sûr la justifier, la cruauté de l’acte meurtrier :
« Nous étions les piliers de ces déserts et nous n’avions le droit que de regarder. Nos pantalons étaient lourds de frustrations millénaires . Les adultes se tuaient entre eux . Et les enfants que nous étions réclamaient aussi de tuer. »
Autre point digne d’intérêt : la situation historique de ce voyage effectué par les quatre personnages en Algérie, que l’auteur semble situer en 1954, à la veille du déclenchement de la guerre d’indépendance. Elle réussit magnifiquement à croiser le destin de ces hommes, la petite histoire, avec la grande, celle de l’Algérie à la veille de s’embraser :
« Dans le pays, la rébellion contre l’ordre colonial grondait . Toutes les villes se préparaient pour la lutte (…) Nous avons profité de la grandeur des drames de l’histoire pour y dissimuler les nôtres, plus modestes(…) Nous avons traversé la mer, préférant le naufrage à la vie en Algérie. C’était en 1954. »
Il y a du Kateb Yacine dans ce récit, une symétrie avec, Nedjma, par l’adoption par l’auteur de la centralité du personnage Nour, la lumière en résonance avec celui de Kateb Yacine dans son roman. Ouvrage dérangeant, L’ampleur du saccage trouve une résonance d’une actualité brûlante et immédiate . Ce n’est pas le moindre de ses mérites.
saccage, carnage, gâchis
Critique de Ddh (Mouscron, Inscrit le 16 octobre 2005, 83 ans) - 15 mars 2012
Originaire du Maroc, Kaoutar Harchi a vécu sa jeunesse en Alsace avant de monter à Paris pour suivre une formation en sociologie, en lettres modernes et en sociologie de l’art. En 2009, elle sort son premier roman Zone cinglée. L’ampleur du saccage est son deuxième roman qui est remarqué puisqu’il fait partie de la sélection du Prix Horizon organisé par la bibliothèque de Marche-en-Famenne qui couronne un deuxième roman.
Arezki, jeune banlieusard de nulle part vit avec Si Larbi, son père ? . Mais quelle vie ! Brimades, manque d’affection, tabous sexuels le mènent à l’irréparable, la prison, l’évasion. Une évasion guidée par Riddah, le directeur de la prison, ami de Si Larbi. Pour aller où ? Retour en Algérie, mère patrie et retrouver l’enfance, la maison de Nour, le lieu où tout a démarré de travers. Remords, gâchis, désespérance.
Roman à plusieurs entrées : chaque narrateur développe ce qu’il vit, ce qu’il ressent avec un fil rouge commun qui fait progresser linéairement l’action. Toutefois, des retours en arrière permettent au lecteur de mieux cerner la personnalité de chaque intervenant. Il en ressort quand même pas mal de morosité, trop même.
Quel choc !
Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans) - 18 février 2012
Sous l'influence de la drogue, Arezki viole une jeune femme, se voit emprisonné pour cet acte impardonnable et curieusement libéré par Riddah qui se sent redevable auprès de Si Larbi qu'il connaît fort bien. A partir de là, le lecteur tisse des liens entre les divers personnages et découvre l'horreur qui sommeille dans la mémoire de ces individus. Les quatre personnages partent en Algérie pour des raisons différentes, même si le retour aux origines les relie. Alger symbolise la terre nourricière, tout comme les figures maternelles évoquées dans ce roman. On sent toute l'importance qu'ont les mères dans la construction d'un individu et combien leur absence peut être redoutable.
Cette oeuvre contient des passages frappants, violents et émouvants. La fin est tout simplement bouleversante. Les êtres sont monstrueux et profondément humains par leur détresse. La répression sexuelle évoquée dans ce roman fait de ces êtres des animaux violents et fragiles, privés de toute humanité à cause des codes moraux et religieux. Le roman est polyphonique ce qui permet au lecteur d'entrer dans la conscience des divers personnages et de ressentir la difficulté de vivre avec des remords. De plus, la langue de Harchi est poétique et brutale, à l'image des personnages du roman.
Un roman choc !
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