L'hiver de la culture de Jean Clair

L'hiver de la culture de Jean Clair

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Essais

Critiqué par Aktukritik, le 14 février 2012 (Nantes, Inscrit le 23 août 2011, 39 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 4 étoiles (49 903ème position).
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Un pamphlet de qualité

Présentation

L’Hiver de la culture est un essai écrit par Jean Clair et publié au mois de mars 2011 aux éditions Flammarion. Jean Clair, conservateur des musées de France et auteur du livre Malaise dans les musées, dénonce la dévaluation de la culture élitiste au profit d’une industrie culturelle et transgressive.

1/ De la culture au culturel: l’abaissement d’un système de valeurs

Jean Clair montre d’abord l’étrange passage du culte fournisseur de création artistique, de l’antiquité jusqu’à la Renaissance, à la culture comme expression mortifère de l’art où la multitude se recueille face aux objets d’art enfermés dans un musée. Selon lui, cette époque des musées traduit la fin de la création artistique puisque tout ce qui est art appartient au passé, comme l’homme est devenu au milieu du 20ème siècle, incapable de produire des oeuvres d’art à la hauteur de ses ancêtres.

Il s’insurge également contre la mercantilisation de l’art, cette industrie de l’art qui redéfinit les critères artistiques selon le médiocre goût populaire. Il affirme “il y a une quinzaine d’années, lorsque les institutions bancaires prirent le pouvoir, nos gouvernants découvrirent l’intérêt financier de ces aliénations. Alors que les collections avaient été décrétées “inaliénables”, éléments intégrés et indissociables d’un patrimoine national, sont devenues des “ressources” dans lesquelles puiser.”

Par conséquent, ces oeuvres d’art devenues des ressources financières et sources de richesses ont ouvert le bal de l’hybridation des cultures par l’implantation des tableaux originaux dans des pays étrangers, dévaluant ainsi le sens de la création littéraire puisqu’étrangère à ses spectateurs.

Jean Clair fait référence à la création des écomusées en 1971, comme tentative de redonner du sens à l’oeuvre d’art, en renouant avec la culture et l’histoire populaire. Ainsi, ce fut le début de l’histoire des spécialités ouvrières. C’est l’histoire du musée ouvert contrairement aux musées fermés et élitistes. Il explique par la suite l’échec des écomusées.

2/ Art classique et art contemporain: deux conceptions antagonistes de l’art

Jean Clair s’insurge contre la conception contemporaine de l’art qui érige les bas instincts, les affects, les humeurs et les liquides corporels en ultimes objets de contemplation. La peinture contemporaine instituerait alors la régression de l’être comme manifestation ultime de l’esthétisme, du beau, du contemplatif. Joseph Beuys demeure l’artiste contemporain le plus représentatif de cette dégradation de l’art, employant des cheveux et des poils pour reconstituer le corps humain, des photos souvenirs et des mots sur les ardoises comme prophéties, l’artiste devient l’apôtre d’une nouvelle religion du beau prenant le visage de la relique.

Deux textes fondateurs de l’art contemporain semblent être à l’origine de cette transgression des valeurs originelles de l’art. Ces textes ont comme point commun la libre expression de la pulsion et des instincts. C’est une inversion des codes esthétiques qu’opèrerait l’art contemporain. Cette conception inesthétique de l’art proviendrait du texte Amok écrit par Stefan Sweig en 1922 dont le titre signifie “le déchainement inattendu, brutal, d’une rage incontrôlable” mais aussi de l’essai De l’assassinat considéré comme un des beaux-arts publié en 1995 dans lequel Thomas de Quincey affirme “en tant qu’inventeur de l’assassinat, et que le père de l’art, Caïn dut être un génie de premier ordre. Tous les Caïns furent des hommes de génie.”

L’avis du blogueur

Un essai très intéressant. Jean Clair nous fait découvrir la notion d’écomusée et ses enjeux mais également sa conception d’un monde culturel dégradé, vidé de ses valeurs originaires au profit d’un nouvel art anti classique et libertaire. Cette promenade au coeur du point de vue désenchanté de Jean Clair nous laisse perplexe face aux artistes contemporains qui s’exposent au Louvre, face aux festivals artistiques devenus des lieux d’inculture parce qu’ils s’abaissent au goût du peuple.

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Les éditions

  • L'hiver de la culture [Texte imprimé] Jean Clair
    de Clair, Jean
    Flammarion / Café Voltaire
    ISBN : 9782081253421 ; 3,90 € ; 02/03/2011 ; 140 p. ; Broché
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Une sévère critique

5 étoiles

Critique de Lectio (, Inscrit le 16 juin 2011, 75 ans) - 13 février 2014

Et de nouveau voici Jean Clair en guerre contre les musées, en polémique sur l'art contemporain. Son essai polémiste s'inscrit dans la lignée d'un de ses ouvrages précédents "Malaise dans les musées". Le Conservateur général du patrimoine mène une instruction à charge contre ces musées transformés en salles de spectacles où se pressent en troupeau des visiteurs solitaires qui ne savent ni ce qu'ils viennent chercher ni ce qu'ils retiendront de leur passage. La faute à la mondialisation et à la marchandisation des oeuvres. Tout ceci étant plus profondément une crise de civilisation et la perte du sacré. L'ex conservateur du musée d'art moderne, directeur du musée Picasso de Paris ou commissaire de prestigieuses expositions (Duchamp, Balthus, Szafran...) produit un virulent réquisitoire contre cet art contemporain aux mains d'une poignée d'affairistes internationaux (galeristes, marchands, collectionneurs) et de faux artistes plus proches du trader que du créateur. C'est ainsi que Jeff Koons est au pilori et que le veau d'or (le bien nommé il est vrai!) de Damien Hirst sert de démonstration à l'utilisation des techniques financières dans le monde de l'art. Seule embellie à cette glaciation culturelle, la musique et la danse, disciplines où existent encore apprentissage et transmission. L'hiver de la culture se limite peut être aux arts plastiques ! Jean Clair n'apporte à cette virulente provocation aucune solution à l'éducation artistique si ce n'est de se référer abondamment à Georges Henri Rivière créateur du musée des arts et traditions populaires :"le succès d'un musée ne se mesure pas au nombre de visiteurs qu'il reçoit mais au nombre de visiteurs auxquels il a enseigné quelque chose".

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