Poèmes de prison : Le grand massacre ; L'Ame endormie de Liao Yi wu

Poèmes de prison : Le grand massacre ; L'Ame endormie de Liao Yi wu

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Poésie

Critiqué par Leloupbleu, le 5 février 2012 (Inscrit le 5 février 2012, 50 ans)
La note : 8 étoiles
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Puissant et beau, souvenir de l'après Tien An Men

La poésie ne finit pas aux portes du 21ème siècle. Je l’ai cru longtemps, assoupi par la nostalgie des grands anciens. Je l’ai crue morte, condamnée à être de la matière broyée dans les laboratoires de recherches et développements des surréalistes et de leurs thuriféraires géniaux (Artaud…), mais pour autant que toute cette activité soit utile à la création en général, la poésie avait perdu pour moi toute sa fonction d’interface sacrée. La transcription d’une image ou d’une sensation en un langage codé, décrypté par un lecteur capable de générer en lui-même cette image ou cette sensation. C’est en cet échange direct que ce situe la perfection de la poésie, sa beauté, sa grandeur et son souffle magique. Et cet élan s’est peu à peu perdu dans la recherche d’une beauté formelle qui ne parle plus. Je n’en connais pas les raisons, mais ce recueil de Liao Yiwu me donne une petite idée. La poésie porte le flamboiement du futile parce qu’elle n’a plus rien à dire, à dénoncer. Le cholestérol l’a tuée…
Il fallait qu’ un chinois indompté nous montre le chemin. Quelques phrases gravées à l’ongle sur le ciment humide, des mots coupés par la peur et traversées de beauté. La vie, la peur, l’essentiel, le nécessaire… (A sa mère : Tu critiques mes poèmes trop longs, maintenant le destin réduit ton fils à une petite phrase…) ce n’est pas une bluette sur le ciel qui inspire le poète, mais un ciel éblouissant à ses yeux habitués aux sombres caves, ce n’est pas l’exaspération du temps qui passe, mais le temps sacré du rituel carcéral, la phrase qu’il faut écrire en cachette quand un coup de feu libère un camarade. Liao Yiwu s’affranchit de la rime, de l’alexandrin pour nous faire respirer la terreur chinoise qui a suivi les évènements de Tien An Men, c’est violent et beau, chaque paragraphe fait sortir de l’ombre une scène à la puissance juste (Pour avoir chanté une chanson, une punition : le gardien avec son bâton électrique, m’oblige à en chanter cent… cent chansons) et nous rappelle ce que sait être la poésie quand elle a quelque chose dans les tripes, et qu’elle nous le fait partager.
Puissant.

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