Célébration du génie colérique de Michel Onfray

Célébration du génie colérique de Michel Onfray

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Philosophie

Critiqué par Jules, le 5 septembre 2002 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 79 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 552ème position).
Visites : 8 247  (depuis Novembre 2007)

A lire !

Ce petit ouvrage est entièrement consacré au sociologue Pierre Bourdieu membre du Collège de France. Vous dire que j’étais pressé de me ruer dessus serait beaucoup dire et si Onfray n'en avait pas été l’auteur, je ne l’aurais sans doute jamais lu. Mais quel bonheur de l’avoir fait !. Ce livre m'a profondément marqué !.
Je ne m'estime certainement pas être un homme de gauche, plutôt du centre, mais là mes idées ont, pour le moins, été un tantinet chamboulées !…
Je n’ai jamais lu une ligne écrite par Pierre Bourdieu mais il n’est vraiment pas nécessaire de l'avoir fait pour comprendre toute la portée de sa pensée et toute l’intelligence du propos d'Onfray.
Chaque tête de chapitre du livre reprend une critique ou un propos presque injurieux tenu par un journaliste suite au décès du sociologue. Onfray ne se gène pas pour les démolire et se sera fait, au passage, quelques ennemis de plus.
Quelques exemples
de ces propos tenus ?… « Il est bien connu que, humainement, il vaut mieux ne pas se frotter aux amis du peuple. » (Françoise Giroud) « Mort, Pierre Bourdieu s’est enfin tu. » (Béatrice Péreire) et j’en passe !.
Pourquoi ce déchaînement contre cet homme et sa pensée ? C'est ce que Onfray va nous expliquer.
Tout d'abord il nous dit, et regrette, qu’il n'existe quasiment plus de presse, ou de penseurs, réellement de gauche. Il nous explique que tout est fait par les médias pour que le peuple ne puisse pas déterminer exactement d'où viennent ses maux, afin qu'il ne sache pas les combattre. Il est confortable, pour ceux à qui le système profite, de considérer que les choses ne peuvent matériellement pas aller autrement. La presse, devant être rentable pour survivre, ne peut donc que jouer la carte du système tel qu'il existe.
Même la gauche joue le jeu du système en place. Il ne faut pas aller plus loin pour comprendre la défaite qu'elle vient d’encaisser !
L'ensemble de nos penseurs et médias défendent la notion de liberté envers et contre tout. Cette notion présente évidemment l'énorme avantage, pour les nantis, de pouvoir considérer que chacun est donc responsable de son sort et ne peut pas s’en plaindre. Onfray nous montre à quel point Bourdieu luttait contre cette pensée, considérant qu’elle revenait à nier totalement le contexte global dans lequel certains individus sont plongés. Les chances sont loin d’être les mêmes pour tous !.
Pour Bourdieu la presse n'était plus un contre pouvoir mais bien un allié du pouvoir.
L’ensemble de notre système fonctionne par cooptation et si, par hasard, un homme du peuple arrivait à s'élever, il lui faudrait bien vite accepter de renier cette origine et d'accepter les règles de son nouveau milieu. Bourdieu s'y refusait et cela ne lui a jamais été pardonné !
Michel Onfray nous donne d'ailleurs là quelques très belles pages sur « l’homme Bourdieu » qu’il comprenait d’autant mieux que lui-même provient d'un milieu modeste et a également connu une enfance et jeunesse très difficile. Il n'est d'ailleurs pas davantage prêt à le renier !
Ce livre est bien trop dense pour pouvoir évoquer ici l'ensemble des idées forces qu’il contient. Sachez seulement qu'il s’agit d'un livre intelligent qui se lit avec un très grand plaisir. Une fois les premières pages lues, il m'a été impossible de m'en extraire. Après sa lecture, il devient clair que les choses ne peuvent pas continuer ainsi et que de grands changements devront être opérés, sous peine de rendre très bientôt nos sociétés invivables !
Une citation parmi beaucoup d'autres phrases soulignées :
« Aucun bénéficiaire n'aime l’insolent qui analyse et démontre les logiques dont procèdent ses avantages ; aucun nanti n'apprécie l’empêcheur de jouir entre complices et comparses, qui prouve le fonctionnement violemment inégalitaire du système en place ; aucun individu comblé par le marché n’applaudit l’impudent qui dénonce la manière injuste dont s'effectuent les partages : on transforme vite en victime émissaire le penseur qui dit la vérité, dévoile, arrache les décors et montre dans une pleine nudité critique la douceur du monde pour un petit nombre et sa dureté pour la plupart. »
Que l’on soit de droite, du centre ou de gauche, peu importe : il me semble des plus importants de lire ce livre !

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Les éditions

  • Célébration du génie colérique [Texte imprimé], tombeau de Pierre Bourdieu Michel Onfray
    de Onfray, Michel
    Éditions Galilée / Collection l'Espace critique
    ISBN : 9782718605586 ; 18,31 € ; 10/04/2002 ; 106 p. ; Broché
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A Bolcho

9 étoiles

Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 79 ans) - 5 septembre 2002

Tu me devances avec une rapidité foudroyante !... Tu penses bien que je comptais t'envoyer un mail pour te signaler ce livre qui, à mes yeux, doit représenter un intérêt plus que certains pour toi. Ton habituel humour ne diminue en rien le contenu des idées que tu exprimes. Au contraire, il ne peut qu'aider à pousser certains à prendre ce livre et si je l'osais, je dirais que tout le monde devrait le faire. En effet, j'ose dire que ce qu'il contient nous concerne tous et que de se le rappeler ne peut que remettre les idées en place. Après avoir lu ce livre, on ne peut plus voir le monde de la même manière ! Se voiler la face n'a jamais aidé à rien sauf, peut-être, à repousser un petit peu des échéances mais aussi à rendre les choses plus dures le jour où...
J'aurais aimé dire les mêmes choses mais avec ton humour en plus.

Bourdieu en question

10 étoiles

Critique de Darius (Bruxelles, Inscrite le 16 mars 2001, - ans) - 5 septembre 2002

Mon Dieu, qui l'eût cru qu'on ait tellemnt cassé du sucre sur Bourdieu après sa mort.. Humblement, je l'ignorais.. Je ne l'ai connu qu'à travers un cours de sociologie et quand on est potache on se fout de l'idéologie de la personne qu'on doit étudier. On se fout tout cours de la personne quon doit étudier, c'est dire que je ne me souviens pas d'une seule ligne de ce qu'il a pu dire ou écrire. Mais je sais que notre prof en était un adepte.. Et dire que je ne me souviens plus du prof, sauf qu'elle semblait incompétente pour transmettre ce qu'elle aurait voulu transmettre. Quel dommage pour Bourdieu !

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10 étoiles

Critique de Bolcho (Bruxelles, Inscrit le 20 octobre 2001, 75 ans) - 5 septembre 2002

Jules, la critique que tu fais de ce livre me laisse aphone, aussi est-ce avec un étonnement sans borne et un immense plaisir que je te tends le porte-voix, en un dernier geste héroïque, pour que tu harangues les foules prolétaires à ma place. J'ai l'air de plaisanter, parce que je mets les formes du sourire, mais merci d'avoir si bien résumé les raisons d'être d'une gauche radicale. Et comme je n'ai pas (encore) lu le livre, je note la critique.

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