L'Etat sauvage de Georges Conchon

L'Etat sauvage de Georges Conchon

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Falgo, le 23 janvier 2012 (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 84 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 297ème position).
Visites : 3 243 

Le racisme à double sens

Fonctionnaire international, journaliste, scénariste, écrivain, Georges Conchon est bien oublié - lui aussi - aujourd'hui en dépit du prix Goncourt obtenu en 1964, justement pour "L'état sauvage".
Un jeune fonctionnaire, Avit, est envoyé en mission dans un pays africain imaginaire - qui représente tous les autres - où il retrouve son ancienne femme en ménage avec un ministre noir du pays en question. Il se trouve immédiatement plongé dans une situation étrange: d'une part il est déclaré persona non grata par le pouvoir local, d'autre part il est immédiatement plongé dans la société coloniale européenne où il fait figure de suspect en raison de la situation de son ancienne femme. Deux racismes se font face et il est en quelque sorte victime des deux.
Pris entre ces deux feux, déboussolé, Avit perd peu à peu ses illusions et, frôlant le drame à chaque instant, tente malaisément de reprendre pied.
Conchon déroule cette histoire avec un curieux mélange de réalisme et de lyrisme. J'y ai retrouvé avec une fidélité remarquable l'atmosphère régnant dans les pays africains à l'époque de leur indépendance. Mais également une sorte d'essai de divination songeuse de l'avenir qui dérange.
Fondé sur les mémoires de Patrice Lumumba, le récit met en exergue les difficultés auxquelle se heurte l'instauration de la démocratie dans les anciens territoires coloniaux. Si le livre, à sa sortie, a provoqué des remous chez les intellos de tous bords, je ne le trouve pas très efficace aujourdhui, ceci étant largement dû, à mon sens, à l'écriture contournée de Conchon.
J'ajoute qu'il a fourni la trame et le titre d'un très bon film de Francis Girod, avec un Jacques Dutronc halluciné et fragile comme du cristal dans le rôle principal.

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"Le temps des colonies", tu parles !

9 étoiles

Critique de Bookivore (MENUCOURT, Inscrit le 25 juin 2006, 41 ans) - 23 juillet 2021

Adapté au cinéma en 1978 (excellent film avec Dutronc, Piccoli, Claude Brasseur...dans les rôles respectifs d'Avit, Orlaville et Gravenoire), ce roman de 1964, qui fera apparemment pas mal parler en son temps aussi bien pour son sujet que pour la récompense qu'il a obtenue, a donc eu le Goncourt.
"L'Etat Sauvage", de Conchon, se passe en Afrique noire, dans un pays fictif, le Jacul (ce nom...) ancienne colonie française, mais désormais indépendant. Ce qui n'empêche pas des Français de, toujours, y vivre, et certains (le commissaire Orlaville, et Gravenoire, qui traficote un peu) semblent encore se croire "chez eux" dans ce pays qui n'est plus la France et ne l'a jamais été d'ailleurs.
Avit, jeune employé de l'Unesco, débarque dans ce pays (première fois, apparemment, qu'il quitte l'Europe) à la fois pour bosser, mais aussi pour y récupérer Laurence, sa femme, qui l'a quitté pour vivre avec son amant, qui n'est autre que Gravenoire. En arrivant, Avit apprend qu'il est à deux doigts de se faire expulser du pays, mais il apprend aussi et surtout que sa femme n'est plus avec Gravenoire, mais avec le ministre de la santé du pays, lequel, Patrice Doumbé, est... noir. Normal, c'est un natif du pays.
Avit n'est pas raciste, mais il y à une limite à ne pas franchir.
Bref, il prend relativement mal cette information.
Et il va chercher à récupérer sa femme à tout prix.
Ce qui ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd : on va l'aider, presque malgré lui, à récupérer Laurence. Par des moyens plutôt efficaces, mais, on va dire, un peu radicaux aussi !

A la fois drôle et révoltant (l'auteur n'est pas raciste, mais il dépeint tellement bien le racisme, et dans les deux sens (racisme anti Noirs, racisme anti Frouzes), que parfois, le malaise survient, à la lecture, en se disant que non, pas possible, les Hommes ne peuvent pas être comme ça. Bah si. Un peu. Pas tous, mais un peu.

Excellent roman, une belle satire du temps des colonies et de l'après. Dans ce roman, ce n'est plus le temps des colonies cher à Sardou, mais certains y croient encore, dans les deux camps...

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