La belle amour humaine de Lyonel Trouillot
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Une fable magnifique sur le sens de la vie
Thomas est chauffeur de taxi et guide touristique à Haïti, un pays qu'il aime et dont il évoque avec une certaine philosophie la beauté des âmes. Dans son taxi, il emmène Anaïse, une jeune occidentale qui va au village d'Anse-à-Fôleur à la recherche des traces de son père qui a fui son propre père l'homme d'affaires Robert Montes et contrebandier notoire grand ami d'une brute épaisse, le colonel Pierre André Pierre. Ces deux derniers ont péri dans l'incendie de leurs maisons jumelles, c'est le lendemain que le père d'Anaïse s'est enfui ! Sous forme de monologue Thomas nous fait découvrir le village d'Anse-à-Fôleur et les habitants qui en font son histoire dont Justin son oncle aveugle et peintre qu'Anaïse va rencontrer en fin d'ouvrage. Quel usage faire de sa présence au monde ?, tel est le thème essentiel de cette fable fort réaliste. L'auteur a le sens du verbe, il parle de sa terre natale avec passion nous en révélant les mystères. Sans complexes il décrit le comportement des nantis et des touristes qui méprisent si ouvertement la pauvreté. Une belle leçon d'humilité que nous donne cet auteur clairvoyant. Le bonheur tient à peu de choses qu'on se le dise !
Romancier et poète, intellectuel engagé, acteur passionné de la scène francophone mondiale, Lyonel Trouillot est né en 1956 dans la capitale haïtienne, Port-au-Prince, où il vit toujours aujourd'hui. Son oeuvre est publiée chez Actes Sud, et son précédent roman, Yanvalou pour Charlie, a obtenu le prix Wepler 2009.
Les éditions
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La belle amour humaine [Texte imprimé], roman Lyonel Trouillot
de Trouillot, Lyonel
Actes Sud / Domaine français (Arles)
ISBN : 9782742799206 ; 17,30 € ; 12/08/2011 ; 169 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (9)
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Une jolie fable poétique
Critique de Pucksimberg (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans) - 14 septembre 2014
Lyonel Trouillot a opté pour une structure plutôt originale et son écriture est poétique. Le lecteur se laisse bercer par le flot de paroles de Thomas. L'on sent l'attachement du personnage à sa terre malgré la dureté de leur existence. C'est un pays dans lequel il a fallu apprendre à vivre différemment et à exercer aussi la justice par soi-même. Les êtres semblent liés les uns aux autres, ils semblent constituer un tout et chaque être a son rôle dans cette société. "Quel usage faut-il faire de sa présence au monde ?" s'interrogent les personnages, ce qui permet à l'auteur quelques questionnements sur la vie.
Le texte est plaisant à lire, mais demande de la concentration afin de ne pas rater le coche. Les interrogations développées dans le roman ont du sens pour tout être humain et ne se rattachent pas uniquement à la condition haïtienne. C'est bien de l'Homme dont il est question ici.
La belle prose humaine
Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 7 septembre 2014
Lu dans le cadre du prix CL2014
Critique de Yotoga (, Inscrite le 14 mai 2012, - ans) - 10 avril 2014
Page 17 « Au centre-ville, le bruit c’est comme la pauvreté, on n’en a jamais fait le tour. La pauvreté, chaque fois qu’on croit la circonscrire dans des quartiers créés pour elle, elle déborde et se lève ailleurs. »
Page 21 « Mais, pour le bruit, je te donne mon salaire de guide que nous gagnons la coupe du monde. Ici, dans cette ville défigurée, ça coince tellement qu’il y a peu de place pour le silence et peu d’amour pour le mystère. Ici, faute de mieux, on se soule au vacarme. Et puis, quand vient la fin, comme un vieux chien malade qui en a marre de faire l’inutile tour des choses, on se couche et on meurt d’une overdose de bruit. »
Page 137 « Pardonne moi. Je n’ai pas l’habitude des nuits noires. Je viens d’une ville de lumières inventées qui triche avec la nuit à coup de lampadaires, de néons et de phares. Je suis d’un monde où tout peut s’allumer la nuit. On y considère la lumière comme un agent de sécurité, et, pour dormir tranquille ou marcher dans la nuit, il est bon de savoir qu’on a toujours à sa portée une source d’éclairage. Pardonne moi. Je n’ai vu que la noirceur de la nuit. »
En espérant que ça vous donne envie de lire ce livre.
Au bout du voyage...le village.
Critique de Pieronnelle (Dans le nord et le sud...Belgique/France, Inscrite le 7 mai 2010, 76 ans) - 19 mars 2014
Car le véritable héros c’est le village dans lequel dansent des personnages d’une belle humanité autour du grand-père et du colonel auréolés de noirceur. Il y a une vraie réflexion sur le sens de l’existence, sa vanité ou son importance. Ce trajet dans un taxi aux allures de carrosse du pauvre, vers quelque chose d’incertain, d’inconnu, a un air de voyage initiatique. Le but ? La « belle amour humaine ». Ce très beau titre est à l’image du style de ce bel auteur.
« Avant de repartir pour la capitale, l’enquêteur nous a joué la scène. Il est devenu très bon à ce jeu depuis qu’il a pris sa retraite. Il tient un bar dans une zone interlope où l’on n’a plus de certitudes sur les mérites à récompenser et les pratiques condamnables. Des repris de justice et d’anciens fonctionnaires des services des douanes et de la police vont y boire et se rappeler le temps jadis. Ils ont pour la plupart changé de domaine d’activité et se rient de leurs défunts antagonismes. Ils pratiquent l’aide humanitaire et reprennent parfois du service quand une cause les intéresse : une femme battue, une escroquerie envers les faibles. Dans la clientèle, on compte aussi de simples citoyens qui n’ont jamais porté d’arme à feu ni forcé de serrure. Ils y vont parce que l’ambiance y est joviale, les bagarres interdites, les propriétaires sympas, et le nom attrayant. L’enquêteur, il était arrivé avec des questions, un ordre de mission, et tout le savoir-faire nécessaire pour ramener des coupables. Il est reparti avec sa lettre de démission et un nom pour son bar : l’Anse-à-fôleur. J’y vais parfois prendre une bière. Il laisse alors ses partenaires s’occuper du service, et je lui donne des nouvelles de là-bas, de mon oncle, de Justin, de Solène qui n’est plus une jeune fille depuis longtemps mais qui n’a pas permis au temps de faire la moindre ride à sa beauté sauvage ».
Ce que les mots ne savent pas dire
Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 25 février 2014
La route est longue entre la capitale et Anse-à-Fôleur, le village du grand-père, et le chauffeur raconte, raconte ce qu’il sait mais surtout ce qu’il ne sait pas, ce qu’il ne veut pas dire, ce qu’il ne peut pas dire car raconter ce qui a été ne sert à rien, ce qui compte c’est aujourd’hui et peut-être demain s’il existe pour ces gens de misère qui vivent selon le temps haïtien, le temps présent, l’immédiateté ; le passé est révolu il n’a pas de futur à nourrir, l’avenir est trop aléatoire. La justice en ce pays n’a pas de sens, quelle forme peut-elle prendre pour avoir une signification pour la jeune fille ?
Ce texte est une image grandeur nature d’Haïti à notre époque avec ces deux vieux qui représentent la corruption sans vergogne, la violence cynique et toute la théorie des malheurs et misères qui accablent cette demi-île damnée depuis qu’elle a conquis son indépendance ; et avec cette cohorte de miséreux qui vivent au jour le jour en attendant la prochaine catastrophe ou la prochaine machination funeste fomentée par le pouvoir souvent très autoritaire. « La mort demeure pour le vivant la plus banales des occurrences, la seule qui soit inévitable. La mort ne nous appartient pas, puisqu’elle nous précède ». Mais les gueux ont leurs secrets, leurs traditions, leur façon de transmettre leur culture dans les chants et les danses qu’eux seuls comprennent. Et Anaïse trouvera peut-être la clé de son avenir dans ses rites…
Et moi, je garderai de cette lecture l’extraordinaire exubérance de Lyonel Trouillot qui me rappelle la truculence de René Depestre, cette façon de mettre du soleil, de la musique, de la joie, du rythme dans les mots pour que les histoires paraissent moins cruelles, moins douloureuses, que la vie semble plus joyeuse sous le soleil des Caraïbes, je crois l’avoir déjà écrit, avec eux la misère paraît moins pénible au soleil. Cette misère que les touristes croient comprendre et que les associations humanitaires essaient de vaincre sous le regard ironique de l’auteur qui sait, lui, depuis toujours faire la part de la fatalité et de la révolte. «Si tu vas là-bas, il te faudra trouver quelque chose à leur donner. Ce n’est pas dans leur habitude de demander, mais qui c’est qui n’aime pas recevoir ! ». Miséreux éternellement mais dignes toujours !
« On dirait que tout, ici, … renvoie à la question : Quel usage faut-il faire de sa présence au monde ? A quel piège suis-je venue me livrer comme la plus naïve des voyageuses ? »
Exister au présent
Critique de Isad (, Inscrite le 3 avril 2011, - ans) - 16 février 2014
Une jeune femme qui se rend à Haïti à la recherche de ses origines sera la narratrice à la fin du livre. Elle part sur les traces de son père, décédé alors qu’elle avait 3 ans. Un chauffeur de taxi l’emmène dans un village reculé. Pendant les heures de route, c’est lui le narrateur et il lui parle de son grand-père, riche homme d’affaires retors. Il est mort dans l’incendie resté inexpliqué de sa maison, jumelle de celle de son ami, commandant noir à la retraite, qui lui prêtait des moyens pour arriver à leurs fins communes de pouvoir et qui a péri également. Sa grand-mère et son père étaient dehors, chacun de leur côté, ce soir là. Le meilleur enquêteur est dépêché de la capitale.
IF-0214-4157
Si le Paradis existe...
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 29 décembre 2013
Elle ne connait rien de ce petit coin du monde. Tout ce qu'elle sait, c'est que son père, qui a disparu quand elle avait trois ans, y a vécu. Et que son grand-père y est mort. Son grand-père Robert Montès, mort dans un incendie la même nuit que son voisin dans la maison jumelle, le colonel à la retraite Pierre André Pierre.
Que s'est-il passé cette nuit là? Est-il besoin de le savoir?
Elle va y rencontrer, entre autres, l'oncle de Thomas, peintre reconnu.
"Je crois qu'il va bientôt mourir, mais il tient à te rencontrer. Tu seras reçue comme une princesse. Je dis comme une princesse, mais là-bas les mots comme les gestes n'établissent pas de hiérarchie. Tu sera reçue comme toute personne qui vient mérite d'être reçue."
Elle fera connaissance avec les habitants de ce village, découvrant avec fascination, un autre mode de vie, une autre façon de vivre ensemble, avec des règles sociales et humaines tacites, des personnages uniques mais partie prenante d'un tout.
"Et quand s'amène un étranger, les enfants disent à leurs parents: Il est arrivé un nouveau. Et les parents n'interrogent pas les enfants sur la taille ou la couleur du nouveau, son accent, son poids ou ses éventuelles origines. Ils leur demandent seulement s'il a l'air triste ou gai. Et tous accourent accueillir le nouveau avec des gestes avenants et des tonnes de sourires."
Alors Anaïse, qui ne savait pas ce qu'elle venait chercher dans ce petit coin qui ressemble au paradis, ne repartira pas avec des réponses mais avec une question:
"Quel usage faut-il faire de sa présence au monde?"
Un livre lumineux, qui raconte même les pires choses avec une fluidité impressionnante, même si j'ai été un peu dépassée par la dernière page. Et chez un éditeur que j'apprécie.
Superbe.
Si le Paradis existe, c'est au village d'Anse-à-Fôleur !
Dommage que ce soit si court …
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 16 décembre 2013
Lyonel Trouillot ne nous raconte pas d’histoire, il nous brosse plutôt le contexte de ce qui pourrait être des histoires et qui constitue la réalité, étalée sur plusieurs années, du village haïtien excentré, loin de tout, de Anse-à-Fôleur. D’ailleurs c’est mieux que cela encore puisqu’il fait raconter ces bases d’histoire, ce tissu de relations humaines qui fondent une société, par Thomas, guide-chauffeur haïtien qui conduit Anaïse, jeune femme venue d’Occident vers ce village où mourût un grand-père qu’elle ne connût pas et dont elle ignore l’essentiel.
Thomas conduit donc et raconte, raconte … Anaïse, elle, est saoulée de ces propos incessants, de ces pistes ouvertes et jamais poursuivies, et nous avec. A grands coups de propos, de relations de faits qui ne semblent pas forcément avoir un lien entre eux, on entrevoit ce que Thomas et la population d’Anse-à-Fôleur se refusent à expliciter concernant l’incendie de la maison et la mort du grand-père d’Anaïse. Et ce n’est pas misérabiliste, ce n’est pas non plus un vautrage dans le malheur … A l’image d’Haïti, ça parvient à conserver de la lumière et de la vie malgré un environnement plombé comme peu de pays le sont. Anaïse va vivre une belle expérience pour une occidentale, une sorte d’initiation à la « Haïti attitude ».
C’est en plus magistralement écrit et souvent plein de poésie. C’était mon premier Lyonel Trouillot, sûrement pas le dernier …
« Ce n’est pas un asile que je cherche. Je veux mieux comprendre et connaître ce qu’a laissé ou fui cet homme qui fut mon père. Je l’ai si peu connu, lui. Il avait une santé fragile, et il nous a quittés très tôt. J’étais une enfant. Je sais par ma mère qu’il ne parlait jamais de son pays d’origine. Sauf une fois. Il avait mentionné un lieu : Anse-à-Fôleur. J’ai appris, par mes recherches, que mon grand-père, Robert Montès, est décédé à Anse-à-Fôleur. J’ai essayé en vain d’entrer en contact avec des membres de sa famille. Je n’ai jamais eu de réponse. Alors j’ai décidé de venir vers cet inconnu. »
Thomas et Anaïse
Critique de Koudoux (SART, Inscrite le 3 septembre 2009, 60 ans) - 24 novembre 2013
Elle espère retrouver des traces de son père qu'elle a à peine connu et éclaircir l'énigme encore inexpliquée autour de la mort de son grand-père et du colonel.
Thomas, chauffeur de taxi et guide va l'y emmener.
A travers ces deux personnages, l'auteur va nous décrire aussi bien le décor que la vie de cette région.
On a l'impression d'être dans le taxi ou assis à la même table que les deux jeunes.
Narration poétique et un peu magique.
Un bon moment de lecture qui nous fait réfléchir sur le sens du mot "bonheur"!
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