Billy Budd, marin de Herman Melville
(Billy Budd, sailor)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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De quelques péchés littéraires
« Billy Bud le marin » est le dernier roman écrit par Herman Melville, mort en 1891. Il ne fut publié qu’en 1924. L’histoire en est simple mais la force de ce texte tient moins à la relation des événements qu’à son ambiguïté et aux interprétations diverses qu’il suscite. Melville propose d’abandonner la grand-route du récit pour prendre des chemins de traverse et nomme ces digressions, péchés littéraires. Ce sont eux qui vont donner au livre sa puissance, sa richesse, sa séduction.
En 1797, la royale Angleterre est en guerre contre la France révolutionnaire dont l’exemple a suscité des rebellions dans une marine britannique qui manque d’hommes. C’est pourquoi les bateaux de guerre peuvent enrôler de force des marins qui naviguent sur des navires marchands.
Ainsi en est-il du jeune Billy Budd, vite surnommé le beau marin tant il allie la force à la grâce. Innocent et fondamentalement bon, il est inconscient de l’effet favorable qu’il produit sur les autres. Enfant trouvé, il est illettré mais chante comme un rossignol. La seule faiblesse qu’on lui connaisse est son bégaiement lorsqu’il est en proie à une vive émotion. « Honnête barbare assez comparable à Adam avant le serpent. »
Le navire est commandé par le capitaine Vere, marin distingué, conservateur, lecteur de Montaigne, plein de bravoure, soucieux du bien-être de ses hommes mais ne tolérant aucune infraction à la discipline. Vere, comme les autres officiers, est ravi de l’accomplissement des devoirs de Billy qui est placé sous l’autorité du sous-officier Claggart.
Regard impérieux, intelligent, de haute qualité morale mais dont on ne sait rien sur son passé ce qui a généré des rumeurs d’escroquerie. Il ne manque pas une occasion de traiter Billy de « charmant jeune homme, gentil tout plein ». En fait Melville nous fait vite comprendre que Claggart hait Billy pour lequel il éprouve à la fois envie et antipathie. Est-ce parce qu’il perçoit le bien chez le jeune gabier mais est impuissant à y participer ? Est-ce parce que sa beauté le dérange ou le trouble ? « Dans le vitriol de son envie, il infusait le vitriol de son mépris ».
Claggart va raconter au capitaine que Billy serait un comploteur, ce qui au moment où une mutinerie est toujours possible est extrêmement grave. Vere n’en croît rien et convoque Billy et Claggart. Billy est tellement suffoqué qu’il ne peut dire un mot et n’a pour seule réponse que de frapper Claggart qui en meurt. « L’innocence de l’un et la culpabilité de l’autre troquèrent leurs places ». Vere se croit obligé, compte tenu de ses convictions et plus encore de sa position, de convoquer une cour martiale. Le devoir militaire l’emporte sur les scrupules moraux. Billy mourra avec panache au premier quart du matin en criant : « Dieu bénisse le capitaine Vere ». Lequel, blessé un peu plus tard, mourra peu après en murmurant « Billy Budd, Billy Budd »
On me pardonnera (peut-être) d’avoir dévoilé la fin qui est en quatrième de couverture, parce que l’essentiel du roman est ailleurs, dans ces péchés littéraires qu’évoque Melville. L’essentiel est dans les références religieuses qui renvoient à la jeunesse de l’auteur ; il est dans le débat qui s’est nourri tout autour du livre, certains y voyant une allusion au Christ (Billy) entre Claggart (Judas) et Vere (Ponce-Pilate) ; d’autres ont avancé des hypothèses fondées sur la psychanalyse ; d’autres encore ont vu dans ce récit la confrontation du bien et du mal (naturel ou sociétal avec une référence à Rousseau) mais ici c’est Abel qui tue Caïn ; d’autres enfin ont projeté une analyse marxiste sur ces pages, Vere étant fondamentalement un conservateur qui se réfugie derrière la discipline militaire pour refuser l'impureté de son émoi. En fait Melville ne tranche pas. C’est au lecteur de choisir.
« Billy Budd le marin » est un très beau texte, dense, complexe, ambigu, tragique qu’il appartient à chaque lecteur de s’approprier. Et, si ce sont des péchés, on ne peut que vous inviter à y succomber. Après tout, chacun sait bien que « la lecture est un vice impuni ».
Les éditions
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Billy Budd, marin [Texte imprimé], récit interne Herman Melville trad. de l'anglais et préf. par Pierre Leyris
de Melville, Herman Leyris, Pierre (Autre)
Gallimard / Collection L'Imaginaire
ISBN : 9782070709045 ; 7,90 € ; 14/05/1987 ; 182 p. ; Broché -
Billy Budd, matelot [Texte imprimé], & autres récits maritimes Herman Melville traduit par Jérôme Vidal avec la collaboration de Charlotte Nordmann postface d'Eve Kosofsky Sedgwick...
de Melville, Herman Sedgwick, Eve Kosofsky (Postface) Vidal, Jérôme (Traducteur)
Éd. Amsterdam / Amsterdam poches
ISBN : 9782915547573 ; 10,00 € ; 19/06/2007 ; 277 p. ; Poche
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