La trilogie allemande sur papier bible.

A l'heure où la publication de quelques écrits de Drieu La Rochelle dans la prestigieuse collection de la Bibliothèque de la Pléiade fait polémique, on se souvient que L-F. Destouches/Céline défraie régulièrement la chronique, la dernière en date, la décision de retirer l'auteur de la liste officielle des célébrations nationales, ainsi que la suppression de la notice d'Henri Godard, l'un des meilleurs spécialistes de l'oeuvre célinienne.

Ainsi, lire Céline dans cette même collection de la Pléiade a-t-il quelque chose de savoureux... l'écrivain maudit dans ce que l'édition peut offrir de meilleur...

A côté des célèbres Voyage au bout de la nuit et mort à crédit, les trois romans de la Trilogie allemande, D'un château l'autre, Nord et Rigodon sont assez peu connus, ils l'étaient pour moi en tout cas.
Au cours des plus de 900 pages (si l'on exclut les notes, documents complémentaires et diverses notices) de l'ouvrage, on suit Céline, sa femme Lili, le chat Bébert au cours de leur périple qui va les mener de Paris à Copenhague en pleine débâcle allemande, sous les bombardements alliés.
Tout comme le gouvernement de Vichy, Céline fuit. Les alliés ont débarqué en Normandie, Paris est bien proche et il faut se mettre à l'abri de la répression, de la vengeance des vaincus hier qui ne pardonneront sans doute pas les pamphlets antisémites ni les compromissions avec l'occupant.
Une idée fixe, rejoindre le Danemark où le prévoyant docteur a placé son magot... mais c'est sans compter la volonté des allemands qui au passage le retiennent en Prusse, lui font rejoindre Sigmaringen, siège des Français en exil, puis viendra la chaotique remontée en train vers cet eldorado (qui se révèlera assez dur finalement...).

Outre le récit romancé de ses péripéties, la lecture de cette trilogie vaut bien entendu par le style de ce grand innovateur... le passage de l'argot dans le roman, les formes anti-académiques (multiplication de la ponctuation, les fameux trois points qui hachent le récit) de l'écriture sont encore novatrices aujourd'hui, même après le Nouveau Roman, qui a cherché à renouveler le genre dans la même période. Le cas Céline est à part, il n'est comparable à aucun écrivain que je connais...
Souvent drôle, parfois agaçant, cerné par ses obsessions, paranoïaque et misanthrope, on ne peut, malgré tout, malgré ces pamphlets qui le désignent aujourd'hui à la censure, qui empêchent de reconnaître pleinement son apport à la Littérature française, d'admirer son talent et sa singularité.
Un mot de l'édition dans lequel ces trois romans nous sont donnés. On considère souvent que les textes en Pléiades sont les versions ultimes: le travail d'Henri Godard le démontre ici qui nous livre les variantes des différents manuscrits. Les notes qui accompagnent le texte ainsi que les quelques pages qui nous expliquent la composition de la trilogie sont souvent précieuses et érudites. Enfin, outre les trois derniers romans de Céline, H. Godart nous livre la transcription d'un entretien inédit avec A. Zibden et un petit texte savoureux d'un Céline toujours ronchon mais si attachant.

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  Romans [Texte imprimé] Céline édition présentée, établie et annotée par Henri Godard

  de Céline, Louis-Ferdinand Godard, Henri (Editeur scientifique)
  Gallimard / Bibliothèque de la Pléiade.
  ISBN : 9782070107971 ; 57,00 € ; 18/07/2008 ; 1265 p. ; Relié

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