Jacques Tati de Jean-Philippe Guerand

Jacques Tati de Jean-Philippe Guerand

Catégorie(s) : Arts, loisir, vie pratique => Cinéma, TV , Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par AmauryWatremez, le 2 décembre 2011 (Evreux, Inscrit le 3 novembre 2011, 55 ans)
La note : 7 étoiles
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La vie de monsieur Hulot

J'aime beaucoup le cinéma, c'est presque sensuel. J'aime entrer dans l'univers d'un créateur et en ressentir ce qu'il fait passer. Ce que montre cette biographie de Tati par Jean-Philippe Guérand aux éditions Gallimard/Folio c'est que pour le créateur de monsieur Hulot le cinéma était vital. Jacques Tatischeff est né dans une famille riche et cossue de la banlieue aisée, au Pecq. C'est un fils de famille un rien paresseux aux yeux de son père, farceur et rigolard, qui va finir par trouver sa vocation dans le music-hall et la pantomine. Certes, le problème de cette biographie, comme d'autres ouvrages de ce genre, c'est de sombrer dans l'hagiographie ce qui est parfois un peu pénible. Ce n'est pas parce que Tati se voyait comme un artiste maudit que c'était un artiste maudit. Malgré tout, on comprend très bien le processus de création des films et entre les lignes la folie des grandeurs qui a saisi le cinéaste au moment de "Playtime". Quand Tati tourne "Jour de fête", il préfigure en somme le néoréalisme en France. "Les vacances de monsieur Hulot" c'est la continuation des films comiques muets américains, les dialogues sont pour la plupart totalement absurdes à dessein. "Mon oncle" est déjà plus intellectualisé. Quant à "Playtime", Tati entreprend de vouloir dénoncer la société moderne spectaculaire. Très bien, mais il s'y perd et surtout il n'est plus vraiment drôle. C'est d'ailleurs sa volonté, il vaut un rire "intelligent". Jean-Philippe Guérand assure qu'il veut prendre le spectateur pour un adulte, et l'entraîner à réfléchir sur ce qui le fait rire.

Très bien, c'est tout à fait méritoire mais le film en devient très ennuyeux. Personnellement, je vais commettre un crime de lèse-génie estampillé, Tati étant maintenant une icône intouchable, je m'embête comme un rat mort devant "Jour de fête", sauf pendant les scènes de la fête du village et le monologue de la vieille paysanne, que je croyais actrice amateur alors que c'était un acteur travesti. Je regarde "les vacances de Monsieur Hulot" avec plaisir d'un bout à l'autre mais "Mon oncle" n'éveille au mieux qu'un ennui distingué, c'est déjà ça, un peu comme les dessins de Sempé que Tati appréciait d'ailleurs. J'aime bien le rire énorme, dévastateur, le rire caustique qui pointe aussitôt les ridicules et les rend définitivement grotesques comme dans "les producteurs" de Mel Brooks, mais les petits détails réputés pittoresques de "Trafic" ou encore "Playtime" me font suer. Je n'ai pas envie que l'on pointe les moments où je dois rire, ceux où je dois réfléchir, ce que cela doit m'inspirer. je n'aime pas avoir besoin d'un plan, d'un itinéraire flèché pour regarder un film.

Ce qui reste de Tati, ce qui lui a survécu, c'est la figure de monsieur Hulot, l'archétype du français distrait et rêveur, mais complètement rétif à l'instinct grégaire. Et finalement, le cinéaste avait le défaut très répandu de l'auteur français, le complexe du "chef d'oeuvre". Il manquait un peu d'humilité. Je préfère la démarche de Serrault qui tournait souvent des sottises en toute conscience parce qu'il y avait toujours quelque chose à sauver et que la vie était de jouer quand même, pour donner aux autres sans se poser de questions et non en s'introspectant constamment et avec délices ainsi que Tati le faisait, rendant fous la plupart de ses collaborateurs qui finirent tous par quitter le navire. Enfin, j'aime énormément l'idée de François Truffault d'inclure monsieur Hulot dans "Baisers volés", une idée absurde, mais drôle et généreuse. Il y a déjà plusieurs années j'ai rencontré Sophie Tatischeff dans un petit troquet qui ne payait pas de mine, tenu par un ancien jockey et une dame retraitée dont le louque et l'accent parigot à souhait indiquaient l'ancien métier. Elle venait souvent avec des musiciens genre fanfare des beaux arts et la soirée finissait par ressembler à une scène de "Jour de fête".

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