Le grain tombé entre les meules de Alexandre Soljenitsyne
Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances , Littérature => Russe
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Un homme libre
Après avoir effectué plusieurs années de purgatoire littéraire, Soljénitsyne ressort des placards où l'avaient rangé ceux dont il dénonçait les hypocrisies et compromissions selon eux obligatoires avec les pires dictatures du XXe siècle, en particulier le communisme d'Europe de l'est.
L'auteur de cette autobiographie, qui ici se raconte plus que dans les autres livres, parle plus de lui et de sa famille, de ce qu'il a vécu avec eux, de ce qu'ils ont soufferts ensemble, a lutté contre le nazisme et contre le communisme non seulement stalinien mais également celui qui l'a suivi en Russie, malgré une certaine détente sous un certain "Monsieur K.". Il a lutté contre les mensonges véhiculés par les laudateurs du régime soviétique et depuis la chute du mur et certaines de ses déclarations, on le rangeait bien facilement parmi les réactionnaires nostalgiques de l'empire russe et de l'orthodoxie triomphante. Il a lutté contre lui-même, contre la nostalgie de sa terre. Il aurait pu se laisser faire après tout et rester chez lui, mais le prix lui semblait trop élevé à payer.
Certains allèrent même jusqu'à soupçonner ses intentions lors de la rédaction de "l'Archipel du Goulag". En effet, le mur tombé, on allait pouvoir continuer à consommer en toute tranquillité, sans se poser de questions sur le lendemain, sur s'intéresser au sort des plus pauvres, des plus mal lotis de la planète, sans se soucier de l'équilibre écologique. Mais il fallut que l'écrivain continue son rôle d'empêcheur de tourner en rond, d'emmerdeur qui essaie de pousser ses congénères à plus de réflexion et moins de docilité devant n'importe quelle idéologie, voire quand bien même celle-ci serait l'espèce d'humanitarisme "light" qui sévit actuellement dans nos contrées. Malheureusement, l'intelligence est moins confortable que l'insouciance irraisonnée. Et la réflexion annihile les certitudes faciles.
Cette autobiographie le prouve encore une fois, l'auteur en est bien un homme debout, sans compromis, qui donne du courage pour affirmer ses opinions.
Il rêve de gouvernement mondial pourtant, d'une fraternité étendue à toute l'humanité sans contrainte arbitraire, sans idéologie dogmatisée. Il le croit malgré tout possible et garde de l'espérance. Il me fait irrésistiblement penser à Bernanos quant à sa foi. Ils sont de la même eau. Leur foi n'est pas une idéologie moralisatrice ni un paravent permettant de se donner bonne conscience : comme prier avec forces gestes ou gesticulations, chanter extatiquement puis continuer de supporter les pires compromis avec le monde qui nous entoure, comme ces croyants qui "ont le coeur sec et les tripes molles", ou comme encore tous ceux qui se laissent aller à des émotions d'une impudeur folle à al télévision, mais n'ont finalement pas plus de coeur que les autres. Or, Soljénitsyne est toujours scandalisé par le mal, celui qu'il a connu dans les camps, et qui est à la fois la destruction méthodique de l'humanité des êtres humains et un attrait irrésistible pour le néant, en toute connaissance de cause, par le mensonge et par l'hypocrisie.
Les éditions
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Le grain tombé entre les meules [Texte imprimé], esquisses d'exil Alexandre Soljénitsyne trad. du russe par Geneviève et José Johannet
de Soljenitsyne, Alexandre Johannet, Geneviève (Traducteur) Johannet, José (Traducteur)
Fayard
ISBN : 9782213601861 ; 23,40 € ; 11/11/1998 ; 547 p. p. ; Broché
Les livres liés
- Le grain tombé entre les meules
- Esquisses d'exil : le grain tombé entre les meules, Tome 2
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