Le Turquetto de Metin Arditi

Le Turquetto de Metin Arditi

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Thierry13, le 25 novembre 2011 (Inscrit le 3 août 2010, 53 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 9 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 272ème position).
Visites : 7 986 

Passionnant

Le turquetto (petit turc) est un peintre de génie. Mais étant juif, il lui est interdit de reproduire le vivant, il prends donc une autre identité afin d'assouvir sa passion en toute tranquillité.
Travaillant dans l'atelier de Titien, il devient très vite célèbre et il est choisi pour peindre une fresque biblique. Mais une liaison dévoile son identité et il doit comparaitre devant les tribunaux de Venise.

Histoire passionnante et riche, le turquetto nous plonge dans la période de la Renaissance.

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Les éditions

  • Le Turquetto [Texte imprimé], roman Metin Arditi
    de Arditi, Metin
    Actes Sud / Domaine français (Arles)
    ISBN : 9782742799190 ; 1,77 € ; 12/08/2011 ; 280 p. ; Broché
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Un grand dessein

6 étoiles

Critique de Homo.Libris (Paris, Inscrit le 17 avril 2011, 58 ans) - 12 mars 2022

Metin Arditi invente la biographie d'Elie Soriano, né Juif à Constantinople (vers 1519), terre conquise par les Musulmans. Elie est passé maître dans l'art de la calligraphie et ne peut concevoir de vivre sans dessiner, ce qui est interdit par le dogme judaïque. Alors Elie fuit Istanbul pour Venise et devient élève du Titien qui le surnomme le Turquetto (le petit Turc). Ainsi débute le récit d'une passion, un destin mouvementé que Metin Arditi conte avec ferveur, construit avec force, et plante dans une Renaissance en plein conflit religieux (début de la Réforme), à la naissance de grands courants de pensée nouveaux (héliocentrisme, etc.) où l'obscurantisme, autant juif que chrétien ou musulman, étouffe encore la raison et l'humanisme. Il est question de tout et de son contraire : d'entraide, d'empathie, d'art, de vie, mais aussi de trahison, de haine, de laideur, de mort. L'auteur réussit à entrainer inlassablement le lecteur dans le tourbillon de cette vie aux identités multiples, aux rencontres innombrables, heureuses autant que malheureuses. En conteur averti, il fait évoluer ses personnages au cœur des rivalités et des fastes de Venise, entre ombre et lumière, entre religion et pouvoir, en filigrane du destin d'un artiste habité qui pour exercer cache son identité.
Le style est agréable, l'écriture dynamique, le vocabulaire, sans être particulièrement érudit, est plutôt riche ; seul point négatif : quand on est un aussi bon conteur, à l'imagination fertile et à la plume sûre, est-il acceptable de méconnaitre le verbe "dire" et d'utiliser pratiquement systématiquement le verbe "faire" !? Car à force de faire partout, l'odeur va bientôt égaler celle des cloaques de la Sérénissime !!!!

Larvatus prodeo

8 étoiles

Critique de Elko (Niort, Inscrit le 23 mars 2010, 48 ans) - 24 février 2022

Et si un peintre majeur de la Renaissance vénitienne avait été effacé des tablettes de l’histoire? Metin Arditi nous embarque dans cette biographie fictive qui débute chez les marchands d'esclaves stambouliotes jusqu'aux vénéneux palais de la Sérénissime. Où comment un petit juif se joue du déterminisme infranchissable de sa condition pour devenir un maître à Venise, avant de tomber dans l'oubli.

L’auteur nous plonge dans un monde cruel et sans fard, où les rivalités instrumentalisent les inégalités sociales et religieuses. Sombre et colorée à la fois, cette trajectoire empreinte de fatalité, nous fait traverser un monde et une époque stupéfiants.

Et si là haut y a rien !

9 étoiles

Critique de Onzeheurestrente (, Inscrite le 18 octobre 2020, 21 ans) - 19 octobre 2020

Constantinople (Istanbul) 1531. Élie est hébreu (juif) et vit chez les mahométans (musulmans). Il est enfant doué pour le croquis mais les juifs ne sont assignés qu'à des tâches ingrates. Son père, malade occupe une tâche dégradante chez un marchand d’esclaves.
Son père perdra son travail car il devient incontinent (sans doute cancer de la prostate, il urine du sang) ... Élie doit aller vers d'autres cieux plus permissifs. Déjà enfant il s'étonne de tous ces interdits que le pouvoir religieux impose par persuasion ou par la force.
Il pense à ce que lui racontait son père, trente ans plus tôt à Grenade, un samedi matin, le père de Sami se trouvait à la synagogue pour le culte du shabbat. Des soldats espagnols étaient venus la mettre à sac et capturer ceux qu’ils pouvaient capturer. Ils les emmenaient au bûcher, directement. Le père de Sami avait réussi à se cacher dans une armoire de l’économat. Lorsqu’il en était sorti à la fin du shabbat, les livres de la bibliothèque étaient en lambeaux.
Élie se rend compte que l'Islam n'a jamais aidé personne à respirer et que tout est contrainte. Son rabbin le sermonne pour ses idées rebelles. Le discours rabbinique est simple et fataliste : "Les juifs doivent accepter le malheur qui s’est abattu sur eux, . L’accepter et le traverser… … pour qu’il soit proclamé dans le monde entier que ceux qui se consacrent au culte de Dieu reçoivent leur nourriture d’une manière inattendue. Un jour le soleil brûlera à nouveau. Mais, jusque-là, chaque juif devait endurer. »

Il parvient à s'évader car les soldats sont à ses trousses. Destination Venise, la terre promise

Venise (qui un état) 1574. Élie est un homme maintenant, peintre renommé. Il se dit catholique pour être accepté car là aussi les juifs vivent dans des ghettos et ne peuvent prétendre qu'à des tâches inférieures). Sa seule contrainte, faire l'amour dans le noir car il est circoncis (comme le sont les hébreux et les musulmans ). Il est riche, célèbre a de nombreux modèles féminins et de plus nombreuses amantes encore.
- « Élie ferma les yeux et fit un calcul. Cela faisait vingt-quatre ans que la rencontre de Biri Grande avait eu lieu. Maintenant, il avait pour les confréries quatre commandes en cours, chacune de très grandes dimensions, et un atelier leur était dévolu sur la Giudecca, où il employait quatorze personnes. » sic.
Le doge lui passe commande d'un immense tableau de la cène, ce dernier repas avant la crucifixion, un honneur qui représente le couronnement de sa carrière.
Mais Élie se prend d'un amour sans limite pour une de ses modèles, une hébraïque (une juive).
- "« C’était la première fois qu’une juive se présentait à lui comme modèle, et il en ressentit de l’embarras. Il observa la fille en silence, se mit à lui chercher des défauts, et dut reconnaître qu’à part des joues un peu fortes et un nez légèrement busqué, elle était splendide. Il l’engagea. — Merci, maître, avait murmuré Rachel, les yeux baissés. Elle avait ajouté : — Je dois rentrer avant la nuit. Il avait fermé les paupières en signe d’assentiment. Il connaissait les règles du ghetto. Même si durant quarante-trois ans il avait fui les juifs." sic
Mais la rumeur gronde un chrétien (ou supposé l'être) qui couche avec une juive ne mérite qu'une sentence... les galères. Mais Élie se moque des menaces et se dit qu'à Venise on n’a pas d’ennemis, on n’est rien !
Une fois encore comme dans son enfance il pense, lui qui est juif et se fait passer pour chrétien venant d'un pays musulman où il devait se cacher. Il commence à saisir l'incohérence de ses trois religions ennemies et qui ont le même Dieu mais avec un nom différent, Yahvé, Dieu, Allah. Cette histoire de Jésus qui était juif, c’était impossible. son père avait dû lui dire cela pour le mettre à l’aise. Les Espagnols n’auraient pas chassé les juifs si Jésus était juif.

Et puis vient le jour de l'hallali, l'inauguration où la peinture sera dévoilée à tous les notables de Venise. Élie a peint avec fureur. Tout est prêt, le rideau tombe dans un silence qui se prolonge. Élie avait représenté les douze apôtres sous les traits des plus grands peintres de Venise.
- " « Comment a-t-il osé ? susurra Cuneo (le mécène qui a payé la peinture) pour lui-même. Sur la table, couverte d’une nappe brodée de rouge au point de croix, Élie n’avait pas représenté des miches de pain, comme le faisaient tous les peintres. Il avait respecté l’histoire et peint des galettes. Jésus et ses disciples fêtaient Pessah, la Pâque juive. Ils célébraient la fin de leur esclavage en Égypte, d’où ils avaient dû s’enfuir, et le pain n’avait pas eu le temps de lever, alors en souvenir et pendant une semaine, les juifs mangeaient du pain sans levure. Au - dessus du Christ , sur un fond bleu ciel , Élie avait inscrit , en lettres grecques : INRI Jésus de Nazareth , roi des Juifs. Il était là , encore juif et déjà chrétien , dans une représentation à la fois apaisante et d’une force inouïe . Un petit fascicule était posé sur la table , et l’on pouvait lire sur sa couverture , en lettres hébraïques : HAGGADAH Le livre des prières juives . “ Je suis venu pour accomplir et non pour abolir ” , avait dit le Christ . Les racines du christianisme étaient la tout entières peintes comme jamais personne ne les avait peintes .» sic.

La salle se vide, le peintre est arrêté et jugé. A l'issue du procès où il est condamné à mort et il dira cette simple phrase :"J’accepte la sentence" sic.

L'histoire se termine à Constantinople. Élie a réussi à fuit Venise par un subterfuge. Il a réussi à sauver une seule œuvre confiée à un moine.
Il se fait appeler Ali et a laissé pousser sa barbe
- " Puis Élie s’assit pensant à son infortune . Durant l’heure qui suivit , quatre passants déposèrent de la nourriture devant lui . Un autre lui lança deux aspres . Voilà donc Élie devenu mendiant, une échelle plus basse encore que celle de son défunt père.

Peu après la mort du moine qui gardait la seule peinture sauvée , "L’Homme au gant" est sont titre et elle fut expédié à Assise.
Le tableau voyagea encore et fut racheté par Louis XIV, le roi soleil. Il est maintenant propriété de l'état français.

A noter qu'il s'agit d'une fiction.


Qu'en penser ?
Pour être franche j'ai galéré des semaines sur les premières page où je ne comprenais pas grand chose à ses histoires de religion. Les événements de vendredi 16 octobre où un enseignant payait de sa vie une explication du un sujet sensible. J'ai demandé à ami érudit en religion qui m'a expliqué clairement toutes ses différences... et le déclic s'est fait, j'ai lu avec un plaisir étonnant ce livre en deux jours.
Oui cet homme qui s'interroge sur la bêtise de ses contradictions entre les peuples pour des histoires de religion qui partage le même Dieu est vraiment aberrante

Un détail cependant m'a été transmis par celui qui m'a guidé dans cette lecture. L'auteur dit cette phrase que j'ai reproduite dans mon résumé : " Élie avait inscrit , en lettres grecques : INRI Jésus de Nazareth , roi des Juifs. " cette citation est la transcription de la pensée du mécène Cuméo. L’inscription INRI signifie Jésus de Nazareth, roi de Judée. le terme JUIF n'apparaissant que bien plus tard dans l'histoire.

Le plus drôle pour conclure,,, Et si le poète qui a dit « Et si y a rien là-haut  » avait raison ?

Fiction !

8 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 3 février 2016

Le Turquetto provient (apparemment) de l'imagination de l'auteur mais ce livre n'en est pas moins un plaisir.
Bien structuré en courts chapitres, bien écrit, la route du sujet principal est longue et compliquée par les dogmes religieux.



Une très belle découverte

9 étoiles

Critique de Papyrus (Montperreux, Inscrite le 13 octobre 2006, 64 ans) - 2 mai 2014

Un petit bijou qui nous transporte à Constantinople, puis à Venise à l'époque des grands maîtres de la fresque et de la peinture sacrée, sur les traces d'Elie, un petit orphelin juif né avec un talent unique, celui d'un futur grand maître de la peinture qui n'a qu'un rêve, celui d'exercer librement son art. A Venise, le petit juif, devenu le Turquetto, grandit et devient l'un des plus grands artistes de son époque. Mais l'étroitesse de vue des nonces et autres influents religieux qui tirent les ficelles du pouvoir dans la cité vénitienne va le précipiter dans le néant, un cauchemar lié aux interdictions de ses origines, jusque là soigneusement dissimulées... une très belle histoire qui donne à l'art la place qu'il devrait toujours avoir dans l'histoire humaine...

Dépaysement total

8 étoiles

Critique de Michel A (Montpellier, Inscrit le 28 août 2013, 71 ans) - 28 août 2013

Le vie du Turquetto nous enchante et nous enrichit. Ce livre m'a passionné et ému, moi qui ne connais rien à la peinture. Merci pour ce voyage ailleurs et dans le temps.

Le Turquetto ou l'enchantement

9 étoiles

Critique de Sarahlire (, Inscrite le 19 août 2013, 34 ans) - 19 août 2013

Du début à la fin, ce livre est un plaisir des sens. Les descriptions et la profondeur des personnages nous plongent dans un autre temps...

Magifique, pour tous ceux qui aiment l'art

10 étoiles

Critique de Pléiades (, Inscrite le 29 janvier 2012, 40 ans) - 15 juillet 2012

Elie a un don, il dessine divinement, ce don lui vient-il de l'Eternel ?

Né juif dans la Constantinople du XVIème siècle, Elie peint et dessine plus facilement qu'il ne respire, mais grâce à un fabriquant d'encre, il apprendra à contrôler sa respiration et apprendra à calligraphier ...les versets du Coran. Orphelin de mère, son père a une basse besogne. Elie s'enfuira sous une identité chrétienne à Venise afin de pouvoir peindre le vivant, activité interdite par le judaïsme et l'Islam et que tout le monde lui reproche.

Formé dans l'atelier de Titien, il peindra magnifiquement et touchera les coeurs. C'est un plaisir que de lire ces descriptions, moins des tableaux que des émotions qu'ils suscitent ...et qui donnent envie de retourner au musée !

Arditi réussi à nous faire découvrir une Venise réelle, humaine et foisonnante et une Constantinople pleine dans une époque charnière. Voyage dans le temps et la beauté à ne pas manquer !

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