La mort de Roland de Jean Esponde

La mort de Roland de Jean Esponde

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Phineus, le 25 novembre 2011 (Bordeaux, Inscrit le 16 février 2009, 87 ans)
La note : 9 étoiles
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sous l'effacement

« La mort de Roland »

Un critique écrivait à propos d’un autre livre d’Esponde (sur Segalen) : « c’est un texte doux avec une pensée de derrière ». Cela s’applique très justement à « la mort de Roland »
La douceur pour celle du ton, du regard rêveur posé sur les personnages, pour l’apaisement de l’imaginaire poétique.
La pensée de derrière pour le non-dit, la tension du sous-jacent, la métaphore mystérieuse, car cette histoire (cette Histoire) est si singulière. Pourquoi écrire (en écrivain bien sûr et non en historien) sur celle-ci ? Cette désastreuse expédition d’Espagne, ce siège de Saragosse dérisoire, ce désastreux passage de Roncevaux...
Pourquoi ? D’abord le titre et ce lien que nous sommes amené à faire avec cet autre si beau livre sur Barthes où Esponde re-trace (imagine à partir d’infimes traces) le dernier été à Urt de l’écrivain avant sa mort.
Puis cette étonnante absence de données quant à la réalité (il y eut une entreprise d’effacement disent aujourd’hui les historiens) et cette mythologie envahissante qui vint tout combler (la « chanson de Roland »).
Et là aussi un lien avec l’autre grand livre d’Esponde, la « non-biographie » de Rimbaud. Car pour cette autre « histoire » là il s’est aussi passé quelque chose d’infiniment important et dont on ne sait presque rien (effacement).
Tout ceci pour cette pensée de derrière ; cette hantise chez Esponde (ou disons le fantasme) et dont nous sommes plus ou moins conscients mais qui à tout coup transparaît et donne au récit cette résonance si profonde et si mystérieuse.
Il reste donc au plus près de ces pauvres restes d’un réel perdu (pour ce qui concerne l’épisode de Charles en 778 on ne possède comme pour Rimbaud que quelques fragments de chroniques) et à partir de cela il « imagine ». En réalité il décrit avec une précision extrême. Très exactement nous « voyons » comme si nous avions à faire à une transposition de « visions », ce n’est pas sans raison qu’Esponde dans son livre sur Ségalen insistait sur ce mot « il faut se créer des hallucinations intérieures » et l’effet produit par cette écriture relève effectivement plus de l’ hallucination que de l’évocation par la précision, l’intensité, la justesse du récit.

C’est un très beau texte remarquablement écrit, très poétique, à la fois retenu et intense, la source d’un grand plaisir

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