Il pleuvait des oiseaux de Jocelyne Saucier
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Incendie meurtrier
Un incendie de forêt a brûlé les pas des amants à tout jamais désunis. Pour fuir le brasier, qui a ruiné, en 1916, deux cent quarante-trois vies à Matheson dans le Nord ontarien, les jumelles Polson se sont hissées sur un radeau alors que pleuvaient des oiseaux asphyxiés en plein vol. Les deux sœurs ont échappé à la mort, mais qu’est-il devenu de leur ami Boychuck, lui « qui les avait de si près tenues » ?
La vie se vouerait-elle à la disparition des êtres aimés ? Languir de les retrouver semblent la tâche des survivants, voire de leur inventer un destin pour fuir une tristesse parente de la folie. Carburer aux souvenirs, c’est le calvaire des parents d’enfants disparus comme celui de Boychuck, un peintre qui a immortalisé sur ses toiles des jumelles curieusement emportées loin des sentiers mille fois parcourus.
Les grands espaces s’offrent à l’artiste devenu vieux pour se consoler d’amours mortes. Avec Tom et Charlie, il se terre près d’un lac dissimulé dans la forêt. C’est un ermitage secret, où ils aspirent à une douce fin à l’instar des « oiseaux qui se cachent pour mourir ». Et quand viendra le dernier moment, ils protégeront leur dignité, quittes à recourir à la strychnine pour hâter leur trépas. « Le sourire chez un mort, c’est une dernière politesse. » Cette retraite n’empêche pas la venue de deux femmes en VTT, qui les ensorcèlent à leur insu pour qu’Ils soupèsent l’humanité des survivants.
Paru au début de l’année 2011, Il pleuvait des oiseaux méritait il y a peu à son auteure le Prix des cinq continents. Peut-être est-ce un prélude au grand prix du Salon du livre de Montréal, qui débute le 16 novembre. C’est le meilleur roman de cette auteure de l’Abitibi, et le meilleur de l’année au Québec. Bref, un parangon qu’enrichit une écriture concise, qui s’harmonise tout en poésie à la nature et aux destins tragiques qu’elle engendre.
Message de la modération : Prix CL 2014 catégorie Découvrir – Roman de la francophonie
Les éditions
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Il Pleuvait des Oiseaux
de Saucier, Jocelyne
XYZ / Romanichels
ISBN : 9782892616040 ; 9,90 € ; 20/01/2011 ; 179 p. ; Broché -
Il pleuvait des oiseaux [Texte imprimé], roman Jocelyne Saucier
de Saucier, Jocelyne
Denoël
ISBN : 9782207116104 ; 3,33 € ; 22/08/2013 ; 208 p. ; Broché -
Il pleuvait des oiseaux [Texte imprimé] Jocelyne Saucier
de Saucier, Jocelyne
Gallimard / Folio
ISBN : 9782070458752 ; EUR 7,40 ; 08/01/2015 ; 224 p. ; Poche
Les livres liés
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Les critiques éclairs (20)
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Un beau sujet de roman
Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 4 mars 2024
trop court
Critique de Joanna80 (Amiens, Inscrite le 19 décembre 2011, 68 ans) - 28 septembre 2015
Météo variable aussi.
Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 26 avril 2015
Il y a dans ce livre des passages d'une grande sensiblité mais j'ai eu quelques difficultés à assembler le tout.
Mais cela reste cependant une lecture bien agréable.
D’une flamboyante délicatesse…
Critique de Isis (Chaville, Inscrite le 7 novembre 2010, 79 ans) - 29 octobre 2014
La communauté du lac
Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 19 septembre 2014
Il y avait plusieurs éléments offrant la possibilité de développer une intrigue plus relevée : le grand incendie, les tableaux et cette femme dont la vie a été gâchée par un internement non fondé. L’auteure a opté pour la subtilité. Tout est ressassé mais avec délicatesse. Je crois que c’était la bonne façon de faire, car il s’agit avant tout d’une œuvre humaniste. Vraiment très beau.
Météo mitigée...
Critique de Sissi (Besançon, Inscrite le 29 novembre 2010, 54 ans) - 29 juillet 2014
L'histoire d'amour entre Marie Desneiges et Charlie, deux grands écorchés de la vie en fin de parcours, est infiniment touchante, elle donne d'ailleurs un bon gros coup de pied rageur (et bienfaisant) au jeunisme ambiant qui règne actuellement.
Ces aspects du livre sont enchanteurs.
Un vrai petit rayon de soleil.
Mais le ciel reste malheureusement couvert...
Il est dommage d'avoir voulu trop surcharger le texte et de s'être, selon moi, éparpillée: on s'attend à du mystère, à ce que la jeune femme photographe venue à la rencontre des trois ermites rescapés des feux perce peu à peu leurs secrets, les apprivoise petit à petit et entre progressivement dans leur vie. Survient Marie Desneiges et la voilà (la photographe) d'emblée incluse dans le groupe, vivant quasiment là du jour au lendemain sans aucune transition!
L'orage gronde.
A part Marie (et peut-être Charlie), les autres personnages manquent d'épaisseur, de profondeur, ils n'ont pas l'originalité dont sont pourvus habituellement les grands marginaux. On dirait des Monsieur tout le monde.
Et puis nous voilà partis dans une espèce d'enquête, quasi policière, avec la découverte des tableaux, sans compter les arrestations etc.
Finalement on n'est plus dans quelque chose de poétique et de doux, mais dans du factuel à rebondissements.
La vie de tous les protagonistes se voit bouleversée radicalement et subitement, pour des raisons finalement étrangères les unes aux autres, ce qui donne un sentiment de cafouillage.
La structure du texte comporte des failles, et les apartés du narrateur, les confidences qu'il fait à son lecteur, manquent un peu de finesse (je vous présente tel personnage, pour l'amour attendez un peu on va y venir etc.)
Trop de dysfonctionnements.
A la fin il finit par pleuvoir vraiment. Et on a envie de rentrer...
Un certain éloge de la vieillesse...
Critique de Pieronnelle (Dans le nord et le sud...Belgique/France, Inscrite le 7 mai 2010, 76 ans) - 26 juillet 2014
Il y a du réel tragique comme « Les grands feux de Matheson » de 1911, à l'origine de la démarche d'une « voyeuse », la photographe, venue ajuster son objectif au fin fond d'une forêt inimaginable sous nos cieux.
La recherche de l'histoire de Boychuck rescapé de ce gigantesque incendie va nous conduire au sein d'un ermitage peu ordinaire où trois vieillards, écorchés de la vie, sont venus chercher refuge ; loin du monde normal, fou, ordinaire ; paradis vert, rude, magique de beauté où rien n'existe que le moment présent vécu intensément en amour avec la nature ; pour être libres en se jouant de la mort qui rôde... ou d'en choisir le moment.
C'est l'éloge de la vieillesse, avec un regard d'une tendresse inouïe, où la vie doit se vivre jusqu'au dernier souffle, jusqu'au dernier choix. L'autre vie, celle déjà vécue se cache derrière des faux noms, des souvenirs effacés. Au sein de cet ermitage arrivera une fée aux cheveux nacrés vaporeux dont le corps et l'esprit ont été emmurés pendant soixante années pour ce qu'on croyait être la folie et qui n'était qu'un mal être incompris.
Ce que ce livre nous raconte c'est qu'il n'est jamais trop tard pour revivre et aimer ; qu'il n'y a pas d'âge pour naître enfin ; et que la vieillesse est un cadeau de la vie et non pas une finitude sans saveur... A condition d'y croire jusqu'au bout et de choisir sa fin...
L'histoire de Boychuck se lira au travers de ses tableaux peints durant des années puisque les mots n'y seront jamais parvenus. L'auteur nous fait « voir » cette peinture d'une manière incroyable. Pas besoin d'images, tout sera décrypté par la fée de 80 années qui a eu tout le temps de comprendre l'inatteignable, l'impalpable, exprimés par les fous de la vie qu'elle a côtoyés pendant de si longues années. On y découvrira l'horreur des feux de Matheson , le traumatisme de la perte d'une famille entière, l'errance d'un enfant dans les brasiers et aussi une drôle d'histoire d'amour qui s'est peinte en cheveux d'or, multipliée par deux...
Et l'on découvrira aussi, avec quelques points de suspension, ce que la photographe est parvenue à capturer avec son objectif...
Quoiqu'il arrive il semble qu'il y ait un ermitage pour nous accueillir et nous réconcilier avec la vie, pour peu qu'on veuille réellement le trouver.
Beau moment d'évasion
Critique de Psychééé (, Inscrite le 16 avril 2012, 36 ans) - 24 juillet 2014
L’arrivée de deux individus va toutefois perturber ce train-train quotidien : la fameuse photographe en question et la vieille tante de Bruno, Marie Desneige, internée pendant plus de 60 ans pour des raisons obscures ; on dirait pourtant qu’elle a toute sa tête. Boychuck, peintre à ses heures perdues, a laissé derrière lui une flopée de tableaux qu’ils tentent à plusieurs de déchiffrer ; leur reconstitution en est bouleversante et plus que marquée par les Grands Feux.
C’est une belle histoire sur les vieux, la mort et les grands espaces canadiens. Emouvante, triste et pleine de tendresse. J’attends l’adaptation prochaine au cinéma !
Le souffle des espaces « libres » canadiens
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 21 mai 2014
C’est du grand incendie de Matheson, dans l’Ontario, dont il est question. Des grands incendies qui se sont déroulés dans les forêts canadiennes début XXème siècle.
Une photographe, qui photographie les –dorénavant vieillards - rescapés s’est mise en tête de retrouver Boychuck, un témoin de cet incendie monstrueux. Après l’avoir pisté, elle doit s’enfoncer dans la forêt pour le rencontrer.
Là, je pense que la perception d’un lecteur européen , français par exemple, ou belge, est différente de celle d’un lecteur canadien ou disons, nord-américain. C’est que nous, européens, n’avons pas idée de ce que peut être l’immensité des territoires « vierges », ou peu fréquentés, de ces beaux pays. Et je suis persuadé que cela influe sur le ressenti de la lecture – c’est vrai qu’à restituer ceci dans les espaces domestiqués de nos forêts européennes … !
Notre photographe s’enfonce donc dans la forêt et trouve les voisins de Boychuck, Tom et Charlie, qui, méfiants, lui apprennent qu’il vient de mourir. Raté !
Qu’à cela ne tienne, notre photographe se prend d’affection pour ces deux quasi-marginaux et fait peu à peu connaissance de leur petit monde ; quelques personnes tout au plus des environs (c’est grand « les environs » dans les forêts canadiennes !) qui leur permettent de tenir le coup en gérant leur « logistique ». Et l’histoire que nous conte Jocelyne Saucier, centrée initialement sur les suites de ce gigantesque vieil incendie devient en fait une improbable et magnifique histoire d’amour entre deux octogénaires ; Marie-Desneige, en rupture de maison de retraite qui n’en peut plus d’enfermement, et Charlie.
C’est très tendre, pudique, une espèce de plaidoyer contre le « politiquement – correct", tout ce petit monde, pour des raisons X ou Y, vit tout de même aux franges de la société, mais c’est justement parce qu’ils sont aux franges de notre société policée qu’ils peuvent vivre une belle histoire et mener une vie qui ait du sens.
Un ouvrage très original qui donne envie de poursuivre la lecture de Jocelyne Saucier. Rafraîchissant.
« La liberté, c’est de choisir sa vie. Et sa mort. »
Critique de Isad (, Inscrite le 3 avril 2011, - ans) - 22 mars 2014
Des chapitres en italique prennent de la distance avec le récit des personnages, des rudes conditions climatiques, des histoires d’amour malheureuses ou non ou de l’amitié issue des rencontres hasardeuses. La mort y rôde également pour voir si elle peut ou non cueillir une existence.
Il y a quelques petites choses incohérentes comme le fait que ces vieillards qui ont voulu fuir la société et leurs proches continuent de toucher leur pension alors qu’ils vivent sous de faux noms ou qu’une aide-receveuse des postes lise les courriers de la poste restante, mais bon... L’atmosphère générale qui se dégage donne l’impression d’être dans une sorte de rêve, hors du temps minuté, dans des situations vraies et fragiles, simples et précieuses pour ceux qui les vivent.
Ils ne veulent pas d’une vie diminuée, médicamentée, pleine de protections pour durer le plus longtemps possiblement. Ils souhaitent exister pleinement, pour eux, par eux, sans attention agaçante pour leur âge avancé. Et ils désirent choisir, déterminer l’heure de leur mort, décider eux-même quand ils n’en pourront plus de vivre. Avec une pincée de strychnine, précieusement conservé à cet effet, le temps qu’ils pourront supporter leurs petites douleurs. C’est sur 2 vieux octogénaires de ce type qui vivent en quasi autarcie dans une forêt au bord d’un lac que tombe une photographe qui recherche des survivants aux grands incendies qui ont dévastés la région au début du XXe siècle. Ils sont ravitaillés par 2 marginaux, l’un gérant d’un hôtel pratiquement vide hors saison de chasse et l’autre à la recherche d’une zone écartée pour cultiver de la marijuana. Ce dernier amène sa vieille tante dont l’existence lui était inconnue jusqu’à la mort de son grand-père et qui réside dans un asile psychiatrique depuis qu’elle a 16 ans alors qu’elle n’est pas démente et qu’elle a juste quelques peurs récurrentes qui la perturbent.
IF-0314-4192
Quand vieillesse rime avec tendresse
Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 22 mars 2014
« L’histoire est peu probable, mais puisqu’il y a eu des témoins, il ne faut pas refuser d’y croire », déclare le narrateur (l’auteur ?) à la première page. Alors, en bonne conteuse, Jocelyne Saucier confie successivement à chacun des témoins, après l’avoir présenté, le soin de la raconter. « l’histoire a un autre témoin ….il s’appelle Bruno » « on en arrive maintenant au troisième témoin » Elle se laisse aussi le droit d’intervenir régulièrement pour annoncer, mais sans les dévoiler, les événements qui vont se produire « la petite communauté du lac est à l’aube de grands changements », entretenant avec son lecteur une sorte de dialogue « Et l’amour ? Eh, bien il faudra attendre, pour l’amour », répondant en quelque sorte à l’avance aux questions qu’il pourrait se poser. Elle garde ainsi la maîtrise constante de la narration, restant toujours en empathie avec ses personnages, qu’elle ne quitte jamais même quand elle laisse la parole aux témoins. Elle vient combler les vides de leurs récits, prenant elle-même en charge, avec une grande délicatesse, la relation de moments privilégiés tels que la première nuit amoureuse entre Charlie et Marie-Desneiges, ou leur vie d’après, faite d’un hédonisme paisible.
Un roman plein de chaleur humaine, empreint d’une grâce légère et qui, d’une manière douce et sensible, nous parle d’un temps où vieillesse rime avec tendresse.
Le grand feu
Critique de Ardeo (Flémalle, Inscrit le 29 juin 2012, 76 ans) - 18 mars 2014
petit livre bleu
Critique de Jeanro (, Inscrit le 19 septembre 2008, 86 ans) - 4 mars 2014
Il n’y avait pas de signet, ni de marque-page, ni de coups de crayon dans la marge. J’ai dû trouver mon chemin tout seul. Mais c’était sûr qu’il y avait quelque chose à découvrir.
D’abord cette évidente invitation à vivre intensément jusqu’au bout de son âge. Sans renoncer. « Marie Desneiges » - Quel joli nom ! Et « Charlie » ont encore quelques années devant eux et comptent bien s’en faire toute une vie. Quel âge ont-ils au fait ? On ne sait pas. Ils sont éternels. Marie avoue cent deux ans dans un sourire espiègle. Mais ce n’est pas la vérité. Elle a sans doute au moins quatre vingt cinq. Avec eux, on s’enfonce dans l’âge comme dans la forêt. On s’y perd, sans appréhension. Et on continue à avancer, heureux d’être en chemin. Ne pas craindre de vieillir. Je reçois ce premier conseil d’autant plus volontiers que je suis persuadé que tant qu’on a la santé il ne faut pas bouder son plaisir.
Ensuite Marie et Charlie sont amoureux. A leur âge ? Oui ! Et pas « une gentille amitié amoureuse » Non « Ces deux là s’aimaient comme on s’aime à vingt ans ». Et les corps blanchis, ridés, défaits se frottent l’un à l’autre et se caressent vraiment. Une belle sensualité traverse tout le récit. La douceur et le confort des fourrures d’animaux où l’on se glisse tout nu pour dormir, les bains dans le lac entre la soie de l’eau et celle de la peau. Même si les corps sont abîmés, couturés de cicatrices, même si « le souffle manque pour la fusion », deux qui sont dans leur âge, vont s’approcher avec douceur et tendresse et pour Marie c’est une première fois car elle n’avait jamais connu que des étreintes rapides avec des hommes pressés d’en finir. Il était temps ! Ils se font une promesse, celle de continuer à s’aimer pour vivre longtemps et ne pas se laisser mourir. « Qu’est ce qui nous empêche ? » dit Charlie. Cet énorme pari sur une vie qui se prolonge indéfiniment comme ces belles soirées d’été où le jour n’en finit plus, c’est la suite du message. Pour vivre vieux il faut aimer fort, très fort, jusqu’à la fin de sa vie.
La vieillesse, l’amour, la mort. Tout cela dans un si petit livre. Ce que dit assez bien aussi « Il pleuvait des oiseaux » et que j’ai aimé entendre, c’est que la vie est faite d’énigmes, de ratés, de rendez-vous manqués, d’incompréhension, de confusions. La quête du personnage de la photographe pour tenter de reconstituer l’histoire des grands incendies de forêt qui ont eu lieu autrefois, se heurte à d’incroyables difficultés : Disparitions de personnes, paysages réduits en cendres, lieux aux noms incertains. Même les identités sont mal établies. Qui est Ted ? Est-ce aussi un homme nommé Boychuck ? Ou une légende ? Sa cabane est vide. Il a laissé des tableaux. Sa peinture incompréhensible. On l’a aperçu, errant au milieu des flammes, un bouquet de fleurs à la main, amoureux de deux femmes, deux sœurs jumelles dont on devine à peine l’étrange beauté. Le livre avance à travers les fumées de ce gigantesque incendie qui a tout dévoré devant lui. La mort rôde. Mais elle n’est pas pressée. D’ailleurs on la renvoie se coucher sous la table comme un bon chien docile. Et l’amour ? Il viendra. Et c’est lui qui va permettre de tout comprendre. Même les choses en suspens dans cette histoire. Et il y en a beaucoup. Le dénouement ne vous libère de rien. Il n’est pas total. Il y a encore un livre après le livre.
Mais je m’essouffle à parler de ce roman de la canadienne Jocelyne Saucier publié aux éditions Denoël. Il m’a été remis par quelqu’un qui m’a dit qu’avant d’arriver à moi, le livre était passé par d’autres mains amies et qu’il avait fait un long chemin. Libraire, lecteurs successifs se le transmettant comme on se passait, au temps des cavernes, la braise pour allumer d’autres feux, plus loin, ailleurs.
Merci toi. J’entends bien ce qu’il y a à lire là-dedans. Je garde le petit livre bleu comme un viatique , mais je transmets. Promis.
Ah! J’oubliais. Et pourtant c’est important : L’engagement au secret. Ceux qui s’aiment « resteront cachés aux yeux du monde ». L’histoire ne dit pas où est leur village ni non plus le nom de ce pays. Moi je sais le nom du village. J’y ai été une fois. Mais « le silence est mieux que le bavardage, surtout quand il est question de bonheur et qu’il est fragile ».
« Tiens c’est un livre pour toi » avait-elle dit en me tendant le petit bouquin bleu.
Coup de cœur!
Critique de Koudoux (SART, Inscrite le 3 septembre 2009, 60 ans) - 1 mars 2014
C'est un témoin rescapé des incendies qui ont ravagé le nord de l'Ontario.
Malheureusement, le brave homme vient de mourir...
Ce roman, situé en plein cœur d'un drame historique, est très descriptif aussi bien du site que des sentiments des personnages.
Un vrai bijou!
Qui me donne envie de lire d'autres livres de l'auteur, mais en Belgique c'est "une denrée rare".
Un ermitage heureux
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 28 février 2014
Je peux juste ajouter quelques mots pour partager mon enthousiasme à la lecture de ce court mais très émouvant roman.
Émue par les personnages, les vieux, les jeunes, émue par les drames de ce terrible du grand incendie de 1916, touchée par la beauté de cette nature...
J'ai pris autant de plaisir à découvrir Jocelyne Saucier qu'à lire Barbara Constantine, la poésie et l'émotion en plus.
Superbe.
Tout bonnement vivifiant
Critique de Cyclo (Bordeaux, Inscrit le 18 avril 2008, 78 ans) - 13 février 2014
La photographe débarque donc dans un coin de forêt quasiment inaccessible, proche d'un lac, où elle découvre Charlie et Tom, deux vieillards, qui ont construit leurs cabanes ("À eux trois, ils ont formé un compagnonnage qui avait assez d'ampleur et de distance pour permettre à chacun de se croire seul sur sa planète"), et lui signalent que le troisième, Edward, Ted ou Ed (Boychuck) est mort récemment dans sa cabane, mais dignement. Ils lui font visiter sa cabane et sa sépulture. Car les trois vieux avaient choisi de fuir la civilisation ("Ça les amusait de voir comment le monde se débrouillait sans eux"), de vivre loin des assistantes sociales et autres agents du gouvernement, des seniors'home ("la prison à perpétuité, la résidence surveillée, où la pulsion de vie, notamment chez les vieillards, est soumise à un sévère contrôle social et institutionnel"), dans la liberté de la nature et de la forêt. Ils pêchent, ils chassent (Charlie avait été trappeur-fourreur et a conservé des fourrures bien utiles par les grands froids), et Bruno, un marginal bien plus jeune qu'eux (qui cultive la marijuana non loin de l'ermitage des vieillards), les ravitaille de temps en temps en fruits et légumes, ou autres produits utilitaires. Serge, le gardien de l'hôtel le plus proche – un hôtel abandonné et délabré – leur sert de banquier : c'est lui qui va récupérer l'argent de leurs chèques de pension.
L'arrivée d'une femme, la photographe, chamboule un peu l'équilibre de cette petite communauté édénique. Puis débarque une deuxième femme, Marie-Desneige, une tante de Bruno, que ce dernier vient de recueillir, pour lui éviter de retourner à l'asile psychiatrique où elle fut internée abusivement à seize ans et oubliée pendant soixante-six ans. Les trois hommes lui construisent une cabane, mais la vieille femme, habituée à dormir en dortoir depuis si longtemps, ne peut dormir seule et vient s'installer dans la cabane de Charlie. Bientôt un tendre lien unit ces deux-là.
En visitant la cabane de Ted, on découvre que ce dernier, mutique, a peint plus de trois cents toiles ces vingt dernières années, des toiles sombres, où domine le gris-noir piqueté de quelques taches de couleur vive. Et c'est Marie-Desneige, la soi-disant folle, qui parvient à les décrypter : il a immortalisé sur ses toiles les grands incendies de son enfance, sa fuite éperdue, et aussi les deux jumelles Polson, dont on comprend (Marie-Desneige, toujours) qu'il a été amoureux. Et dans le secret de son ermitage, il a consacré toutes ces dernières années à peindre. La photographe, vivement intéressée, pense d'ailleurs préparer une grande exposition de ses peintures auxquelles elle joindrait ses propres photos des vieillards rescapés des grands feux.
C'est tout bonnement merveilleux, de voir vivre ces très vieux ("Ils s'amusaient d'être devenus si vieux, oubliés de tous, libres d'eux-mêmes") qui souhaitent protéger leur dignité en choisissant l'heure de leur trépas (ils ont une dose de strychnine chacun) ; ils ont d'ailleurs décidé de s'aider à mourir s'il le faut : "L'entente disait aussi que, s'il le fallait, ils aideraient. Ils ne laisseraient pas l'autre se dissoudre dans la souffrance et l'indignité en regardant le ciel." C'est un hymne à la nature, à la vie, aux petits bonheurs chers à Félix Leclerc, à l'espoir et à l'amour : "les sentiments tordus ne font pas long feu en forêt, on n'y survivrait pas". Il est écrit de manière polyphonique : chaque chapitre est vu par un des personnages. Les personnages sont saisis dans leur singularité, et leur mode de vie compris peu à peu. L'arrivée de la photographe, puis de la folle, qui ne l'est pas du tout mais reste très fragile après tant d'années d'internement, d'électrochocs et de chimie (très belle dénonciation de la psychiatrie abusive), bouscule la vie de nos ermites, si bien ordonnancée depuis vingt ans. Une nouvelle vie commence, la redécouverte des sentiments, des émotions, du désir de protéger : "J'ai toujours su que j'aurai une vie, dit Marie-Desneige à son amie Ange-Aimée [la photographe, qu'elle a baptisée ainsi] aux premiers jours de leur amitié, je n'ai jamais abandonné l'espoir d'avoir une vie à moi". La tendresse renaît : elle n'était d'ailleurs pas absente des relations entre Tom et Charlie, Tom appelle son grand ami Charlie « Mon Charlie ». Mais c'est la « folle » qui va répandre l'amour autour d'elle.
Voilà : c'est très simple, déjà je n'avais pas peur de la vieillesse, maintenant je n'ai plus peur de devenir très vieux ! Je ne connaissais pas Jocelyne Saucier. Et je découvre un roman d'une beauté inouïe, d'une ferveur rare, d'une sensibilité à couper le souffle. Il nous montre que le goût de la liberté, de la solidarité et de l'entraide (nos petits vieux appliquent les préceptes d'Isaïe : "Partage ton pain avec celui qui a faim [malgré sa peur des étrangers – et des agents du gouvernement, Charlie invite la photographe à déjeuner] Et ramène à la maison les pauvres sans abri [ils vont jusqu'à construire une cabane – et très confortable, puisque pour une dame – pour Marie-Desneige] ; Si tu vois un homme nu, couvre-le, Et ne te détourne pas de celui qui est ta propre chair" [c'est ainsi que Bruno prend en charge sa vieille tante, que sa mère, elle, aurait reconduite à l'asile]), de l'espérance, de la vie (et de la mort choisie, au moment voulu, magnifiquement montrée ici), participent d'un humanisme vibrant dont notre monde manque cruellement. C'est aussi une très belle histoire d'amour et, que voulez-vous, j'aime les histoires d'amour : on ne se refait pas !
Quand l'amour couve sous la cendre
Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 1 février 2014
Ce récit polyphonique est en partie fondé sur des événements qui se sont réellement passé. Lassée de faire, pour des botanistes, des photos de plantes au fond des forêts presque encore vierges du nord de l’Ontario, une photographe part la recherche des derniers survivants des grands feux qui ont ravagé cette région, et notamment d’un certain Ed, Ted, Edward selon les circonstances, qui serait l’un des personnages mythiques ayant survécu, en 1916, à l’incendie de Matheson. Au fond de la forêt elle rencontre deux ermites ayant fui la civilisation pour des raisons diverses qui lui disent qu’Ed, Ted, Edward, est décédé depuis peu. Elle prend ainsi connaissance de cette micro société composée des deux vieillards qui l’ont accueillie et de deux jeunes gens, un planteur de marijuana et le gardien d’un hôtel abandonné. Cette compagnie érémitique, un peu marginale, change complètement de vie quand l’un des deux jeunes ramène au campement une vieille tante internée à tort dans un asile d’aliénés depuis soixante-six ans. La vieille, pas folle du tout, bouscule la vie trop bien réglée de ces ermites de la forêt et se révèle d’une grande utilité pour décrypter les très nombreux tableaux qu’Ed, Ted, Edward a laissés avant de décéder.
Les vieillards nonagénaires, malgré leur grand âge, trouvent une nouvelle raison de vivre avec cette fragile octogénaire experte innée en art pictural, et redécouvrent des sentiments, des émotions, des petits plaisirs, qu’ils avaient oubliés ; le roman se transforme alors en une belle et très émouvante histoire d’amour, peut-être l’histoire d’amour impossible qu’Ed, Ted, Edward a voulu décrire dans ses tableaux énigmatiques.
Dans un style alerte, frais, pétillant où il est difficile de distinguer les expressions propres à l’auteure de celles issues de la langue québécoise, Jocelyne Saucier propose un grand message d’espoir, l’amour reste possible à tout âge et dans les pires des conditions, la tendresse ne meurt jamais et le feu peut renaître sous les cendres les plus froides. Et c’est bien sous les cendres froides des grands incendies du nord de l’Ontario que la photographe découvre l’amour d’un jeune homme indécis qui n’a jamais pu dire son amour, cet amour que la vieille dame lira sans difficulté sur les toiles qu’il a laissées et qu’elle répandra autour d’elle. Une histoire fraîche, émouvante, touchante, pleine de tendresse, une quête du bonheur racontée avec une grande finesse par l’auteure.
« Le bonheur a simplement besoin qu’on y consente »
Une pure merveille…
Critique de FranBlan (Montréal, Québec, Inscrite le 28 août 2004, 82 ans) - 27 mars 2013
Le brasier sera bientôt connu sous le nom de Grand Feu de Matheson, l’un des feux qui ont ravagé la province au début du 20e siècle.
Je n’avais jamais entendu parler de ces faits auparavant, des faits horrifiques qui ont inspiré ce court roman …
Ce jour-là, le jeune Boychuck échappera de peu à la mort, et sera marqué à jamais par le spectacle de son coin de pays carbonisé.
Bien des décennies plus tard, alors qu’il vit reclus au fond des bois en compagnie de deux autres vieillards, la brûlure est toujours vive au fond de lui.
D’autres écorchés traverseront cette histoire de survivance et de dignité, qui révèle l’immense talent de conteuse de Jocelyne Saucier.
En nous donnant accès à une très étonnante petite communauté, la romancière montre que l’amour, tout comme l’espérance et le désir de liberté, sont de tout âge!
Une pure merveille racontée dans un style subtilement teinté de poésie, tel ce court extrait: « Ils pouvaient parler sans s’inquiéter de ce qui leur viendrait à l’esprit puisqu’ils étaient dans le noir, à distance l’un de l’autre, et qu’ils seraient bientôt engloutis dans un sommeil qui s’emparerait de ce qui avait été dit.»
Un souvenir de lecture qui se loge pour longtemps dans la mémoire…
Survivants d'un désastre
Critique de Saumar (Montréal, Inscrite le 15 août 2009, 91 ans) - 5 avril 2012
Ce qui m’a impressionnée, c’est le caractère humaniste dans la relation d’entraide, de communication et de solidarité de voisinage. Ensemble, ils construiront une petite maison pour Marie-Desneige, près des cabanes des octogénaires. On se réjouit de sa relation d’amour avec Charlie; elle aura, au moins, vécu une année heureuse, avant de mourir. C’est ensemble qu’ils décortiqueront les 367 tableaux peints par Boychuck, racontant les Grands Feux. D’un vieillard à l’autre, la photographe en est venue à connaître les Grands Feux comme si elle y avait été. Marie-Desneige a l’œil pour détecter les morts, au bas des toiles, et c’est elle qui décodera le mieux, les intentions du peintre, pour les billets explicatifs des tableaux.
Jocelyne Saucier aborde une question très actuelle, celle du vieillissement qui vise certains vieillards solitaires et sans espoir. C’est un modèle inusité, pour personnes âgées, qui sert la fantaisie de l’auteure et la liberté de l’humain, mais qui ne serait guère plus attirant, à mon âge, que les CHSLD avec ses règles établies, qui souvent laissent à désirer. Par ces amoureux de la nature, l’auteure réussit à démontrer que la pleine liberté et l’amour n’ont pas d’âge. J’ai été envoûtée par ce récit original et émouvant, où la nature, la vieillesse et la mort prennent un sens spécial. Je vous laisse découvrir le grand talent de l’auteure, à travers ce roman qui reste imprégné dans la mémoire pour quelque temps, après la dernière page tournée.
Tragédie fascinante
Critique de Twiniiie (, Inscrite le 20 décembre 2011, 32 ans) - 20 décembre 2011
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