Olimpia de Céline Minard

Olimpia de Céline Minard

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par AmauryWatremez, le 6 novembre 2011 (Evreux, Inscrit le 3 novembre 2011, 54 ans)
La note : 7 étoiles
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Putain de Pape

Ce livre, je l'ai lu d'une traite, de toutes façons, il est court, et l'ai beaucoup apprécié. Céline raconte l'histoire d'Olimpia Maidalchini, belle-sœur du Pape et dirigeante officieuse de l'Église au milieu du XVIIème siècle. Pendant les soixante premières pages, Céline Minard laisse parler Olimpia, calculatrice, perverse et innocente, bouffonne et sérieuse, comme un Pape, truculente et froide, imprécatrice, élégante et grossière. L'auteur fait le pari de restituer la langue et l'esprit de cette période et y parvient admirablement, on pense aux « Mémoires d'Hadrien » mais en beaucoup plus charnel et vivant. Olimpia est un monstre d'égoïsme et de méchanceté, d'ambition et d'avidité, mais le vrai monstre ce n'est pas elle dans l'histoire, elle qui fit élire Innocent X, son beau-frère laid et fadasse, le vrai monstre est Rome, un monstre que l'auteur aime et exècre tout à la fois, une ville qui n'est pas encore tout à fait chrétienne en 1657, encore païenne, quand Olimpia meurt, on y sacrifie aux dieux anciens parce que « on ne sait jamais », le dieu des chrétiens n'exauce pas tous les vœux. Elle y reconnue comme la maîtresse de la ville et des états pontificaux car on va même jusqu'à battre monnaie à son effigie. Il paraît qu'elle est morte en maudissant la ville pour laquelle elle avait tant fait, dont construire la « Fontaine des quatre fleuves », le peuple romain lui reprochant alors de penser plus aux pierres qu'au pain qu'elle aurait pu distribuer.

C'est un sujet parfait pour Céline, que j'ai connue il y a vingt-six ans déjà, elle était, elle l'est toujours, indocile, excentrique, excessive, tourmentée, passionnée par l'écriture et la littérature en général, et sceptique envers toute chose écrite, comme Olimpia. Elle m'a fait découvrir Gérard Manset, que nous écoutions dans l'auditorium désert de la médiathèque d'Évreux, au rez-de-chaussée du théâtre « art déco » de la ville, et moi Nagisha Oshima ou Ozu. Avec elle, on ne pouvait pas tricher, elle mettait immédiatement à jour la bêtise, les prétentions, la vérité des personnes qu'elle croisait. Les imbéciles la craignaient, et comme toute personne très intelligente, elle était parfaitement incapable de se socialiser en se conformant à toutes les bêtises dans le vent. Elle écrivait déjà. Son indocilité est comme éclairée, il n'y a que peu de zones d'ombres. Ceux qui attendraient des blasphèmes et un scandale en seront pour leurs frais, excepté une allusion à la différence qu'il y a entre les grandes idées exposées dans la Bible et les actes.

En tant que croyant, j'y vois aussi le témoignage que l'histoire de l'Église n'est pas aussi linéaire et idéologiquement pesante qu'on le dit, ou qu'on le croit. Attention, cependant, Céline est tout autant sceptique, voire plus, que son héroïne, quant à la Foi chrétienne, pour la même raison, ce qui devrait interpeller « quelque part » (comme dit ma coiffeuse) les croyants.

Si bien sûr, le matériau premier des livres de Céline c'est elle, elle ne sombre pas dans le narcissisme de l'auto fiction, sans pour autant s'abandonner à des clichés romanesques à deux sous comme Guillaume Lévy ou Marc Musso. Son nombril n'a aucune importance dans ses œuvres, elle crée tout un univers romanesque, que ce soit dans « le dernier monde », étonnant livre sur le thème du dernier homme, un thème extrêmement casse-gueule pourtant, ou dans « Bastard Battle » que je trouve cependant un tout petit peu moins bon que « Olimpia » que l'on sent beaucoup plus viscéral, ce qui m'intéresse beaucoup plus évidemment. Voilà ce qui manque à tant de livres foutus en l'air par leur manie de vouloir démontrer le bien-fondé d'une idéologie, ou la valeur de tel ou tel homme providentiel. Céline n'a rien de tout ça à refiler au lecteur, et c'est tant mieux car finalement le message ou l'idéologie, la leçon de politique ou l'hagiographie on s'en fout en littérature.

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