Le désespoir du singe, tome 1 : La nuit des lucioles de Jean-Philippe Peyraud (Scénario), Alfred (Dessin)

Le désespoir du singe, tome 1 : La nuit des lucioles de Jean-Philippe Peyraud (Scénario), Alfred (Dessin)

Catégorie(s) : Bande dessinée => Aventures, policiers et thrillers , Bande dessinée => Divers

Critiqué par Shelton, le 1 novembre 2011 (Chalon-sur-Saône, Inscrit le 15 février 2005, 68 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 806ème position).
Visites : 4 525 

Quelle heureuse surprise...

Nous sommes là en présence d’une trilogie entièrement publiée et donc toutes les bonnes raisons de s’y lancer à corps perdu. Nous sommes dans un pays proche de l’ex-union soviétique. Il n’est pas si facile que ça de le localiser de façon précise mais les églises semblent orthodoxes et nous sommes assez près d’une mer qui s’assèche à cause de l’agriculture intensive, la mer d’Edel. Les temps, eux non plus, ne sont pas simples à fixer dans l’histoire. Il y a un pouvoir en place qui ressemble à une dictature et une révolte qui gronde. Cette menace est à la fois écologique et démocratique mais on sent bien qu’elle ne s’encombrera pas de détail et pourrait bien faire naître une nouvelle dictature…

Dans la capitale, des riches, des propriétaires, des artistes se laissent vivre et s’apprêtent à faire une grande fête. Pour cela il faut aller chercher des lucioles pour illuminer les chignons de ces femmes… d’où le titre de l’album. Mais ce n’est qu’un détail car ce qui est intéressant et important pour l’avenir, c’est de comprendre le caractère des personnages qui vont nous accompagner jusqu’à la fin de l’histoire, ou presque…

Josef, un artiste peintre qui ne peint plus depuis qu’il a décidé de reprendre l’entreprise familiale. Il a sacrifié son œuvre et son talent. On ne perçoit pas trop au début les motivations d’un tel suicide artistique. Il a une cousine, Edith, qui, elle, continue à peindre. Elle est une artiste de la modernité, une avant-gardiste. Josef a une fiancée, Joliette. Il a aussi un père, chef d’entreprise, qui voudrait bien sauver son fils et sa future belle fille de la révolution. On ne sait jamais, il serait plus sage d’aller ailleurs, de prendre un peu de distance… il y a encore un certain Lazlo. C’est l’ami fidèle, celui qui n’hésite pas à boire un coup… Mais, il est bien renseigné : « J’ai entendu parler d’une filière pour franchir la frontière… je vais me renseigner. » il est aussi très proche de la cousine…

Il y a encore celle qui peut tout faire basculer, une certaine Vespérine, modèle d’Edith car on a beau faire du moderne on a besoin de modèle vivant…

Le déclic, cette petite étincelle qui va tout déclencher, c’est l’explosion du parlement. D’un coup tout devient possible… et ce n’est que le début !

Une narration graphique de grande qualité basée sur un très bon scénario avec deux auteurs qui sont de la même génération qui prennent visiblement beaucoup de plaisir à travailler ensemble. Une bédé d’aventures, certes, mais avec un fond humain, une réflexion sur l’art et la politique et un premier album qui met tout en place. Reste plus qu’à savoir jusqu’où iront les personnages, jusqu’où les pousseront les auteurs.

Et puis, comme dans toute œuvre marquée par l’esprit slave il y a une bonne dose de désespoir, de fatalisme, de mal de vivre, de mal-être… et c’est ce qui déclenche les émotions du lecteur et donne de la grandeur à l’album…

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Une saga politico-romantique dans une URSS revisitée

9 étoiles

Critique de Blue Boy (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans) - 22 janvier 2014

Tout comme Shelton et Hervé, j’ai été très séduit par cette bande dessinée envoûtante qui m’avait déjà interpelé par ses couvertures très réussies, reflétant parfaitement l’atmosphère générale.

L’ambiance est souvent très sombre (en particulier dans le tome 2) et pourtant jamais glauque. Le dessinateur Alfred a un sacré coup de patte qu’il gère sans coup férir. Toujours intéressantes à détailler, les cases comportent de nombreuses références à la peinture moderne du début du XXème siècle, deux des protagonistes étant d’ailleurs peintres eux-mêmes. Son trait, anguleux et tendu comme un arc, s’inspire d’un néo-expressionnisme à la fois nerveux et menaçant, se voyant renforcé par une composition audacieuse. Les couleurs sont superbes, passant avec bonheur des tons chauds bouillants à des nuances obscures et glaciales. Il n’y a quasiment rien à reprocher du point de vue visuel, c’est très original, efficace et stylé, et reflète bien l’atmosphère lourde de menaces de l’entre-deux-guerres sur le vieux continent, ici en l'occurrence dans un pays (imaginaire) qui pourrait être l'URSS.

Le scénario est très bien construit, à la façon d’une sarabande dont le rythme ne cesse de s’accélérer jusqu’à l’apothéose du troisième tome. On suit ce récit tour à tour fasciné, émerveillé et inquiet pour ces héros romantiques (au vrai sens du terme), car on sait que d’une manière ou d’une autre, tout ça finira mal…

Une pépite

8 étoiles

Critique de Hervé28 (Chartres, Inscrit(e) le 4 septembre 2011, 55 ans) - 1 novembre 2011

Si vous n’aviez qu’un album à lire ce mois- ci , lisez « le désespoir du singe ».
Déjà avec un titre aussi énigmatique que beau vous ne pouvez que succomber à la tentation.
En outre la couverture est, à mon avis, une des plus belles de cette année 2006.
Pourtant, ne connaissant pas du tout l’œuvre d’ Alfred , mais uniquement celle de Peyraud ( et encore simplement comme dessinateur) j’ai tout de suite été conquis par cette bande dessinée.
Une romance pour ne pas dire une histoire romantique dans un monde Kafkaïen, où des mystérieux chantiers d’irrigations semblent indispensables au pouvoir en place, dont le bras armé ressemble à des êtres difformes.
Dans cet univers prêt à exploser, deux êtres, un peu bohèmes, un peu fous mais surtout amoureux vont bouleverser l’ordre établi.
Car il s’agit bien de cela, d’une histoire d’amour, magnifiquement dessinée et mise en scène, sur un fond dramatique.
Beaucoup de références et d’allusions dans cet opus ( on songe notamment au « dictateur » de Chaplin , pour le contexte ; scènes sur les toits, la répression, la fuite programmée du pays, )
Un dessin élastique ( les personnages semblent fait en caoutchouc ) d’Alfred, magnifique, servi par les couleurs forts réussies de Delf.
Lecture indispensable pour tout bédéphile qui se respecte.
Faites comme moi, ne demandez qu’à tomber sous le charme de Vespérine.

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