Empire du Soleil de J. G. Ballard
(Empire of the sun)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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la bête grouillante
Le début du roman génère une confusion étrange : on a l'impression de jouer au jeu des 7 erreurs entre l'enfance de James Graham Ballard (qu'il a racontée dans sa biographie) et le récit de ce jeune garçon qui grandit à Shanghai.
En soi, c'est déjà un prodige. En effet, peu d'enfances cossues se sont aussi étroitement mêlées à la mort, à la misère, au mélange des civilisations et au danger. Le jeune Jim, de son 31A Amherst Avenue, est aux premières loges pour voir les Chinois crever à même le sol qui seront plus tard balancés des jetées mortuaires, inlassablement ramenés par la marée montante. Il est aux premières loges pour croiser français, belges, allemands et autres occidentaux jaillissant des différentes concessions qui constituent alors le Shanghai industrieux et affairé.
Et quand la guerre éclate, c'est presque imperceptiblement, dans le grouillement caractéristique de la cité monstrueuse, les uns et les autres, comme d'habitude, jouant de toute leur dextérité pour éviter d'être emportés par le rouleau compresseur de la bête en marche.
Mais la bête, alors, est japonaise. Et le Japon est déjà source de fascination pour le jeune Jim, autant pour l'abnégation irréelle de ses officiers que pour leur héroïsme dans la bataille alors qu'ils sillonnent le ciel dans leurs avions de combat. C'est sûr, Jim volera un jour dans l'aviation japonaise !
A ce jeu, ils seront peut-être rattrapés par les Américains, mais cela seulement au terme de 5 années de guerre pendant lesquelles Jim aura seulement essayé de survivre.
Séparé de ses parents aux premières minutes du conflit, il connaîtra le danger de la mort, l'errance dans les rues et les maisons désertées alors que les Japonais se désintéressent du sort d'un jeune occidental abandonné à lui-même, à vélo.
Il connaîtra les mouroirs à ciel ouvert où les Occidentaux sont parqués, pris par les fièvres mortelles, en attendant qu'on puisse les balancer aux fosses communes.
Il connaîtra, et en soi c'est déjà un miracle, l'enfermement dans les camps de prisonniers et la lutte mesquine des uns contre les autres pour, littéralement, quelques pelures de patates douces qui peuvent faire oublier quelques instants la fièvre et le vertige engendrés par la malnutrition.
Puis ce sera l'errance à nouveau, avec comme lointain souvenir l'image presque effacée de ses parents. Les mouroirs, encore, avant de voir, si cela est possible, l'éclair blafard des bombes atomiques qui viendront relancer le grouillement animal de ceux qui veulent continuer à vivre alors que les cadavres sont balancés toujours et encore dans le Bund sans jamais aucun espoir d'atteindre la mer, et par là, la délivrance.
Ce qui frappe dans l'écriture de Ballard, c'est le parti pris de suivre le point de vue du jeune héros, parfois magique parfois naïf ou simplement pragmatique sur ce qui arrive à lui et au monde. C'est aussi le grouillement, l'agitation obscènes que des yeux adolescents suivent comme si cela était normal et presque beau : vie et mort entremêlés, à peine accentué par la guerre.
Shanghai, obscène, n'avait pas besoin de cela pour être monstrueuse.
Les éditions
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Empire du soleil [Texte imprimé] J. G. Ballard trad. de l'anglais par Élisabeth Gille
de Ballard, J. G. Gille, Élisabeth (Traducteur)
Gallimard / Collection Folio.
ISBN : 9782070382682 ; 8,60 € ; 24/01/1992 ; 437 p. ; Poche
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Résilience
Critique de Vince92 (Zürich, Inscrit le 20 octobre 2008, 47 ans) - 20 février 2020
Jim rencontre Basie, un ancien steward d'une compagnie aérienne américaine qui vit comme lui caché et de petits trafics. Alors que lui et son complice sont sur le point de cambrioler une de ces villas d'Occidentaux, ils sont arrêtés par les Japonais et Jim envoyé d'abord dans un ancien cinéma en plein air, désormais transformé en hôpital ou plutôt mouroir pour occidental atteint de malaria ou de biribiri puis parvient à se faire transférer au terrain d'aviation de Longhua au sein duquel il vivra trois ans durant parvenant à survivre grâce à sa débrouillardise et ses qualités de résilience.
La fin du roman relate de façon aussi confuse que les événements qui se sont déroulés à la fin de la guerre, la fin de l'armée japonaise en Chine. Longhua se vide de ses gardiens, les prisonniers sont transférés au stade de Nantao au cours d'une marche forcée dont beaucoup ne survivront pas. Là, la confusion gagne l'ensemble des protagonistes et Jim décide, alors que les Japonais s’égayent dans la nature, de regagner le camp de Longhua. Après la confusion au cours de laquelle les prémices de la guerre civile entre nationalistes et communistes affleurent, Jim parviendra encore et toujours à éviter les mauvais coups dans un environnement hostile et à revoir ses parents.
Ce roman retrace la propre jeunesse de l'auteur, le romancier J.G.Ballard, auteur de récits de science-fiction qui dépeint ici mais de façon romancée (il ne sera jamais séparé de ses parents par exemple) son expérience particulière au cours de laquelle il fera l'expérience de la violence, de la maladie et des privations en tout genre. C'est avant tout pour moi un document sur la capacité qu'ont certains de pouvoir survivre aux conditions extrêmes auxquelles ils sont confrontés, comment ces individus peuvent s'adapter et tirer le meilleur de toute situation. C'est aussi un document sur la fin de cet âge d'or de la domination occidentale en Chine, ce géant qui s'éveille et a soif de revanche après avoir courbé l'échine des dizaines d'années durant. Le temps où la Chine perdait la face aux yeux du monde n'est plus...
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