Désolations de David Vann

Désolations de David Vann
(Caribou island)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Aliénor, le 17 octobre 2011 (Inscrite le 14 avril 2005, 56 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 11 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 557ème position).
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Encore un choc

Après le choc « Sukkwan Island », le nouveau roman de David Vann était très attendu. Et avec « Désolations », le lecteur renoue dès les premières pages avec un fort sentiment de malaise et d’oppression. Car dès le premier chapitre, il sait que la mort rôde et que la question du suicide sera une nouvelle fois très présente. Irène, l’héroïne principale, y confie en effet à sa fille les circonstances pénibles dans lesquelles elle a perdu sa mère lorsqu’elle était enfant, et ce drame a conditionné le reste de sa vie.

Irène s’apprête à suivre son mari sur une île, pour passer un hiver dans l’isolement le plus complet dans une cabane sommaire qu’il veut construire de ses mains. Un retour à la nature dont elle n’a pas la moindre envie. Mais elle est prête à accompagner son époux dans ce rêve qu’elle ne partage pas, car elle ne veut pas se retrouver seule. Pourtant cette décision est lourde de conséquences, puisque des migraines terribles, que rien ne peut soulager, l’envahissent sans relâche.

Et cette douleur présente page après page, se communique au lecteur. Comme un étau qui se resserre, il sent qu’un drame se noue. Tout comme dans « Sukkwam Island », on le sent inéluctable sans savoir quelle forme il va prendre ni à quel moment il va se produire. Dans le premier, c’est au détour d’une page 113 devenue mémorable qu’il nous sautait au visage. Ici, c’est beaucoup plus tardivement, mais il se déroule sur une petite dizaine de pages très éprouvantes qui n’ont rien à envier à cette fameuse page 113.
On ressort de cette lecture encore une fois sous le choc, d’autant plus que l’on sent ici poindre l’horreur d’une malédiction qui se répète de génération en génération. David Vann confirme qu’il a un talent de narrateur fou, et qu’il est entré dans la cour des grands auteurs américains.

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Les éditions

  • Désolations [Texte imprimé], roman David Vann traduit de l'américain par Laura Derajinski
    de Vann, David Derajinski, Laura (Traducteur)
    Gallmeister / Nature writing
    ISBN : 9782351780466 ; 15,00 € ; 25/08/2011 ; 304 p. ; Broché
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L’effacement progressif des sentiments

8 étoiles

Critique de Isad (, Inscrite le 3 avril 2011, - ans) - 27 octobre 2012

Qu’est-ce que l’amour ? Aime-t-on un individu ou l’idée qu’on se fait de lui, de soi, de sa vie avec lui, de l’image qu’on donnera ainsi aux autres ? Et ce sentiment tient-il la durée ? Pourquoi doute-t-on devant le cours qu’a pris la vie commune, centrée sur l’autre puis sur les enfants. Et quand ceux-ci sont partis est-il sage de regarder en arrière et de se demander si on aurait pas pu prendre un autre chemin ? Pourquoi est-ce qu’on satisfait aux demandes d’autrui alors qu’on n’en a pas envie ? Devant le vide de la solitude et la peur de la perte de la présence de l’autre, même si l’idéal rêvé n’est pas atteint, est-il préférable de continuer ensemble ?

Tout cela ce sont les questions qui forment l’arrière plan du récit qui n’est jamais pesant ni didactique. Les situations montrent le caractère des différents personnages sous différentes facettes. Il y a quelques descriptions de lieux sauvages mais l’objet central tourne autour des sentiments pour autrui, de la vie des différents couples, de leur conception de sur le fait d’être ensemble et des concessions nécessaires.

Le livre raconte la vie d’un couple d’américains venu s’installer dans une petite ville d’Alaska. Lui, étudiant, n’a jamais terminé sa thèse d’histoire ancienne et a monté trop vite et seul des projets qui ont connus des échecs. Elle, institutrice qui chasse à l’arc, est depuis récemment en retraite. Lui décide de construire une cabane pour y vivre l’hiver sur une petite île qu’ils ont acheté. Elle l’y aide malgré les migraines atroces qui la terrassent. Elle repense de plus en plus à sa mère qu’elle a découverte pendue un jour qu’elle avait 10 ans et revenait d’école, peu après que son père les ait quittées. Ensuite, son enfance s’est passée ballotée parmi divers membres de la famille qui l’ont élevée. Elle a besoin de stabilité et a peur que son mari ne la quitte. Leur fille, qui travaille dans une animalerie et vit avec un dentiste, rêve à son mariage, qu’elle espère prochain, dans une île du Pacifique. Leur fils, pêcheur de saumon, qui semble ne pas avoir quitté l’adolescence, prend la vie comme elle vient et est consommateur modéré de drogue et d’alcool.

IF-1012-3968

Un remake de « Sukkwan Island » ?

7 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans) - 27 septembre 2012

« Sukkwan Island » rôdait encore dans le conscient, l’inconscient ou le subconscient de David Vann, quelque part en tout cas dans sa tête, quand il a écrit « Désolations ».
Même personnage masculin inaccompli qui s’est mis en tête de rejouer le pionnier de l’ouest et veut reconquérir un territoire alaskaïen inhabité, même personnage d’accompagnateur qui, à la fois n’a pas trop le choix et subit les errements du premier. Une île, là encore. Un projet mal ficelé là encore qui peut finir tragiquement s’agissant des conditions extrêmes de l’Alaska … Beaucoup ; beaucoup de points communs. Et une violence commune des faits décrits, du tragique au sens propre. Et puis cet amour de la nature encore vierge, indomptée – et on le pressent, indomptable – très bien célébrée par David Vann.
Comme pour « Sukkwan Island » enfin, il vaut mieux être en bonne forme psychologique pour l’aborder, sous peine de dégringoler au trente-sixième dessous.
Gary, qui n’a pas vraiment brillé dans sa vie d’homme, arrivé à l’automne de cette même vie, enfants élevés, s’est mis en tête d’aller conquérir un îlot inhabité, d’y construire une cabane en rondins, à l’instar des pionniers, et d’y mener le restant de sa vie. Irene, sa femme, est plutôt désemparée. Elle vient d’accéder à la retraite de sa vie d’institutrice, un tournant pour elle. Elle n’a plus guère que Gary, elle va donc jouer le jeu et bien que consciente de l’aspect mal ficelé – pour ne pas dire pas ficelé du tout – du projet, elle va tenter de l’accomplir avec lui. Mais voilà, c’est en Alaska que nous sommes, l’hiver arrive quand la cabane n’est même pas terminée – mais un Gary peut-il seulement terminer une cabane, ou quelque chose d’autre ? – et on s’embarque dans du tragique inéluctable.
En contrepoint David Vann se livre à une étude fouillée sur ce que peuvent être des relations de couples, le couple Gary – Irene, Rhoda leur fille et son dentiste de futur mari, … Brrr ! Se lancer dans une aventure en couple après avoir lu ça ?
Les études de caractères sont justes, les personnages fort crédibles, la Nature est bellement décrite … N’empêche, ça fait redite quand même. En plus redite bien noire …
Soyons franc. J’y ai néanmoins trouvé du plaisir !

Ne se lit pas comme un polar !

8 étoiles

Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 79 ans) - 21 juin 2012


Tout d'abord la nature joue un très grand rôle dans cette affaire. Elle en est presque le personnage principal.

Les longues descriptions de celle-ci doivent être avalées. Un coup de chapeau au traducteur au passage.

Mais "Désolations" cela n'est pas que ça.

Non seulement la vie en Alaska n'est pas facile mais ici Irène et Gary vont encore compliquer les choses. Lui est une sorte de raté et elle a dépassé le stade des bons sentiments en sa faveur. Malgré toute l'opposition d'Irène il va construire sa cabane sur une île quasiment déserte et inaccessible à certain moment de l'année.

Toute la finesse va nous venir des rapports entre cet homme et cette femme. Il faut aussi y ajouter leurs enfants, un fils et une fille. La fille aussi se débat dans ce qu'elle pense du couple qu'elle forme avec JIm

Très beau, très bien écrit mais un livre essentiellement tourné vers les problèmes du couple. Et là, tout se passe avec énormément de finesse.

A lire !

Ennuyeux

2 étoiles

Critique de Poki (, Inscrite le 1 mars 2010, 49 ans) - 9 mai 2012

Je me suis terriblement ennuyée durant la lecture de ce roman, j'ai trouvé que tout était prévisible contrairement au précédent roman de David Vann "Sukkwan Island" dans lequel l'intrigue était palpitante malgré l'horreur de la situation. Dans celui-ci, on sent dès le début ce qui va arriver, les personnages ne sont pas attachants, du coup rien ne m'a touchée. De plus l'auteur se noie dans des descriptions ennuyeuses et inutiles... Dommage car j'avais tellement aimé le précédent que je me faisais une joie de lire celui-là!
A vous de juger!

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7 étoiles

Critique de Jonath.Qc (, Inscrit le 6 juillet 2011, 45 ans) - 29 mars 2012

Ceux qui ont lu Sukkwan Island, du même auteur, ne seront certainement pas perdu en lisant Désolations. On a encore droit à une saga familiale totalement chaotique. Ajoutez à cela un décor reculé de l'Alaska, une histoire agonisante qui nous mène vers les profondeurs obscures de l'âme humaine...
Une lecture plutôt terrible et éprouvante me direz-vous? Pas du tout, et c'est là la force de l'auteur à mon avis, car ce roman se lit, tout comme le roman précédent, avec entrain et intérêt.
David Vann possède un style ainsi qu'une narration bien personnels. À découvrir!

Magistral

10 étoiles

Critique de BMR & MAM (Paris, Inscrit le 27 avril 2007, 64 ans) - 11 mars 2012

On n'avait pas cédé aux sirènes de Sukkwan Island, le précédent roman de David Vann : trop d'engouement, trop de ferveur sur les blogs, l'effet de mode nous avait paru suspect.
Mais on ne pouvait pas bouder trop longtemps et le pitch de son second roman, Désolations, semblait prometteur.
Au fin de fond de l'Alaska, Gary et Irene sont à la retraite, leurs gosses élevés et devenus adultes.
Gary n'a plus qu'une obsession : construire sa cabane sur Caribou Island (c'est le titre en VO), l'île perdue au milieu du lac en face de chez eux.
Irene est prête à la suivre, tout, même la folie de Gary, plutôt que d'être abandonnée à nouveau (elle ne s'est jamais remise de la fuite de son père et de la pendaison de sa mère).

[...] Au petit matin, Irene porta sa part, rondin après rondin, du pick-up au bateau. On n'arrivera jamais à les caler les uns sur les autres, dit-elle à son mari, Gary.
Je vais devoir les raboter un peu, dit-il d'un air renfrogné.
Irene s'esclaffa.
Merci, dit Gary, Il affichait déjà cette expression inquiète et morose qui accompagnait tous ses projets impossibles.
Pourquoi ne pas construire la cabane avec des planches ? demanda Irene. Pourquoi faut-il absolument qu'elle soit en rondins ? Mais Gary ne lui répondit pas.

Voilà. On est à la page 10 seulement et tout est déjà dit : on sait qu'on va accompagner ce vieux couple finissant dans une lente mais certaine descente aux enfers, jusqu'à un dénouement qui ne pourra être que tragique.
Bientôt Irene sera prise de maux de tête terribles, qu'on devine psychosomatiques. Tous deux s'entêtent, chacun de son côté, Gary à bâtir sa cabane de travers, Irene à ne pas le lâcher pour ne pas lui laisser l'occasion de la planter sur la rive.
Et pour être sûr que cette histoire soit vraiment terrible, David Vann va nous emmener chez lui en Alaska :

[...] La fin de l'été dans cette région ressemblait fort à l'hiver. Ne te plains pas, se dit-elle. C'est toi qui as voulu venir. Elle avait imaginé l'Alaska comme une véritable aventure, mais à dire vrai la région lui semblait plutôt fade. On voit un ou deux élans et ils commencent à sembler aussi communs que les vaches.

Un pays de désolation. Pluies, neiges, vents et moustiques. Un pays de pêcheurs : à la ligne ou au chalut, mais David Vann ne nous donne certainement pas envie d'aller pêcher le saumon avec eux ! Rien à voir, par exemple, avec la pêche de la truite à la mouche dans le Maine où nous conviait William G. Tapply (dans la même collection). Le Maine c'est quand tu veux, mais l'Alaska sûrement pas !
Autour de Gary et Irene, leurs deux enfants qui sont restés à proximité : le fils Mark plante de la marie-jeanne dans son jardin, Rhoda quant à elle rêve d'un mariage avec un riche dentiste qui court le jupon. On se dit qu'ils ont des excuses, ils vivent en Alaska.
Voilà pour l'histoire et son décor.
Reste le bouquin de David Vann : passées les premières pages, c'est terrible. On dévore ce bouquin à vive allure, impossible de le reposer, c'est pire qu'un polar. L'obsession de Gary, pourchassé par les muets reproches de sa sorcière de femme, incarnation de la réprobation, est devenue la nôtre. On partage les affres et les maux de tête d'Irene qui s'obstine à sauver son couple et à suivre son abruti de mari obstiné. Tous les personnages, couple, enfants, conjoints, sont attachants, épais et vrais. On croit prendre parti pour l'un ou l'autre, on aimerait bien s'identifier à quelqu'un, ne serait-ce qu'un demi-héros, mais le chapitre suivant nous le dépeint sous un jour encore plus sombre et plus attristant. Les tempêtes et les désolations de l'Alaska ne sont bien évidemment que les reflets de celles des âmes humaines, à moins que ce ne soit le contraire.

[...] Il faut que j'y aille, dit Mark.
Reste déjeuner, dit Rhoda.
J'ai promis de rendre le bateau. Il faut que j'y retourne.
Tu fuis comme ton père, dit Irene. Pourquoi tu ne peux pas rester ? C'est rien qu'un déjeuner. Pourquoi les hommes de cette famille passent-ils leur temps à fuir ?
Je ne sais pas, dit Mark, Peut-être parce que tu nous fous les jetons ? Si je reste une minute de plus ici, je vais hurler. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est comme ça. Désolé. Ne le prends pas personnellement. Il avait ouvert la porte, s'enfuyait.
Que je ne le prenne pas personnellement ? dit Irene.

David Vann écrit là où ça fait mal. Et il écrit bien. Vraiment très bien.

Une vie infernale

9 étoiles

Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 68 ans) - 13 janvier 2012

Après l’excellent « Sukkwan Island », David Vann récidive avec ce récit très dur et dont le dénouement terrible constitue l’apothéose. En fait, je lisais et j’attendais ce dénouement. Connaissant monsieur Vann, je savais qu’il nous réservait une fin horrifiante. D’ailleurs, il prépare soigneusement cette fin en faisant languir son lecteur ou sa lectrice et il a réussi dans mon cas.

Pour résumer un peu l’histoire, nous suivons le couple formé par Irene et Gary. Irene est une enseignante de maternelle retraitée alors que Gary a suivi des études poussées en littérature anglo-saxonne. Le couple a deux enfants : Rhoda qui travaille comme assistante vétérinaire et Mark, un pêcheur vivant comme un hippie. L’histoire se déroule en Alaska.

Gary s’est mis en tête de construire une cabane sur une île isolée nommée « Caribou Island ». Irene l’assiste dans son entreprise mais bientôt, de terribles migraines lui font endurer d’horribles souffrances. Elle continue tout de même à venir en aide à son mari et le couple effectue de nombreux voyages sur la petite île afin d’y transporter tous les matériaux dont il a besoin. Irene entretient de plus en plus de rancœur envers Gary, le rendant responsable de l’échec de sa vie et Gary de son côté, ne songe qu’à se débarrasser d’une femme qu’il considère de plus en plus comme un poids et un empêchement à la réalisation de son rêve : vivre seul dans sa cabane loin du monde et de ses vicissitudes.

David Vann accorde une large place aux éléments naturels tels que neige, vent, vagues déferlantes et tempêtes. Il décrit à merveille la puissance de la nature et certaines scènes de pêche sont très réussies. Son écriture est vive, dense et efficace. Elle dépeint fort bien les conditions terribles que doit affronter le couple constitué par Irene et Gary pour mener à bien son projet. Mais au-delà du matériel, c’est un roman sur l’incommunicabilité des êtres qui affirment s’aimer mais se déchirent lentement jour après jour, faisant de leur vie un enfer sans issue. Irene réalise qu’elle a gâché sa vie en choisissant la mauvaise route et lorsqu’elle apprend le futur mariage de sa fille Rhoda avec un dentiste dans la quarantaine, elle met sa fille en garde et résume ce que sera son avenir. C’est très dur. Les personnages sont tous des êtres ayant fait de mauvais choix de vie ou s’apprêtant à en faire. Monsieur Vann fait ressortir toute l’absurdité du mariage et de la vie de couple qui étouffe les êtres, réduit leur vie ne laissant au bout du compte que des gens aigris, remplis de haine et seuls. Terrible…

Toujours l'horreur !

6 étoiles

Critique de Tanneguy (Paris, Inscrit le 21 septembre 2006, 84 ans) - 10 décembre 2011

David Vann ne s'est pas vraiment renouvelé depuis Sukkwan Island. On est toujours dans l'Alaska sauvage, déserté par les touristes dès que l'hiver approche. N'y vivent plus que les personnages mis en scène par l'auteur : des "ratés" de la vie qui avaient imaginé que le retour à la nature pourraient donner un sens à leur vie médiocre. Ils en paient le prix, qu'ils font aussi payer à leurs proches.

On ressort accablé de cette lecture éprouvante, malgré quelques passages intéressants : la pêche au saumon ou les paysages inhabituels. A lire si on vous prête le livre seulement.

"Loser Land"

7 étoiles

Critique de Gnome (Paris, Inscrit le 4 décembre 2010, 53 ans) - 5 décembre 2011

Après la lecture de Sukkwan Island, j’abordais ce deuxième livre de David Vann avec un mélange d’enthousiasme et de circonspection. Eternelle question autour du « second livre » : sera-t-il aussi captivant que le premier ? Une chose est sûre, avec celui-ci, l’auteur ne s’est pas aventuré dans un autre style ou dans un sujet très différent.

David Vann n’aime visiblement pas la gent masculine et nous offre de nouveau un tableau affligeant de quelques uns de ses pires travers : obstination dans l’erreur, bêtise, égoïsme, obsessions de toutes sortes, manque d’anticipation (…), tout ceci laissant planer au long du récit -et c’est le moins que l’on puisse dire- une lourde ambiance de médiocrité, parfois révoltante et souvent agaçante. Médiocrité certes, mais dont le livre n’est pas pour autant affublé. Même si l’intrigue n’est pas aussi hallucinante et hypnotisante que dans Sukkwan Island, Désolations permet à David Vann d’épaissir la personnalité de ses protagonistes et de leur donner une réelle existence. En ce sens, ce roman est plus fouillé psychologiquement et m’a semblé plus crédible à bien des endroits.

Autre point commun avec le précédent ouvrage du même auteur, ce livre se range également dans la catégorie littéraire appelée « nature writing ». A ce titre, et comme son nom l’indique, c’est le plus souvent la nature qui donne le ton de l’histoire. La rudesse des paysages d’Alaska y est décrite dans toute sa crudité, sans fioritures et sans lyrisme. David Vann est né et a vécu une bonne partie de sa vie en Alaska et cela se ressent.
Dans Désolations -comme c’est parfois le cas des romans de « nature writing »- il est sous-tendu qu’en cherchant la confrontation ou la communion avec la nature, l’Homme n’est probablement pas en train de fuir (ou de rechercher) autre chose que sa propre vraie nature. Mais ces parallèles, qui peuvent ressembler sous ma plume à de grosses ficelles, sont ici tracés avec beaucoup de talent et de subtilité !
Pour ceux qui ont lu Sukkwan Island et hésitent à lire Désolations, je recommande la lecture de cette interview de l’auteur qui, sans dévoiler quoi que ce soit du présent livre (mais en dit un peu trop sur Sukkwan Island), permettra de mieux comprendre ses sources d’inspirations : http://tinyurl.com/6n69ygj

Alors, difficile de dire si Désolations est "aussi bon" ou "moins bon" que Sukkwan Island. Disons qu’en ce qui me concerne, j’ai beaucoup aimé ce livre, même s’il m’a moins estomaqué que le premier…

A noter : j’ai buté sur quelques fautes d’orthographe et de grammaire.

Glaçant à tout point de vue

7 étoiles

Critique de Oops (Bordeaux, Inscrite le 30 juillet 2011, 57 ans) - 17 novembre 2011

Comme dans le précédent roman de David Vann, l'histoire se passe dans les grands espaces de l'Alaska. Irène et Gary sont deux jeunes retraités, mariés depuis trente ans, ils ont deux enfants. Leur fille Rhoda est vétérinaire, elle vit avec Jim un dentiste qui a dix ans de plus qu'elle, ils sont sur le point de se marier. Mark est pêcheur, il habite avec Karen qui tient un Coffee Bus. Les deux enfants vivent sur le continent tandis que leurs parents se construisent une cabane sur un îlot, loin de toute civilisation. C'est un rêve de toujours pour Gary, de vivre en pleine nature avec le strict minimum. Au fur et à mesure de l'avancement du projet, Irène réalise qu'elle ne se fera pas à cette vie d'ermite, sans compter le froid et des migraines insupportables qui la rendent impotente. Comme dans Sukkwan Island on sent dès les premières pages qu'un drame familial se prépare. L'auteur décortique la vie des différents couples, révélant la naïveté de la jeunesse pour les uns et le désenchantement chez les autres. Dans ce roman tout ce qui ronge la vie de couple est mis au jour sans états d'âmes, les manques, les déceptions, le manque de communication, le passé…Face à une nature froide et impitoyable, la solidité des couples est mise à rude épreuve, le couple peut être un éden mais aussi une prison. Un roman glaçant à tout point de vue qui analyse fort bien ce que peut-être la crainte de la solitude dans une vie de couple à long terme.
"On peut choisir ceux avec qui l'on va passer sa vie, mais on ne peut pas choisir ce qu'ils deviendront."

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