Le nationalisme québécois sur le divan de André Lussier
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités
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Décortiquer l'idéologie par la psychanalyse
Je vous préviens : cet essai pourrait choquer bon nombre de souverainistes québécois.
En effet, l'auteur, le psychanalyste André Lussier, est fédéraliste. Néanmoins, cet homme ne juge pas durement ses adversaires : le docteur essaie de les comprendre en sondant leur âme et les raisons qui les poussent à s'accrocher au nationalisme québécois.
"Depuis quarante ans, je n'ai cessé d'être interpellé par les nombreuses crises qui ont mis à l'épreuve le sentiment d'identité nationale de presque tous les Québécois et Québécoises. Je les ai traversées en y participant de près ou de loin . À chaque étape bousculante, quelque chose en moi évoluait, changeait, sans m'empêcher de toujours rester au fond le même, l'identité étant ce qui persiste à travers les transformations. La dictature de l'ère Duplessis, le triomphalisme du clergé, la Révolution Tranquille, le French Power à Ottawa, la montée du mouvement séparatiste-souverainiste, le FLQ terroriste, le Parti Québécois au pouvoir, la Crise d'Octobre, les appels incessants à un nationalisme farouche, le chauvinisme anglo-canadien, tous ces moments forts m'ont constamment forcé de me redéfinir afin de trouver ma direction et prendre position".
J'ai été émerveillé par la façon dont Lussier expose le macrosocial (la politique) dans un cadre microsocial (la psychologie). Fini les arguments purement et ennuyeusement politiques. L'esprit humain aussi a sa place.
On peut diviser le livre en trois parties. La première pourrait sembler indigeste pour ceux qui ne partagent pas l'opinion politique d'André Lussier puisque celui-ci critique durement le nationalisme en général. Se réclamant de la pensée de Raymond Aron, Hannah Arendt, Charles Taylor, Léon Dion, André Laurendeau et Henri Bourassa, il déclare que même si le nationalisme est ancré en chacun de nous et qu'elle reste essentielle pour définir notre identité, elle peut devenir particulièrement dangereuse en politique car motivée par des pulsions irrationnelles et des frustrations humiliantes, et basée sur une seule ethnie au détriment des autres (et cela vaut pour tous les nationalismes, anglo-canadien ou québécois).
La deuxième partie, néanmoins, apporte une réflexion beaucoup plus nuancée. L'auteur y va dans une analyse critique de la vision et des actions politiques de Trudeau, qui à son avis, loin d'avoir amené la réconciliation entre francophones et anglophones au Canada comme il le souhaitait, les ont divisés plus que jamais. Lussier explique que l'humiliation qu'on subi les Canadiens français de la part des Anglais (auxquels Lussier n'est pas plus tendre) laisse des traces douloureuses et que la meilleure manière d'y remédier est de leur donner ce qu'ils réclament depuis longtemps : une simple reconnaissance de leur nation au sens culturel du terme. Malheureusement, au nom d'un universalisme (qui en soi est un but noble et louable) et d'une haine des nationalismes (tout de même justifiable par les horreurs guerrières et les excès qu'elles peuvent amener), Trudeau, dans une paranoia déconcertante, a préféré diaboliser les revendications québécoises, une action qui encore aujourd'hui laisse des goûts amers autant chez les souverainistes que les fédéralistes modérés (dont Lussier fait partie). Ici, le nationalisme devient un mécanisme de défense qui a profité à l'élection du Parti québécois de René Lévesque.
Dans la troisième partie, Lussier va critiquer les textes de quatre idéologues souverainistes importants : Pierre Vadeboncoeur et Pierre Perreault (les purs et durs), puis Jacques Brault et Fernand Dumont (les modérés). Selon lui, les injustices dont ont été victimes les Canadiens français et Québécois ne sont pas une excuse pour rejeter aggressivement l'Autre, le Canadien anglais. Dans l'histoire du Canada, les Anglais ayant échoué à assimiler les Canadiens français et ceux-ci, à se révolter contre eux, ont dû être obligés de marcher main dans la main et de se reconnaître en tant qu'égaux (quoiqu'ils aient vécu des épisodes assez sombres). Dans cette perspective, Lussier, inspiré par la vision de Mandela et Peres, préfère continuer à espérer une réconciliation nationale qui pourra unir un jour le pays que nous partageons.
Je ne pourrais pas complètement résumer toute la pensée d'André Lussier, mais pour les esprits ouverts, je vous conseille d'y jeter un coup d'oeil. Pour ma part, son analyse m'a complètement satisfaite et j'y adhère amplement.
Les éditions
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NATIONALISME QUÉBÉCOIS SUR LE DIVAN (LE)
de Lussier, André
Fides / P. V. Riverin
ISBN : 9782762123340 ; CDN$ 19.95 ; 01/08/2002 ; 202 p. ; Paperback
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Vers un avenir radieux...
Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans) - 15 novembre 2011
Monsieur Lussier nous fait part dans cet ouvrage de ses réflexions sur le nationalisme québécois. Il commence par brosser une brève histoire du Canada français pour ensuite passer à l’ère duplessiste, la Révolution tranquille de Jean Lesage et ses répercussions sur l’âme, la langue et l’image du Québec et de tous les Québécois. Pour cette partie, je retiendrai le fait que monsieur Lussier ne rend pas l’establishment anglais unique responsable de notre oppression et de notre maintien dans la pauvreté et l’ignorance. Duplessis, en véritable dictateur qu’il était, a contribué et de loin pendant des décennies à maintenir le peuple québécois dans l’ignorance et la soumission et ce avec la complicité de la religion. Pendant ce temps, il avait beau jeu de vendre nos ressources naturelles aux Américains afin de grossir les revenus de sa caisse électorale. Je suis d’accord avec l’auteur sur ce fait connu et reconnu depuis longtemps.
Ensuite, vient Pierre Elliott Trudeau et son duel avec René Lévesque lors du rapatriement de la constitution et l’accord désastreux du Lac Meech. Monsieur Lussier s’accroche de façon pitoyable à l’échec de Pierre Trudeau, à son refus de reconnaître le Québec comme société distincte, ce qui a eu pour effet d’exarcerber le nationalisme québécois au plus haut point et de desservir du coup la cause qu’il défendait. André Lussier est amer et revient souvent sur l’arrogance de Trudeau, attitude qui n’a pas aidé à l’intégration du Québec au reste du Canada. Au contraire, l’auteur déplore le fait que Trudeau, loin de rester calme et analytique, s’est laissé emporter par son caractère, détruisant ainsi son image au sein de la population québécoise et faisant de lui un ennemi à abattre, donnant ainsi à René Lévesque toute latitude d’exploiter l’impopularité de ce Premier Ministre honni. Pour monsieur Lussier, Pierre Trudeau a ainsi laissé passer une chance incroyable de régler définitivement le cas du Québec au sein du fédéralisme.
Viennent ensuite des commentaires sur les écrits de différentes personnalités indépendantistes comme Pierre Vadeboncoeur, Pierre Perrault, Jacques Brault et Fernand Dumont. Sans être mesquin, monsieur Lussier raille les uns et les autres et surtout, se glorifie de savoir résister à l’attrait de leurs écrits car pour lui, en politique, il ne doit pas y avoir de place pour l’orgueil nationaliste et surtout pas pour la passion. Donc, il se vante de savoir garder la tête froide et de ne pas succomber à la fièvre et à la soif de liberté qui animent les écrits de ces hommes.
Plusieurs jugements au sujet de René Lévesque et des autres membres du Parti québécois m’ont irritée. Monsieur Lussier accuse René Lévesque de n’avoir cherché qu’à mousser sa gloriole et parvenir au poste de chef d’état afin de continuer à jouir du succès populaire qui était le sien lors de son émission « Point de mire ». C’est bien mal le connaître et surtout, c’est un jugement réducteur au possible. Selon monsieur Lussier, René Lévesque n’a jamais possédé l’envergure d’un chef d’État en raison des lacunes de son éducation. Voilà qui ne me surprend pas de la part d’un homme tel que lui. Il critique aussi certaines décisions du PQ comme par exemple d’avoir voté une loi protégeant notre langue (loi 101) en avançant que la pauvreté de notre français est le seul responsable du désintérêt des Anglophones à l’apprendre ! Autrement dit, rehaussons la qualité de notre français et les Anglais vont se précipiter pour l’étudier ! C’est bien mal les connaître…
Bon, enfin, je pourrais relever beaucoup de déclarations malheureuses et y répondre mais là n’est pas l’essentiel. L’essentiel est de comprendre que ce livre a été écrit par un homme qui semble obsédé par le nationalisme et on dirait qu’il cherche avec acharnement à se donner bonne conscience et à justifier ses positions à cet égard. Assez risible est sa peur de ce qui pourrait arriver si le Québec devenait souverain. Il donne en exemple le cas de pays dont la population s’est entredéchirée suite à l’indépendance de leur pays. Mais nous ne sommes pas des sauvages monsieur Lussier au cas où vous ne l’auriez pas encore compris.
Pourtant, on sent que la marge est mince car l’homme semble éprouver une forte attirance envers le camp indépendantiste et son idéologie mais quelque chose de plus fort le retient. Il invoque son humanité, son ouverture à l’autre et ce genre de discours qu’on nous sert tout le temps. Il déclare que sa morale lui interdit cette option, comme si le fait de se doter d’un pays entraîne nécessairement le repli identitaire et le rejet de l’autre. Mais pourquoi tant tenir à traîner ce boulet qu’est le Canada je me le demande ? Je ne comprends toujours pas…
Quelques déclarations intéressantes relevées au fil de ma lecture :
« Pour ce qui est de l’histoire générale du Canada, les représentants d’Ottawa et des autres provinces, dans l’ensemble, auront beaucoup fait pour empêcher qu’un Québec autonome se sente chez lui dans la Confédération. Les gains du Québec sont rarement venus de la largesse d’esprit d’Ottawa, ils ont été arrachés de peine et de misère. C’est là une des principales sources du caractère déplorable des relations Ottawa-Québec. »
« Après avoir de nouveau martelé des paroles cinglantes (en parlant de Trudeau) sur un passé lourd de conséquences pour « un peuple vaincu, occupé, décapité, évincé du domaine commercial (…) diminué en influence dans un pays qu’il avait pourtant découvert, exploré et colonisé », vous avez jugé à propos de conclure que « ce peuple en est venu à attacher un prix démesuré à tout ce qui le distinguait de l’autre ». »
Je n’ai tout de même pas complètement perdu mon temps avec cette lecture. J’ai pris en note beaucoup de livres cités par l’auteur et je me suis un peu plus familiarisée avec la pensée de Pierre Elliott Trudeau qui privilégiait avant tout les droits individuels en lieu et place des droits collectifs.
Une dernière remarque : monsieur Lussier évoque souvent Nelson Mandela et semble désirer que les Québécois démontrent la même capacité de pardon. Faire table rase du passé, oublier tout ce que nous avons subi comme humiliations et exactions de la part des Anglais et repartir de zéro, main dans la main et animés d’une bonne volonté envers ceux qui furent pendant longtemps nos exploiteurs et nos bourreaux. C’est beau ! Ah oui c’est beau ! Cela nous ouvre un avenir radieux et rend nos chaînes plus légères…
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À vomir... | 57 | Dirlandaise | 21 octobre 2011 @ 20:11 |
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