Fontamara de Ignazio Silone

Fontamara de Ignazio Silone
(Fontamara)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Radetsky, le 5 octobre 2011 (Inscrit le 13 août 2009, 80 ans)
La note : 10 étoiles
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Vie et mort des sans terre

Nous ne sommes ni à Eboli avec Carlo Levi, ni à Rome avec Elsa Morante, mais toujours dans l'Italie fasciste, au coeur d'un obscur bourg de la Marsica (Fontamara), un fragment emblématique des Abruzzes. Le récit ne procède pas d'un témoin distancié ou impersonnel. Il est ancré dans la gangue aride où ils sont enfermés depuis des siècles, de tout temps, chez les cafoni , terme à la limite de l'injure (on pourrait le traduire par "plouc" ou "cul-terreux") servant à désigner le paysan sans terre étranglé par l'inatteignable but de toute sa vie : gagner de quoi payer son écot au propriétaire et, cas improbable voire impossible, avoir de quoi acheter à son tour un lopin suffisant pour survivre. Ce cadre n'a acquis, de nos jours, aucunement le caractère d'une utopie dans bien des pays où sévissent encore les mêmes conditions sociales.
Une petite communauté, pour laquelle les minces droits acquis (ou plutôt octroyés) sur la gestion d'une terre qui leur restait étrangère puisqu'ils n'en avaient pas la propriété, voit s'abattre sur elle l'arbitraire d'une décision (le détournement d'un ruisseau, les privant du moyen d'irriguer leurs tas de cailloux si avares en fruits malgré un travail de damnés) prise par un potentat local, avec l'appui et la complicité des autorités constituées, chez lesquelles se retrouvent bien sûr comme toujours l'Etat, l'Eglise et leurs représentants locaux attitrés. Entre les semi-esclaves et les esclaves à peine affranchis (petits, tout petits possesseurs de quelques arpents) la communauté d'intérêts et de destins est ignorée au départ et il y faudra du sang avant que n'apparaisse comme indispensable l'unité des misères, en d'autres termes une conscience collective et la nécessité de l'action. La lutte est par trop inégale, le résultat aléatoire, mais ils auront osé franchir un pas vers la révolte, brisant ainsi une éternité d'esprit de soumission. Peut-on parler de la présence d'un héros, au sens romanesque du terme ? Pas vraiment : les quelques fortes personnalités qui se révèlent à elles-mêmes et aux autres restent porteuses des pesanteurs puis du destin communs. Le sens de la fatalité, les roublardises paysannes, l'aveuglement ou la peur face au "maître", pèsent de tout leur poids et la sensation d'étouffement alterne avec les moments d'espoir : comment ne pas renoncer...? C'est à une renaissance pénible, embryonnaire qu'on assiste, aidée par la volonté, la rage, le désespoir parfois. Un processus classique dans l'histoire de l'émancipation, là comme ailleurs.
Tout est dit dans le nom du village, métaphore qui fait le titre de l'ouvrage : Font-amara, la "source amère"...
Le livre trouvera sa continuité dans les romans postérieurs de l'auteur, attaché à scruter les progrès d'un lent processus de libération chez les individus et les collectivités.
Silone, adversaire du fascisme depuis toujours, abandonna le PCI au moment où il refusa l'ostracisme jeté par Staline sur les opposants. Il ne cessa jamais de dénoncer les conditions faites au petit peuple des campagnes et de montrer que la naissance d'une conscience collective pouvait aider à une transformation sociale, brisant une misère et une sujétion séculaires.

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