Ces enfants de ma vie de Gabrielle Roy

Ces enfants de ma vie de Gabrielle Roy

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Vigno, le 16 juillet 2002 (Inscrit le 30 mai 2001, - ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (945ème position).
Visites : 20 656  (depuis Novembre 2007)

Ces enfants de ma vie

Ces enfants de ma vie
Gabrielle Roy est née à St-Boniface au Manitoba. Elle y a enseigné pendant huit ans avant de déménager à Montréal où elle a commencé sa carrière littéraire. Bonheur d'occasion lui a valu le prix Femina en 1945.
En 1976, elle a publié Ces enfants de ma vie, un recueil contenant six nouvelles d'inégale longueur (entre 10 et 80 pages). C’est sans doute le plus beau livre qu'il m’a été donné de lire (et de relire) sur la profession d'enseignant. Il faut dire que l’école (la connaissance) en ces temps difficiles (la Grande Dépression), dans ces lieux perdus (le Nord du Manitoba) représentait une ouverture sur le monde, d'autant plus que ce pays neuf se peuplait de toutes les nations de la terre.
Gabrielle Roy a choisi cinq personnages, tous des garçons, peut-être parce qu'elle a surtout enseigné dans des écoles de garçons. Ils se nomment Vincento, Clair, Nil, Demetrioff, André Pasquier et Médéric Eymard. Vincento est un petit Italien effrayé par la rentrée; Clair est un enfant trop sage qui meurt d’envie de faire plaisir à sa maîtresse à Noël; Nil est un petit Ukrainien dont la voix d’alouette a l'étrange don d'apaiser les souffrances; Demetrioff est subjugué par la calligraphie; André Pasquier est un petit bonhomme de 11 ans qui tient la maison de sa mère alitée; enfin, Médéric est un bel adolescent qui tombe en amour avec son institutrice. Et parmi eux, il y a toujours présente cette jeune fille, leur institutrice, guère plus âgée, qui vient de quitter son enfance avec maints regrets.
"En repassant, comme il m'arrive souvent, ces temps-ci, par mes années de jeune institutrice, dans une école de garçons, en ville, je revis, toujours aussi chargée d'émotion, le matin de la rentrée. J'avais la classe des tout-petits. C'était leur premier pas dans un monde inconnu. À la peur qu'ils en avaient tous plus ou moins, s'ajoutait, chez quelques-uns de mes petits immigrants, le désarroi, en y arrivant, de s'entendre parler dans une langue qui leur était étrangère."
En fait l’auteure ne raconte guère le b a ba de l’école, la routine. Elle choisit un personnage qui sort du groupe, mais pas un premier de classe, un enfant qui se démarque par un talent ou une attitude. Il s'agit de faire vivre ce personnage devant nous. Et souvent, on quitte l’école. À l'époque, chacun se faisait un honneur d’inviter l’institutrice à souper. On pénètre ainsi dans l'intimité de ces immigrants, on perçoit leurs difficultés, on comprend ce que peut représenter pour eux l’éducation, on capte un peu ce désir qui les a incités à voyager si loin, et on admire leur vie un peu sacrifiée pour que celle de leurs enfants soit meilleure.
En même temps on assiste aux interrogations de la jeune maîtresse qui cherche comment faire pour atteindre celui-ci ou celui-là, pour qu'il accède à la connaissance, pour le faire progresser, ce qui est d'autant difficile que, lors de sa première année, à 18 ans, elle doit enseigner dans une petite école de village à quarante élèves, réparties en huit divisions.
On ne peut clore cette critique sans dire un mot sur la « manière Gabrielle Roy », quelque chose d'irrésistible. Impossible de ne pas tomber sous le charme. Bien entendu, les esprits chagrins vous diront qu'il y a beaucoup de bons sentiments, que toutes les femmes admirables sont des mères, que l'auteure attribue à la gentillesse un pouvoir hors proportion avec la réalité... Laissons dire. Il y a une finesse, une émotion, une commisération face à la détresse humaine... et un tel enchantement face à l’infinie richesse de la vie. La scène où l'auteure décrit la rentrée des tout-petits est un véritable morceau d'anthologie. Et il y a aussi un style. Quand il s’agit de décrire un paysage (la plaine de l'Ouest, les hivers), une émotion, une réflexion, Gabrielle Roy se compare aux plus grands.

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tout bonnement admirable

10 étoiles

Critique de Cyclo (Bordeaux, Inscrit le 18 avril 2008, 79 ans) - 22 novembre 2016

Je vais avoir bientôt 71 ans. Est-ce pour cela, et pour mes souvenirs d'école primaire de campagne et d'internat de lycée, où sans être un élève difficile, je me considérais comme un jeune sauvageon enchaîné à mon pupitre, mais le livre de Gabrielle Roy, si rempli d'amour pour les enfants de toute nature qui lui étaient confiés alors qu'elle était jeune institutrice, m'a transporté dans un autre temps : celui de ma jeunesse...
Il n'y a pas beaucoup de livres qui nous y ramènent... Dans mes lectures (nombreuses pourtant) de ces dix dernières années, depuis que je suis en retraite, je ne vois que le merveilleux roman de Romain Rolland, "Jean-Christophe", ou celui d'Henri Bosco, "L'enfant et la rivière". Il faudra y ajouter "Ces enfants de ma vie", que j'ai acheté à la Librairie du Québec lors d'un séjour parisien.
Peut-être faut-il avoir un certain âge, ou du moins avoir "vécu", comme on disait autrefois, pour en saisir toute l'âme enchantée (tiens, encore un titre de Romain Rolland), tout ce qui se cache sous l'écriture, la finesse des perceptions, la justesse du ton employé
Un très grand livre.

Sublime

10 étoiles

Critique de Saumar (Montréal, Inscrite le 15 août 2009, 91 ans) - 6 septembre 2009

Cet intéressant livre de six courtes nouvelles raconte l’histoire de six enfants-héros. L’attendrissante écrivaine n’a pas choisi le plus beau, le plus intelligent ou le fils d’un notable du village pour obtenir le meilleur en chacun, mais des garçons ordinaires. Elle a su atténuer les défauts et faire ressortir la confiance en soi ou l’amour du travail. Ils sont tous plus prenants les uns que les autres : Vincento, un petit Italien effrayé par la rentrée, donna des coups de pied dans les jambes de l’institutrice. Clair, jeune Irlandais enfant trop sage et si triste de ne pouvoir donner de cadeau à Mamzelle. Nil, ce petit Ukrainien à la voix d’alouette, qui chanta pour la mère malade de l’institutrice et lui redonna foi afin qu’elle marche de nouveau. Le Russe Demetrioff que le père a violenté à l’entrée, a changé au point qu’à la visite des parents, il avait si bien formé ses lettres qu’un premier sourire passa entre les deux. Je m’attarderai sur les deux derniers parce qu’il m’ont remuée davantage.

André Pasquier, c’est l’histoire d’un petit bout d’homme, âgé de dix ans. C’est l’aîné de la famille, il se devait de seconder son père, sur la ferme, en son absence pour les chantiers. Une mère malade et un petit frère de cinq ans. La tâche devenait lourde pour ses frêles épaules. Un jour, il annonça à l’institutrice qu’il abandonnait l’école du fait que sa mère était alitée jusqu’à l’accouchement, et que son frère, trop jeune, ne pouvait l’aider, il ajouta : « vous allez voir, mamzelle, quand il viendra à l’école, il sera bien meilleur élève que moi ». C’est que tous les soirs, quand il a le temps, André fait la classe à son jeune frère. (123) Malgré son amour pour l’école et Mamzelle, le petit André n’est plus revenu.
Médéric, lui, fit une remarquable entrée. Il y avait là un banc à deux places dont un seul bout était occupé par le plus petit des élèves, d’un mouvement de hanche, l’envoya voler dans l’allée (131). L’institutrice devinait que ses souvenirs n’étaient pas tous heureux et que son désir était d’accéder à la liberté. Elle le comprenait, car elle-même était à peine sortie des rêves de l’adolescence. « Le voici jouant au jeune adulte de 14 ans… J’avais 18 ans (…) il me dépassait d’une tête, et davantage dans bien des choses de la vie. » (134) Médéric devient amoureux de son institutrice. Cette dernière, avec le désir d’apprivoiser son élève rebelle, se laisse prendre au jeu. Pendant un dîner à la maison du père de Médéric, au retour des collines du Babcock, celui-ci parla insolemment des relations plus poussées qui pourraient exister entre l’institutrice et son fils. C’est ce qui mit fin à leurs relations. Le récit se termine par le départ de l’institutrice qui ira enseigner en ville. Elle se rendait compte qu’elle allait quitter ici une expérience unique dans sa vie. Elle a espéré jusqu’à la fin, un mot, un geste de Médéric, s’assurant qu’il ne s’était pas libéré de l’emprise importante qu’elle avait sur lui. (210) Dans le train pour la ville, elle l’aperçut, à demi couché sur sa monture, venant à fond de train du lointain de la plaine : « Nos regards se croisèrent (…) le visage me parut attentif, grave et aimant comme au jour où il m’avait demandé à propos « des truites de l’eau glacée » se laissant prendre et caresser… C’est un mystère, mamzelle?

Gabrielle Roy a enseigné de 1929 à 1937, la grande dépression explique le problème économique de la plupart des familles dans ce récit. S’est-elle inspirée de ses années d’enseignement pour écrire « Ces enfants de ma vie? » On pourrait donc en déduire, qu’elle excelle autant dans l’enseignement que dans l’écriture. Beaucoup parmi les lecteurs, comme moi-même, l’auront aimé «la mamzelle », ainsi que, Gabrielle Roy, auteure sublime.

Amour au coeur triste

10 étoiles

Critique de Chéry (Québec, Inscrite le 27 août 2006, 45 ans) - 2 avril 2007

J'ai fait la découverte de ce texte pour un cours de français au Cégep. Une découverte superbe et heureuse. Le dévouement d'une institutrice pour ses élèves n'a d'égal que sa passion pour les mots. S'il n'avait pas été de son amour pour ces enfants d'immigrés, elle n'aurait jamais fait ce travail. Une chose qui transparaissait dans ce texte est la réelle passion qu'avait Gabrielle Roy pour les enfants mais son désarroi face à être institutrice. Elle voulait tant pour ces enfants que c'était devenu sa raison de respirer. Que ce soit l'institutrice du livre ou l'institutrice de la vraie vie, toutes deux ne voulaient qu'une chose: que la vie apporte le meilleur dans le coeur de ces enfants.

Un livre à découvrir, lire et relire.

Grandir

9 étoiles

Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 12 mai 2005

Vigno semble avoir tout dit et avec beaucoup d’éloquence. Il s’agit en effet d’une évocation magnifique du boulot d’enseignant dans la plaine manitobaine, à une époque où l’on ne traitait pas encore les enfants comme des numéros. Ces petits récits, cousus de tendresse, sont à certains moments de la dentelle littéraire, notamment dans « L’enfant de Noël » qui raconte la surenchère des cadeaux des élèves alors que ceux-ci n’ont pas toujours les moyens d’exprimer leur gratitude.

Bien qu’il s’agisse de prime abord d’un portrait d’une jeune institutrice au grand cœur, parfois maladroite dont l’amour du métier et des enfants ne peut que susciter l’admiration, il y a aussi le constat d’une réalité économique et sociale difficile et la force de ceux qui la confrontent pour en sortir grandis. Superbe.

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