Jim Morrison & the doors de Henry Diltz

Jim Morrison & the doors de Henry Diltz

Catégorie(s) : Arts, loisir, vie pratique => Photographie , Arts, loisir, vie pratique => Musique

Critiqué par Numanuma, le 26 septembre 2011 (Tours, Inscrit le 21 mars 2005, 51 ans)
La note : 8 étoiles
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Entre deux portes

Jim Morrison & the doors. Voila un titre bien étonnant : pourquoi avoir écrit « doors » avec une minuscule et dans une taille de police plus petite ? Coquille ? Si c’est juste cela, une deuxième édition avec une majuscule, ce qui aura pour effet de donner à cette première édition un petit côté collector.
Et si, plus probablement, il s’agissait de ne mettre en avant que le chanteur, de mettre en lumière une face intime du rockeur grâce à cette belle série de photos majoritairement en noir & blanc ? A n’en pas douter, c’est cette seconde option qui a été choisie par les éditions Premium qui offrent un bel écrin aux clichés de Henry Diltz.
Les photographes font partie de la grande famille du show business, des cousins de l’ombre, souvent confinés aux coulisses ou aux abords de la scène, de plus en plus souvent pour les trois premiers titres et puis, dehors ! Mais, ils sont parfois les témoins discrets de la vie des stars en tournée ou entre deux albums. Le nom d’Henry Diltz ne vous évoque peut-être rien et pourtant, vous le connaissez. Allez chercher vos albums des Doors, prenez Morrison Hotel. C’est le résultat de son travail que vous avez devant les yeux ! Vous pouvez vérifier, c’est écrit au dos de la pochette.
Nous sommes le 17 décembre 69, au centre ville de Los Angeles ; c’est Ray Manzarek et son épouse, en ballade, qui ont trouvé le Morrison Hotel. Les USA s’engluent toujours plus au Vietnam, Charles Manson a commis les atroces meurtres qui lui valent une bien étrange postérité, Woodstock est passé et l’été de l’amour a pris du plomb dans l’aile ; les Stones ont joué à Altamont le 6 décembre avec les conséquences que l’on sait et pour les autres, il reste le filme Gimme Shelter.
Si les deux albums précédents ont pu laisser les fans sur la touche, Morrison Hotel, qui sonne le retour aux sources du blues, va connaître une franc succès. Ce choix artistique peut être comparé à un nouveau départ pour le groupe mais surtout pour Morrison, alors aux prises avec la justice, entre autre pour l’affaire du concert de Miami durant lequel il aurait exhibé son sexe.
Morrison est à la croisée des chemins. Pas encore bouffi mais plus tout à fait le Roi Lézard, poète érotico-mystique capable de tout et n’importe quoi sur scène. De tout cela, il ne veut garder et revendiquer que le titre de poète. C’est avec une certaine humilité qu’il accepte d’enregistrer à nouveau avec les Doors.
C’est d’ailleurs la grande force des photos choisies pour cet album : montrer principalement le poète, ou du moins l’homme, plutôt que la rock star provocante que l’on connaît. Il n’y a que peu de photos du groupe sur scène, l’essentiel du travail proposé ici s’apparente au travail préparatoire, à la recherche de la bonne photo. Diltz raconte qu’il était facile de travailler avec eux pourtant, en regardant les photos, on ressent une certaine distance. Je ne trouve pas beaucoup de chaleur. On y voit 4 gars se balader le long de Venice Beach, lieu de rencontre de Morrison et Manzarek quelques années plus tôt mais je n’y vois aucune forme de complicité entre eux, pas de regards croisés, pas de signes d’intelligence entre eux. Etrange sensation…
C’est pourquoi les photos Morrison Hotel sont si importantes : on y voit le groupe entouré de la foule, des petites gens, pas mal de piliers de bar dirons-nous, et ils s’y sentent bien, heureux de retrouver la simplicité de la rue qui leur est interdite depuis que la célébrité leur est tombée dessus. Et tout cela correspond à leur volonté de renouer avec le blues, loin des cuivres et de flûtes qui ont encombré leurs deux albums précédents.
Une petite note personnelle à l’attention de John Desmore, batteur du groupe : on ne met pas de sandales avec des chaussettes et un pantalon. Jamais ! D’ailleurs, on ne met pas de sandalette du tout ! Comme quoi, on peut être un excellent batteur, une star et avoir parfois des errements vestimentaires catastrophiques…
Au-delà des ces photos essentielles dans l’histoire du rock, ce sont les portraits de Morrison qui sont l’excellente idée de l’ouvrage. Je l’ai dit, il n’est pas encore bouffi mais les traits sont déjà un peu épaissis par l’alcool et les drogues diverses. Mais le regard, le regard de Morrison, pas vraiment là, dans son monde à lui. Comme l’explique Diltz, impossible de savoir à quoi il pensait. Mais ; Morrison est beau, encore beau malgré une tignasse un peu épaisse déjà parsemée de quelques cheveux gris. Mais pas la beauté dionysiaque du chamane sexuel outrancier qui baise la foule qui l’adore plutôt qu’il lui fait l’amour.
Voila le grand bonheur de cet album photo, découvrir un Jim Morrison entre deux portes. Le groupe jouera à l’ile de Wight, sorte de Woodstock européen qui vient boucler la boucle. Au moment de ces photos, il pense encore pouvoir exister en tant que poète et être édité sous son nom : James Douglas Morrison, ce qui ne se fera pas, aucun éditeur ne voulant passer à côté de l’opportunité d’éditer un livre de poésie rédigé par une rock star décadente et sulfureuse. C’est aussi cette impuissance qui l’a tué ; les drogues aussi, bien sûr, mais n’occultons pas la part de fantasme littéraire qui animait Morrison avant tout. Partir à Paris faisait partie de son fantasme mais, les fantasmes doivent-ils toujours être réalisés ?

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