Des années charnières

Journal de Gabriel Matzneff couvrant les années 1970-1973. Ce sont des années charnières dans la vie de l’écrivain car plusieurs événements surviennent qui changeront sa vie et influeront sur son destin. J’avais laissé monsieur Matzneff alors qu’il venait tout juste d’unir sa vie à sa tendre et bien-aimée Tatiana par le sacrement du mariage. Lui, si indépendant et chérissant sa liberté, s’est laissé prendre au piège suite aux nombreuses pressions de son entourage et guidé par sa foi inébranlable en l’amour qu’il éprouve envers Tatiana qu’il idéalise. Mais au fil des jours, le bonheur idyllique des premiers mois s’effrite. Le visage et le comportement de Tatiana changent brusquement. Elle réalise que son mari ne lui est pas fidèle et ne le sera jamais. Elle en devient aigrie et rongée de jalousie, elle lit son journal pour apprendre avec qui il la trompe. Elle finit par revendiquer sa liberté de femme et la rupture devient inévitable. L’élément déclencheur de cette catastrophe est un jeune collégien anglais dont le couple tombe amoureux. Tatiana veut garder pour elle le beau Mike alors que Gabriel espère vivre une relation à trois. Le mariage éclate en mille morceaux, laissant les deux époux brisés et face au défi de continuer leur vie séparés l’un de l’autre. Il y a aussi la fin de Montherlant qui se donne la mort en se tirant une balle dans la tête et la dispersion de ses cendres.

L’écrivain est dans le milieu de la trentaine. Il voyage beaucoup comme d’habitude et raconte l’Égypte, le Liban, la Syrie, Venise, Londres, la Belgique où il rend visite à son ami Hergé. L’écriture du roman « Nous n’irons plus au Luxembourg » lui demande beaucoup de travail de même que son chef-d’œuvre « Isaïe réjouis-toi ». Bref, ce sont des réflexions philosophiques et sociales, des rendez-vous troubles avec des jeunes filles et parfois de jeunes garçons, des repas bien arrosés, des bonheurs fugitifs, des peines inévitables, des révoltes, des dégoûts enfin tout ce que la vie réserve au cher homme.

Curieusement, la religion orthodoxe est moins présente. L’écrivain prend ses distances avec le milieu orthodoxe suite à l’échec de son mariage et surtout, à l’abandon qu’il éprouve devant l’indifférence de son directeur spirituel et ami qui a célébré cette union.

La maturité aidant, ce journal est celui d’un homme mûr, blessé par la vie, qui cherche le bonheur sans beaucoup espérer désormais le trouver. Le ton est tendre, mesuré et l’homme s’est forgé une carapace qui le protège des déceptions et des peines qui autrefois le bouleversaient et le précipitaient au bord du gouffre et de la tentation du suicide. Il n’évoque plus que rarement cette possibilité et trouve un certain réconfort dans la consommation de substances illicites telles que haschisch et cocaïne.

L’apothéose de ces années mouvementées réside dans la rencontre d’une adolescente de quinze ans prénommée Francesca. Ce sera le début d’une folle passion amoureuse, éclipsant toutes les autres et redonnant à Gabriel Matzneff le goût de vivre et de se battre.

Beau…

« Annotant Franz Baader, je songe que, nonobstant mon peu d’envie de les voir, il faudra que j’interroge Mgr Antoine et Mgr Pierre sur l’opportunité de demander le divorce religieux, la dissolution canonique de mon mariage. Ce sera infiniment plus douloureux que le divorce civil, mais c’est, je le crains, un acte nécessaire. Hélas ! Je croyais que le char de feu que je conduisais depuis le 8 janvier 1970 était le char d’Élie, et qu’il m’emportait au ciel ; mais ce n’était que le char de Phaéton, du présomptueux Phaéton, il s’est brisé, et moi avec lui. »

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  Élie et Phaéton [Texte imprimé], journal 1970-1973 Gabriel Matzneff

  de Matzneff, Gabriel
  la Table ronde
  ISBN : 9782710304708 ; 71,81 € ; 01/03/1991 ; 386 p. ; Broché

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