La Nouvelle Pornographie de Marie Nimier

La Nouvelle Pornographie de Marie Nimier

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Teacher, le 9 juillet 2002 (Pulnoy, Inscrit le 4 juillet 2002, 58 ans)
La note : 5 étoiles
Moyenne des notes : 6 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (43 120ème position).
Visites : 6 840  (depuis Novembre 2007)

LE NOUVEAU FEMINISME

La narratrice, Marie Nimier (homonyme de l’auteur) est un écrivain de qualité – c'est à dire qu'elle jouit d’un succès critique mais pas public- qui accepte, pour des raisons financières, d'écrire des nouvelles pornographiques à la demande d'un éditeur soucieux de renouveler le genre, de l’anoblir en créant une « nouvelle pornographie » , destinée aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Ceci va permettre à Marie Nimier (l’auteur et/ou le personnage) de théoriser sur la sexualité et la création littéraire à partir du récit de ses fantasmes, de ses expériences passées et de celles liées aux recherches documentaires sur la question et à partir du récit de ceux de sa colocataire aux mœurs plus permissifs, Aline. Elle fait le parallèle entre les deux univers (le sexe et la littérature) et elle trace une distinction entre sexualité et libido féminines/ création littéraire de qualité, tendues vers l’ambiguïté et le mystère d’une part et sexualité masculine/ création littéraire médiocre tendues vers la satisfaction primaire , immédiate et renouvelable à l’infini selon le même modèle d’autre part. Ce qui nous vaut un avant dernier chapitre d'une très grande beauté où l'on voit le processus créatif à l’oeuvre, cet élan qui est un mélange subtil et mystérieux de sensations liées à la fois à l’imaginaire et à la réalité, à l’instant de l'écriture, au passé et au futur fantasmé sans que l’on ne puisse distinguer la part effective des uns ou des autres.
Pourtant, on est un peu déçu à la lecture de ce roman car Marie Nimier semble vouloir donner du sens à tout, et notamment un sens féministe où tout n’est que domination masculine et exploitation capitaliste. Même son humour (très efficace par ailleurs) s'échoue sur les rives du sérieux. Il en ressort un manque d’authenticité et un refus de se livrer totalement, la confession intime étant trop polluée par des considérations féministes et politiques. On a l’impression de lire un essai ou une réflexion , certes dans un beau style littéraire, plutôt qu'un roman. Et, si dans le dernier chapitre, Marie Nimier semble se rappeler qu'il s’agit ici d'un roman en revenant à une intrigue qu’elle relance avec un coup de théâtre, ceci n'est motivé que par la volonté d'illustrer son propos : à savoir que les femmes sont motivées par l’amour et son mystère. Du coup, on retombe dans un propos bien conventionnel. On peut lui préférer le radicalisme et la sincérité d'une Catherine Millet qui explore sa sexualité sans a priori et sans discours pré-établi.

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Les éditions

  • La nouvelle pornographie [Texte imprimé] Marie Nimier
    de Nimier, Marie
    Gallimard / Collection Folio
    ISBN : 9782070422906 ; 6,30 € ; 31/03/2002 ; 188 p. ; Poche
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Bribes de roman, habillées d'un long commentaire sur la pornographie

4 étoiles

Critique de Leroymarko (Toronto, Inscrit le 19 septembre 2008, 51 ans) - 3 septembre 2009

Je n’ai pas vraiment apprécié ce livre, même si j’ai trouvé certains passages intéressants. Ce va-et-vient (sans vouloir faire de jeu de mots facile) entre le passé et le présent, entre l’inventé et le soi-disant réel, entre différentes situations, donne des maux de tête. Et certains passages sont carrément ennuyeux. Et que dire de ces paragraphes à ne plus finir qui contiennent 42 idées. Très peu pour moi…

Pourtant, certaines pages se dévorent. Celles, entre autres, vers la fin, sur les frontières de la pornographie qui sont toujours repoussées : «L’entreprise est juteuse, il faut taper fort, de plus en plus fort pour vider les bourses, car l’esprit des clients se blinde à force d’être sollicitée. La marge n’est plus dans la marge, voilà ce qui me saute aux yeux en cette journée d’automne qui flirte avec l’hiver, elle occupe le plein des pages, elle remplit les comptes en banque, et s’il reste encore un territoire préservé, un territoire que la pornographie fuit comme la peste, c’est cette disposition universelle du cœur qui commence par la première lettre de l’alphabet». (p. 170) D’ailleurs, Marie Nimier mélange commentaire et roman et ce, plus au moins adroitement.

Verdict : j’ai pas tout à fait l’impression d’avoir perdu mon temps. Le livre fournit quand même matière à réflexion. Pas sûr toutefois de la vision féministe dont d’autres ont parlé. C’est pas parce qu’une femme écrit sur la sexualité que celà en fait nécessairement un roman féministe. Bref, un livre que je ne peux pas vraiment recommander.

Le bon vieil érotisme

7 étoiles

Critique de Bolcho (Bruxelles, Inscrit le 20 octobre 2001, 76 ans) - 8 mai 2008

J’avoue ne pas trop savoir si j’ai apprécié ou non. L’impression que j’ai trouvé des tas de choses curieuses, amusantes, intelligentes, mais aussi pas mal d’ennui.
Féministe ? Pas vraiment je trouve ; je dirais même pas assez, à moins que l’on décrète qu’il est féministe de parler des choses du sexe quand on est femme…
Allez, disons ce qui a plu.

Le plaisir d’utiliser/ne pas utiliser les mots qui font la pornographie :
- « (…) je ne sais si je peux avouer qu’il m’encule, ou qu’il m’encolle comme le suggère le correcteur orthographique de mon ordinateur (…) »
- « (…) l’index enfonçant une valve imaginaire. Une vulve, lus-je sur l’écran, et pourtant je n’avais rien fumé. »
- et bien sûr le jeu sur la vierge et la verge…

Les notations politiques au passage. Par exemple, ce constat que les mots qui ornaient les banderoles des manifs en sont aujourd’hui arrivés à vanter les mérites des appareils électroménagers. Un aspirateur à manche « solidaire ». Une friteuse en toute « liberté » après la table à repasser « révolutionnaire ».
On pourrait sans doute en trouver bien d’autres.

Sur les hommes mariés qui font un extra.
« Ils tournent les talons dès qu’ils ont émis leur pissette », « après avoir levé la patte, ils disent en tordant la bouche : mon travail, mes obligations… », « Tu comprends ». Oui, « on comprend tout à deux heures du matin quand les hommes s’en vont la queue basse, on compatit en pensant à l’épouse, on les plaindrait presque d’avoir un mari si lâche »

Sur l’ambiguïté de la pornographie. D’une part, elle permet aux hommes de se rassurer en réduisant « les attributs féminins à l’état de barbaque », mais aussi, ces gros plans révèlent « la dimension sublime de nos corps, leur dimension sacrée, sans maquillage putassier, sans déguisement avilissant ni vaseline sur l’objectif ». « Le jeune garçon qui connaîtra ses premières émotions sexuelles en regardant ces images n’aura-t-il pas une approche moins stéréotypée de l’amour que s’il s’excite devant une pin-up aux lèvres siliconées ? Toutes les femmes n’ont pas un joli nez, une bouche pulpeuse, des seins en obus, un ventre plat, des jambes fuselées mais toutes ont un sexe en creux. C’est notre bien commun (…) ».
Voilà pour l’ambiguïté du porno.

Mais elle peut aussi être sévère.
Elle parle de « films crétins pour l’absolue majorité, avec des filles qui chuintent dès qu’on leur met la main au panier, quelle éducation lamentable, comment voulez-vous que les hommes s’occupent bien de nous, après ça (…) ? ».
Un constat : « s’il reste encore un territoire que la pornographie fuit comme la peste, c’est cette disposition universelle du cœur qui commence par la première lettre de l’alphabet ».

Et pour finir, je me suis dit (comme le montre le livre je pense) que c’était une gageure de créer une pornographie qui puisse séduire les hommes et les femmes. Surtout les femmes. Ce qui ressemble le plus au porno chez les femmes, c’est de toute façon quelque chose de plus mental : de l’anti-porno en quelque sorte…

Porno graphie

9 étoiles

Critique de Vigno (, Inscrit le 30 mai 2001, - ans) - 15 octobre 2005

Teacher a très bien résumé le projet de Marie Nimier, à ceci près. Je ne vois pas très bien où il a pigé cette distinction très marquée entre sexualité/création masculine pauvre et sexualité/création féminine riche. Il me semble que le tout est présenté avec tellement plus de nuances et de vérités.

Qu'il y ait une vision féministe dans ce roman, c'est tant mieux. Pourquoi les femmes n'auraient-elles pas leur mot à dire sur la pornographie? Bien sûr que ce roman lorgne plus souvent qu'autrement du côté de l'essai, mais encore une fois, n'est-ce pas le signe d'une écriture moderne, qui transcende les genres?

Je suis très admiratif de ce roman. J'aime l'écriture foisonnante, l'intelligence et la sensibilité du propos, l'humour et la critique sociale, et même cette fin qui n'est pas si féminine que le prétend Teacher.

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