Les quatre morts de Jean de Dieu de Andrée Chedid

Les quatre morts de Jean de Dieu de Andrée Chedid

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Pieronnelle, le 25 août 2011 (Dans le nord et le sud...Belgique/France, Inscrite le 7 mai 2010, 76 ans)
La note : 10 étoiles
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Quatre morts pour une vie!

C’est l’histoire de Jean de Dieu. Dieu, quel prénom pourrait-on dire ! Simplement né un 8 mars 1915, jour de la saint Jean de Dieu, ce petit berger portugais qui s’était consacré à réformer les conditions inhumaines dans lesquelles étaient soignés les malades.
C’est l’histoire d’un homme à travers les étapes de sa vie. Rien d’original en cela sauf que cette histoire est racontée par Andrée Chédid et que, à chaque page, on a envie de se rappeler de tout… Style franc et direct mais avec des mots et surtout des réflexions choisis, telle que :
« Jeune, on avance en bougeant à peine. A partir d’un certain âge, la vie devient un tapis roulant qui s’est inversé et sur lequel il faut marcher de plus en plus vite pour ne pas reculer »
Quatre morts ! Mais combien de vies !! De l’enfance à la fin, poignante, en passant par les étapes des engagements, des illusions, des expériences et surtout de la mort. Car on le sait dès le début, Jean va mourir, comme tout le monde ; ce sera la quatrième mort après en avoir vécu trois autres qui lui auront permis de construire sa vie, ces morts étant :
La perte de la foi catholique
« Une lente et longue agonie » , l’exil de sa terre natale l’Espagne en 1936 et l’enterrement de son idéal communiste (chute du mur)
La maladie qu’il nommera « la salope ».

De beaux personnages constitueront le socle de son parcours :
En Espagne, au cours de son enfance et adolescence :
Le père Amédée, ce curé pas comme les autres, au « gabarit de vieil athlète » qui n’hésitait pas à « commenter le précepte évangélique avec un libéralisme incroyable»
José, l’anarchiste révolutionnaire communiste, ébéniste, cet homme pur qui lui donnera un métier et surtout un idéal qu’il saura adapter tout au long de son existence en fonction des évènements (stalinisme, chute de l’Urss..).
A Paris, après avoir fuit le régime de Franco :
Manuel Luis Garcia, éditeur, typographe, avec lequel il travaillera et qui « allait l’infecter de littérature pour le reste de sa vie » et surtout lui fera connaitre Thésard, vieux philosophe poète qu’il appellera son troisième père et qui l’accueillera en proclamant : « salut à vous, l’ouvrier total qui connaissez les hommes lettre par lettre » !
Et bien sûr Isabelita, celle qui deviendra sa femme et qui l’accompagnera, avec un amour infini, jusqu’au bout de son chemin.

C’est une histoire simple qui prend une autre dimension grâce à l’écriture d’Andrée Chedid, cette poétesse remarquable, qui sait nous rendre Jean étrangement familier avec une finesse et une sensibilité particulière. Car Jean c’est Elle, c’est Nous , c’est aussi notre chemin jalonné de bonheurs, d’épreuves dont celle, particulièrement éprouvante, de la maladie. La narration n'est pas linéaire, les retours en arrière arrivent de façon naturelle comme un cheminement de pensée. Et la fin est extrêmement belle et poétique.
Ne craignez rien, ce livre n’est pas triste, simplement il nous touche parce que tout y est dit avec justesse, profondeur, humanité et beaucoup de poésie et de philosophie. La philosophie humaniste d’une grande dame qui s’éteindra le 6 février 2011 nous laissant de merveilleuses œuvres poétiques.

« Tout en éprouvant encore de la méfiance vis-à-vis de ces religions qui avaient enfanté des guerres, des inquisitions et des fanatismes, Jean de Dieu s’était peu à peu découvert un regard moins intolérant, se persuadant qu’il fallait laisser à chacun la possibilité de choisir son destin.(…) Son propre chemin néanmoins, lui semblait clairement tracé. Le sentier qui menait jadis à l’Eglise de Moscou à travers la neige immaculée de son idéologie était à présent couvert de boue et de sang. Mais le mythe communiste avait au moins l’avantage de ne pas prétendre à la perfection divine. Ce n’était, après tout, qu’une histoire d’hommes. Jean avait décidé de poursuivre sa route et de ne pas s’en laisser conter. De toute façon l’énigme de la vie lui paraissait insoluble. Ainsi soit-il ».

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Les éditions

  • Les quatre morts de Jean de Dieu [Texte imprimé], roman Andrée Chedid
    de Chedid, Andrée
    Flammarion
    ISBN : 9782081233515 ; 17,30 € ; 01/01/2010 ; 192 p. ; Broché
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