Faire l'amour de Jean-Philippe Toussaint

Faire l'amour de Jean-Philippe Toussaint

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Miller, le 21 septembre 2002 (STREPY, Inscrit le 15 mars 2001, 68 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 11 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 753ème position).
Visites : 6 218  (depuis Novembre 2007)

La dernière dernière fois

Jean- Philippe Toussaint ou l’art du subtil.
Toussaint est l'auteur de La Salle de bain (1985), Monsieur (1986), L'Appareil-photo (1989), La Réticence (1991), La Télévision (1997) et Autoportrait (à l'étranger) (2000) ; tous parus aux éditions de Minuit. Il a réalisé trois films pour le cinéma : Monsieur (1989), La Sévillane (1992) et La Patinoire (1999), avec Tom Novembre, Mireille Perrier, Dolorès Chaplin, Bruce Campbell, Marie-France Pisier, Jean-Pierre Cassel. Sa première exposition de photos a eu lieu à Bruxelles en 2000, où il vit. Ses livres sont traduits en plus de vingt langues. Et c'est au Japon qu'il cartonne. C’est d’ailleurs à Tokyo qu’il a situé l'histoire de Faire l'amour Le personnage et sa compagne arrivent donc à Tokyo pour faire l'amour une dernière fois. Une dernière dernière fois, puisque lorsque rien ne va plus dans un couple, ou plutôt que ça va moins bien,
ce n'est pas toujours la toute dernière fois lorsqu'on fait l'amour pour la dernière fois, on y repose le couvert, une dernière fois. Ajoutons que le narrateur ne se sépare jamais d'une fiole d'acide chlorhydrique. C’est la première fois que Toussaint ajoute des thèmes aussi durs et corrosifs à la belle subtilité qui habitait ses autres romans. Faire l’amour raconte d'une séparation dans un réalisme sentimental, gestuel. Accrochez-vous ! Marie, la compagne du narrateur est modiste et plasticienne, ils se quittent. Un certain sado-masochisme qui, même stylisé, est un peu gênant pour un lecteur qui ne sent pas en phase avec ce mode de fonctionnement. Mais il y a chez Toussaint cette fabuleuse subtilité, présente dans toute son oeuvre. Et qu'on retrouve dans cet extrait : « Nous nous étions pas embrassés tout de suite cette nuit-là. Non, pas tout de suite. Mais qui n'aime prolonger ce moment délicieux qui précède le premier baiser, quand deux êtres qui ressentent l'un pour l'autre quelque inclination amoureuse ont déjà tacitement décidé de s'embrasser, que leurs yeux le savent, leurs sourires le devient que leurs lèvres et leurs mains le pressentent, mais qu’il diffèrent encore le moment d’effleurer tendrement leurs bouches pour la première fois ? ».

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Les histoires d’amour ça finit mal en général

7 étoiles

Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 19 octobre 2014

Ecriture peu banale que présente cette œuvre au titre accrocheur. L’histoire ne dure que deux trois jours dans un Tokyo embrumé et froid ; deux êtres à la dérive après sept ans d’une liaison qui semble devoir se terminer. Ils ont tiré leurs conclusions sans pour autant encore les accepter.

Deux êtres qui se sont attirés l’un vers l’autre et qui au bout d’un temps ne sont restés ensemble que par paresse. Faire l’amour, c’est justement quelque chose qu’on fait sans amour, par habitude ou parce qu’on a besoin de ne pas rester seul.

Un roman qui m’a fait penser aux ouvrages de Christian Oster, certes ici avec une écriture un peu plus recherchée mais qui interpelle le lecteur de la même manière, le laissant comme nu face à son malaise.

Une œuvre qui vaut donc surtout pour son style et sa capacité à traduire l’ambiance sombre de l’histoire.

Cela donne envie de découvrir d'autres ouvrages de l'auteur.

Toussaint ou le plaisir de lire

10 étoiles

Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 13 janvier 2014

J'ai éprouvé le même plaisir intense à lire ce livre que lorsque j'avais découvert cet auteur avec "La télévision". J'ai trouvé dans ce roman une union parfaite entre l'histoire (qui est poignante), le décor (Tokyo en hiver) et la beauté de l'écriture qui donne envie de lire et relire (aussi à haute voix) les longues descriptions minutieuses qui font surgir des images.

J'aime énormément le ton de ce narrateur pensif et un peu en retrait, un ton à travers lequel des brasses dans une piscine prennent la dimension d'une réflexion métaphysique. C'est une qualité très présente aussi dans "la télévision", car à travers ces descriptions ou ces petites choses futiles, on a l'impression de toucher quelque chose de plus grand, notre essence même. A ce titre, le passage dans la piscine du début, sur le toit de l'hôtel est incroyable. A l'instar du héros de Mishima dans le "Pavillon d'or" qui regarde la tempête menacer le temple et encourage le vent de ses voeux ("plus vite, plus fort"), le narrateur de Toussaint appelle de ses voeux le grand tremblement de terre qui symboliserait la fin de son amour et on reste désemparé, déséquilibré, presque perdu.

Avec ce roman, l'auteur change de registre dans le sens qu'il quitte le ton humoristique de ses romans précédents, mais son humour est toujours bien présent (l'accueil par l'attachée de presse à l'hôtel !). Le narrateur laisse aussi plus de place à un autre personnage, Marie, terriblement attachante. Les couleurs, des néons, du ciel, des taches de soleil, reviennent constamment ainsi que les personnages pensifs (si je continue à lire Toussaint, ce que je vais faire bien sûr, je risque de finir par passer ma vie à ruminer derrière une fenêtre !). Bref je suis complètement sous le charme.

Ennuyeux

3 étoiles

Critique de Sundernono (Nice, Inscrit le 21 février 2011, 41 ans) - 14 mars 2013

Lorsque l'envie me vient très tôt d'abandonner une lecture, c'est mauvais signe, très mauvais même à vrai dire.
Mais je me suis entêté, et m'y suis repris à trois fois pour le finir.
Le cap des 50 premières pages fut vraiment pénible à franchir: lenteur de l'action, répétitions, style moyen moins, personnages plats et énervants (Marie qui pleure tout le temps...), bref un plaisir de lecture proche du néant...
Cependant une fois ce cap franchi, l'auteur donne un peu de peps à son récit, l'histoire entre le narrateur et sa future ex-compagne s'envole légèrement, un semblant d'intérêt semble se dessiner, bref un peu de lumière au bout d'un long tunnel d'ennui.
Puis vient la fin, abrupte, sèche...
Autre déception , j'ai été influencé par le lieu où se déroule l'action, Tokyo, que j'ai trouvée mal retranscrite par l'auteur...
Non vraiment je ne conseillerais pas ce roman, même si après tout il en faut pour tous les goûts.

L' art de la rupture

8 étoiles

Critique de Amy37 (Tours, Inscrit le 13 octobre 2011, 39 ans) - 8 novembre 2011

Le Japon, ses cerisiers, sa jeunesse excentrique et désenchantée, une atmosphère envoûtante qui m'a immédiatement séduit.
Les relations sentimentales, un thème bien souvent traité mais rarement de façon aussi subtile et élégante que par J.P Toussaint.
Un auteur qui a fait ses preuves à maintes reprises par le passé.
Je ne saurais que trop vous conseiller cette lecture arrivée à un moment opportun de ma vie...

Crépuscule japonais

9 étoiles

Critique de Nothingman (Marche-en- Famenne, Inscrit le 21 août 2002, 44 ans) - 28 janvier 2006

Tokyo, un couple. Le narrateur accompagne Marie, sa compagne depuis sept ans, dans un séjour professionnel au Japon. Marie est styliste et doit y présenter une exposition d'art contemporain. Un narrateur que l'on suit de la sortie du taxi jusqu'à la chambre d'hôtel où ils vont faire l'amour pour la dernière fois. Un couple qui se délite donc, qui rompt petit à petit. Un couple qui évolue douloureusement dans la nuit japonaise. Une dernière étreinte éclairée par les lumières froides et bleutées des néons extérieurs. Ils s'enlacent une dernière fois donc, pour mieux se défaire. "Faire l'amour", un titre paradoxal, pour un livre à ce point empli de solitude. Ils font l'amour certes mais ne sont déjà plus ensemble. Ils courent main dans la main, en chaussons, dans les rues mouillées de Tokyo, mais on sent que les directions sont déjà opposées. Un roman mélancolique et triste où l'eau est omniprésente : les larmes de Marie, la pluie diluvienne qui s'abat sur la ville, une baignade improbable au milieu de la nuit, dans la piscine du dernier étage de l'hôtel.

Jean-Philippe Toussaint quitte avec ce roman, tout en psychologie, le registre ironique qu'il avait adopté dans "La télévision". Il opte ici pour une plongée dans les pensées de son narrateur, confronté à la fin d'une liaison, à la solitude qui s'installe déjà. Mais toujours chez Toussaint, ce sens du détail, de l'image qui se développe par petites touches fugaces. Très beau roman !

L'état de rupture

8 étoiles

Critique de Kinbote (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans) - 11 juillet 2003

Jean-Philippe Toussaint qui écrit à la page 129 : « …rompre, je commençais à m’en rendre compte, c’était plutôt un état qu’une action, un deuil qu’une agonie.» (phrase aussi relevée par Lucien) propose un angle de vue sur son roman.
Rupture de l'acte d’amour (le « coïtus interruptus » du début) qui marque la fin du sentiment amoureux, rupture de la plaque tellurique, rupture du continuum-temps (la confusion des heures comme conséquence du changement horaire), rupture du jour et de la nuit (plusieurs fois le narrateur traverse ces passages), défaillance (rupture interne) des systèmes de climatisation qui provoque les rhumes, du système de régulation des émotions qui provoque les larmes… Le narrateur « quitte » Marie sur des monochromes blancs (ceux des écrans de contrôle donnant sur les salles du musée désert) et fait son deuil d'elle sur des monochromes noirs (les mêmes écrans de contrôle donnant sur les mêmes espaces intérieurs mais vus de nuit), après quoi la présence de Marie ne peut plus être que virtuelle, de l’ordre, au mieux, du souvenir; au pire, de l’hallucination...
L’obsession du blanc et du noir (récurrente depuis toujours dans les livres de Toussaint; ses premiers films aussi !) parfois coupées d’une nuance de rouge (la teinte du crépuscule). Ces "couleurs" qui marquent les bornes du spectre de la lumière, l’une résultant de la superposition de toutes les couleurs, l’autre sanctionnant leur absence… Et la fleur, symbole par excellence de la couleur, désintégrée par l’acide chlorhydrique qui, au contact de toute chose, provoque un nuage de fumée.
Et tout ceci, ironiquement, sur fond d’enchevêtrement de voies de transport, de fils, et de pinceaux lumineux figurant illusoirement un réseau d’interconnexions infinies entre les êtres et les choses.

Le flacon d'acide ouvre le livre, et il le ferme. Figure du chiasme comme dans la chanson des Beatles : « All you need is love & love – love is all you need » - qui retient mentalement le narrateur de la perte de conscience dans le train blanc qui le ramène de Kyo-to à To-kyo. Avec l'amour au centre de tout.
Dans cette perspective très physique de la rupture comme étirage maximal d’un fil, torsion démesurée d’une matière, le « faire » de « faire l'amour » peut se comprendre comme l’épuisement, fatal plus que dramatique, d'un sujet (ou plutôt deux), d’un sentiment, jusqu’à la corde.
Celle qui nous retient de verser dans l'extrême solitude qui est comme notre flux continu commun ne demandant qu’à être, parfois, interrompu.
Nul doute que ce roman de Toussaint, le plus grave, marque la fin d'un cycle et annonce un autre registre. A ceux qui ne connaissent pas cet auteur, je les inviterais à le découvrir par le plus pétillant et novateur de ses opus, et qui fut aussi le premier : « La Salle de bain ».

Dé-pri-mant...

5 étoiles

Critique de Darius (Bruxelles, Inscrite le 16 mars 2001, - ans) - 11 décembre 2002

L'espace d’un instant, j’ai eu l’illusion d'être la première à avoir lu ce bouquin pour le site. Mais j'ai vite déchanté : les plus grands s’y étaient déjà frotté… Je n’ai pas lu leur avis pour ne pas subir leur influence, j’en prendrais connaissance après avoir lancé le mien… J'ai cogité une partie de la nuit avant de décider, définitivement, que l'histoire ne me plaisait pas, que les personnages ne me convenaient pas, que je ne les voudrais ni comme amis et encore moins comme amants, qu'ils étaient tous deux antipathiques, atteints de ce genre de snobisme que je fuis comme la peste.. Reste l’écriture, bien sûr ! Encensée par tous, par les plus grands, par "le Monde" donc, de quel droit m’en plaindrais-je ? C'est vrai, il y a une ambiance, une atmosphère, mais j'ai relevé quelques imperfections, des mots mal choisis, une application de l’auteur à vouloir bien faire, bien dire, à utiliser toute la panoplie de trucs qu'on apprend aux ateliers d'écriture (hé oui, j'en fais un moi-aussi, et je découvre bien des choses…)
C'est l'histoire d’une rupture qui n’en finit pas de se rompre, donc rien de folichon, rien qui puisse vous réjouir. Par-dessus le marché, il pleut, il neige, il fait froid et comble de malheur, l’héroïne est une vraie madeleine, ses glandes lacrymales transforment en fontaine tout ce qui la guette. Lui, l'autre héros, il la suit partout comme son chien – ils sont pourtant d'accord là-dessus, ils vont se quitter – mais non, il faut qu’il la suive jusqu’à Tokyo ..
Au Japon ! Non, mais. Je comprends qu’on puisse se dire adieu à Clermont-Ferrand lorsqu’on vit à Paris, mais s'embarquer dans un vol qui fait le tour du monde avec une bonne femme qu'on a décidé de quitter, faut vraiment aimer gaspiller son temps et… son argent. Et puis, sur place, on vit comme une épave, on ne veut pas embrasser, on fait semblant de faire l'amour, puis on rate son coup, on pique ses crises d'autorité "Qui c'est qui va ramasser le parapluie qui est tombé ? C’est pas moi… ", on tombe malade, on a envie de balancer de l'acide chlorhydrique dans la gueule de quelqu’un, mais on ne sait pas encore quel Japonais va en prendre plein la figure.
Finalement, la victime sera une pauvre fleur qui était là, sur le chemin, "qui se contracta dans un nuage de fumée et une odeur épouvantable. Il ne restait plus rien, qu'un cratère qui fumait dans la faible lumière du clair de lune, et le sentiment d’avoir été à l’origine de ce désastre infinitésimal."

Un grand merci à Miller et Lucien ...

10 étoiles

Critique de Tophiv (Reignier (Fr), Inscrit le 13 juillet 2001, 49 ans) - 13 novembre 2002

C'est un livre qui m'a beaucoup touché. On a l'impression que Jean Philippe Toussaint a vécu ce qu'il écrit et qu'il a dessiné ce roman d'un seul jet rapide et long, laissant s'évader ses sentiments.
Avec ses phrases longues et pourtant rythmées, il réussit de façon très visuelle à nous emporter dans cette ambiance particulière, dans cette torpeur douloureuse et intemporelle de la rupture, comme dans une image un peu floue dont on ne sait plus si on l'a vécue ou rêvée.
De son texte formidable, de la beauté de ses mots, ressort une sorte de poésie mélancolique. Elle nous raconte la désorientation de la séparation naissante où seul le désir permet encore d'oublier un instant les craquelures et les plaies. Elle nous raconte aussi cette désintoxication progressive de l'autre où chaque séparation est insupportable et chaque retrouvaille ramène à la réalité de la fin inéluctable de cet amour dont il ne restera que des souvenirs forcément plus forts que les moments à venir. Elle nous ramène à nos propres chagrins, aux moments où l'on s'est aperçu qu'on ne pouvait plus faire l'effort qui cicatriserait nos disputes.
Bref, un roman formidable et la nuit et les couleurs de Tokyo qui resteront gravées dans ma mémoire aussi nettement que si mes yeux les avaient contemplées.
Je ne résiste pas à l'envie de vous soumettre, moi aussi, une petite phrase du livre :
« Il y avait ceci, maintenant, dans notre amour, que, même si nous continuions à nous faire dans l'ensemble plus de bien que de mal, le peu de mal que nous nous faisions nous était devenu insupportable.»
Et pour finir, un grand merci à Miller et Lucien, car ce sont eux qui m'ont donné envie de découvrir ce roman et cet auteur (mon premier auteur belge!).

Rompre : plutôt un deuil qu'une agonie

9 étoiles

Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 69 ans) - 13 octobre 2002

Il y a du "Nouveau Roman" dans ce Toussaint. Déjà, c'est Minuit. Le ton Minuit, la mise en page Minuit. Et surtout cette errance d'un couple dans la nuit japonaise. Ce couple qui refait une dernière fois l'amour alors que l'amour, peut-être, est déjà mort. Il y a de l'"Hiroshima mon amour" dans cette fuite en avant, dans ces gros plans sur les peaux en sueur, dans cet excès de fatigue, dans ce départ impossible. Et puis les phrases, longues, lentes, sinueuses, avec ces enchaînements de relatives, et ce magique plus-que-parfait qui dit c'est fini, c'est déjà loin tout ça, juste quelques traces, juste quelques graffiti sur les murs sales de la mémoire. Il y a de la musique de Butor dans ces phrases tournées comme une pâte dans un plat. Du Butor de "la Modification" surtout dans la deuxième partie, quand le narrateur se retrouve seul avec ce flacon d'acide chlorhydrique pour blesser qui, pour brûler quels yeux? Le narrateur qui sait qu'il faudrait rompre et qui sait déjà que rompre, c'est "plutôt un état qu'une action, un deuil qu'une agonie." Ne pas oublier les personnages secondaires - si importants! - que sont Tokyo, la neige et le tremblement de terre. Tokyo entre la neige qui s'abat du ciel et le tremblement de terre qui monte des profondeurs. Tokyo pris entre deux feux, entre deux pièges, comme cet amour condamné à mort : "Et cette neige me paraissait être une image du cours du temps - quand elle traversait la clarté d'un réverbère, les flocons tourbillonnaient un instant dans la lumière comme un nuage de sucre glace dissipé par un souffle invisible et divin - et, dans l'impuissance immense que je ressentais à ne pouvoir empêcher le temps de passer, je pressentis alors qu'avec la fin de la nuit se terminerait notre amour." "Et, tandis que, le coeur serré, je la regardais pleurer en face de moi dans son fauteuil, je savais que c'était l'évocation du tremblement de terre qui les avait provoquées, car le tremblement de terre était maintenant indissolublement lié pour nous à la fin de notre amour."
Oui, du bon travail, Toussaint. Dommage qu'on ne puisse pas en dire autant du correcteur, nul comme beaucoup de ses pairs, qui laisse passer une dizaine de monstrueuses coquilles. Même chez Minuit...

Le premier baiser est déjà une mort

8 étoiles

Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 69 ans) - 24 septembre 2002

Très belle, cette phrase à propos du premier baiser qui clôt la critique de Miller. Influence consciente, réminiscence inconsciente ou redécouverte? Elle me rappelle ce magnifique passage de Proust où Swann retarde le moment d'embrasser Odette pour la première fois car il sait obscurément que quelque chose va mourir alors. Que quelque chose va mourir déjà :
"Elle semblait avoir besoin de toute sa force pour retenir son visage, comme si une force invisible l'eût attiré vers Swann. Et ce fut Swann qui, avant qu'elle le laissât tomber, comme malgré elle, sur ses lèvres, le retint un instant, à quelque distance, entre ses deux mains. Il avait voulu laisser à sa pensée le temps d'accourir, de reconnaître le rêve qu'elle avait si longtemps caressé et d'assister à sa réalisation, comme une parente qu'on appelle pour prendre sa part du succès d'un enfant qu'elle a beaucoup aimé. Peut-être aussi Swann attachait-il sur ce visage d'Odette non encore possédée, ni même encore embrassée par lui, qu'il voyait pour la dernière fois, ce regard avec lequel, un jour de départ, on voudrait emporter un paysage qu'on va quitter pour toujours."

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