Faire l'amour de Jean-Philippe Toussaint
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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La dernière dernière fois
Jean- Philippe Toussaint ou l’art du subtil.
Toussaint est l'auteur de La Salle de bain (1985), Monsieur (1986), L'Appareil-photo (1989), La Réticence (1991), La Télévision (1997) et Autoportrait (à l'étranger) (2000) ; tous parus aux éditions de Minuit. Il a réalisé trois films pour le cinéma : Monsieur (1989), La Sévillane (1992) et La Patinoire (1999), avec Tom Novembre, Mireille Perrier, Dolorès Chaplin, Bruce Campbell, Marie-France Pisier, Jean-Pierre Cassel. Sa première exposition de photos a eu lieu à Bruxelles en 2000, où il vit. Ses livres sont traduits en plus de vingt langues. Et c'est au Japon qu'il cartonne. C’est d’ailleurs à Tokyo qu’il a situé l'histoire de Faire l'amour Le personnage et sa compagne arrivent donc à Tokyo pour faire l'amour une dernière fois. Une dernière dernière fois, puisque lorsque rien ne va plus dans un couple, ou plutôt que ça va moins bien,
ce n'est pas toujours la toute dernière fois lorsqu'on fait l'amour pour la dernière fois, on y repose le couvert, une dernière fois. Ajoutons que le narrateur ne se sépare jamais d'une fiole d'acide chlorhydrique. C’est la première fois que Toussaint ajoute des thèmes aussi durs et corrosifs à la belle subtilité qui habitait ses autres romans. Faire l’amour raconte d'une séparation dans un réalisme sentimental, gestuel. Accrochez-vous ! Marie, la compagne du narrateur est modiste et plasticienne, ils se quittent. Un certain sado-masochisme qui, même stylisé, est un peu gênant pour un lecteur qui ne sent pas en phase avec ce mode de fonctionnement. Mais il y a chez Toussaint cette fabuleuse subtilité, présente dans toute son oeuvre. Et qu'on retrouve dans cet extrait : « Nous nous étions pas embrassés tout de suite cette nuit-là. Non, pas tout de suite. Mais qui n'aime prolonger ce moment délicieux qui précède le premier baiser, quand deux êtres qui ressentent l'un pour l'autre quelque inclination amoureuse ont déjà tacitement décidé de s'embrasser, que leurs yeux le savent, leurs sourires le devient que leurs lèvres et leurs mains le pressentent, mais qu’il diffèrent encore le moment d’effleurer tendrement leurs bouches pour la première fois ? ».
Les éditions
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Faire l'amour [Texte imprimé] Jean-Philippe Toussaint
de Toussaint, Jean-Philippe
les Éditions de Minuit
ISBN : 9782707318008 ; 14,20 € ; 30/08/2002 ; 192 p. ; Broché -
Faire l'amour [Texte imprimé] Jean-Philippe Toussaint... [postface de] par Laurent Demoulin
de Toussaint, Jean-Philippe Demoulin, Laurent (Postface)
les Éditions de Minuit / Double
ISBN : 9782707320940 ; 7,00 € ; 17/09/2009 ; 160 p. ; Broché
Les livres liés
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Les critiques éclairs (10)
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Les histoires d’amour ça finit mal en général
Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 19 octobre 2014
Deux êtres qui se sont attirés l’un vers l’autre et qui au bout d’un temps ne sont restés ensemble que par paresse. Faire l’amour, c’est justement quelque chose qu’on fait sans amour, par habitude ou parce qu’on a besoin de ne pas rester seul.
Un roman qui m’a fait penser aux ouvrages de Christian Oster, certes ici avec une écriture un peu plus recherchée mais qui interpelle le lecteur de la même manière, le laissant comme nu face à son malaise.
Une œuvre qui vaut donc surtout pour son style et sa capacité à traduire l’ambiance sombre de l’histoire.
Cela donne envie de découvrir d'autres ouvrages de l'auteur.
Toussaint ou le plaisir de lire
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 13 janvier 2014
J'aime énormément le ton de ce narrateur pensif et un peu en retrait, un ton à travers lequel des brasses dans une piscine prennent la dimension d'une réflexion métaphysique. C'est une qualité très présente aussi dans "la télévision", car à travers ces descriptions ou ces petites choses futiles, on a l'impression de toucher quelque chose de plus grand, notre essence même. A ce titre, le passage dans la piscine du début, sur le toit de l'hôtel est incroyable. A l'instar du héros de Mishima dans le "Pavillon d'or" qui regarde la tempête menacer le temple et encourage le vent de ses voeux ("plus vite, plus fort"), le narrateur de Toussaint appelle de ses voeux le grand tremblement de terre qui symboliserait la fin de son amour et on reste désemparé, déséquilibré, presque perdu.
Avec ce roman, l'auteur change de registre dans le sens qu'il quitte le ton humoristique de ses romans précédents, mais son humour est toujours bien présent (l'accueil par l'attachée de presse à l'hôtel !). Le narrateur laisse aussi plus de place à un autre personnage, Marie, terriblement attachante. Les couleurs, des néons, du ciel, des taches de soleil, reviennent constamment ainsi que les personnages pensifs (si je continue à lire Toussaint, ce que je vais faire bien sûr, je risque de finir par passer ma vie à ruminer derrière une fenêtre !). Bref je suis complètement sous le charme.
Ennuyeux
Critique de Sundernono (Nice, Inscrit le 21 février 2011, 41 ans) - 14 mars 2013
Mais je me suis entêté, et m'y suis repris à trois fois pour le finir.
Le cap des 50 premières pages fut vraiment pénible à franchir: lenteur de l'action, répétitions, style moyen moins, personnages plats et énervants (Marie qui pleure tout le temps...), bref un plaisir de lecture proche du néant...
Cependant une fois ce cap franchi, l'auteur donne un peu de peps à son récit, l'histoire entre le narrateur et sa future ex-compagne s'envole légèrement, un semblant d'intérêt semble se dessiner, bref un peu de lumière au bout d'un long tunnel d'ennui.
Puis vient la fin, abrupte, sèche...
Autre déception , j'ai été influencé par le lieu où se déroule l'action, Tokyo, que j'ai trouvée mal retranscrite par l'auteur...
Non vraiment je ne conseillerais pas ce roman, même si après tout il en faut pour tous les goûts.
L' art de la rupture
Critique de Amy37 (Tours, Inscrit le 13 octobre 2011, 39 ans) - 8 novembre 2011
Les relations sentimentales, un thème bien souvent traité mais rarement de façon aussi subtile et élégante que par J.P Toussaint.
Un auteur qui a fait ses preuves à maintes reprises par le passé.
Je ne saurais que trop vous conseiller cette lecture arrivée à un moment opportun de ma vie...
Crépuscule japonais
Critique de Nothingman (Marche-en- Famenne, Inscrit le 21 août 2002, 44 ans) - 28 janvier 2006
Jean-Philippe Toussaint quitte avec ce roman, tout en psychologie, le registre ironique qu'il avait adopté dans "La télévision". Il opte ici pour une plongée dans les pensées de son narrateur, confronté à la fin d'une liaison, à la solitude qui s'installe déjà. Mais toujours chez Toussaint, ce sens du détail, de l'image qui se développe par petites touches fugaces. Très beau roman !
L'état de rupture
Critique de Kinbote (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans) - 11 juillet 2003
Rupture de l'acte d’amour (le « coïtus interruptus » du début) qui marque la fin du sentiment amoureux, rupture de la plaque tellurique, rupture du continuum-temps (la confusion des heures comme conséquence du changement horaire), rupture du jour et de la nuit (plusieurs fois le narrateur traverse ces passages), défaillance (rupture interne) des systèmes de climatisation qui provoque les rhumes, du système de régulation des émotions qui provoque les larmes… Le narrateur « quitte » Marie sur des monochromes blancs (ceux des écrans de contrôle donnant sur les salles du musée désert) et fait son deuil d'elle sur des monochromes noirs (les mêmes écrans de contrôle donnant sur les mêmes espaces intérieurs mais vus de nuit), après quoi la présence de Marie ne peut plus être que virtuelle, de l’ordre, au mieux, du souvenir; au pire, de l’hallucination...
L’obsession du blanc et du noir (récurrente depuis toujours dans les livres de Toussaint; ses premiers films aussi !) parfois coupées d’une nuance de rouge (la teinte du crépuscule). Ces "couleurs" qui marquent les bornes du spectre de la lumière, l’une résultant de la superposition de toutes les couleurs, l’autre sanctionnant leur absence… Et la fleur, symbole par excellence de la couleur, désintégrée par l’acide chlorhydrique qui, au contact de toute chose, provoque un nuage de fumée.
Et tout ceci, ironiquement, sur fond d’enchevêtrement de voies de transport, de fils, et de pinceaux lumineux figurant illusoirement un réseau d’interconnexions infinies entre les êtres et les choses.
Le flacon d'acide ouvre le livre, et il le ferme. Figure du chiasme comme dans la chanson des Beatles : « All you need is love & love – love is all you need » - qui retient mentalement le narrateur de la perte de conscience dans le train blanc qui le ramène de Kyo-to à To-kyo. Avec l'amour au centre de tout.
Dans cette perspective très physique de la rupture comme étirage maximal d’un fil, torsion démesurée d’une matière, le « faire » de « faire l'amour » peut se comprendre comme l’épuisement, fatal plus que dramatique, d'un sujet (ou plutôt deux), d’un sentiment, jusqu’à la corde.
Celle qui nous retient de verser dans l'extrême solitude qui est comme notre flux continu commun ne demandant qu’à être, parfois, interrompu.
Nul doute que ce roman de Toussaint, le plus grave, marque la fin d'un cycle et annonce un autre registre. A ceux qui ne connaissent pas cet auteur, je les inviterais à le découvrir par le plus pétillant et novateur de ses opus, et qui fut aussi le premier : « La Salle de bain ».
Dé-pri-mant...
Critique de Darius (Bruxelles, Inscrite le 16 mars 2001, - ans) - 11 décembre 2002
C'est l'histoire d’une rupture qui n’en finit pas de se rompre, donc rien de folichon, rien qui puisse vous réjouir. Par-dessus le marché, il pleut, il neige, il fait froid et comble de malheur, l’héroïne est une vraie madeleine, ses glandes lacrymales transforment en fontaine tout ce qui la guette. Lui, l'autre héros, il la suit partout comme son chien – ils sont pourtant d'accord là-dessus, ils vont se quitter – mais non, il faut qu’il la suive jusqu’à Tokyo ..
Au Japon ! Non, mais. Je comprends qu’on puisse se dire adieu à Clermont-Ferrand lorsqu’on vit à Paris, mais s'embarquer dans un vol qui fait le tour du monde avec une bonne femme qu'on a décidé de quitter, faut vraiment aimer gaspiller son temps et… son argent. Et puis, sur place, on vit comme une épave, on ne veut pas embrasser, on fait semblant de faire l'amour, puis on rate son coup, on pique ses crises d'autorité "Qui c'est qui va ramasser le parapluie qui est tombé ? C’est pas moi… ", on tombe malade, on a envie de balancer de l'acide chlorhydrique dans la gueule de quelqu’un, mais on ne sait pas encore quel Japonais va en prendre plein la figure.
Finalement, la victime sera une pauvre fleur qui était là, sur le chemin, "qui se contracta dans un nuage de fumée et une odeur épouvantable. Il ne restait plus rien, qu'un cratère qui fumait dans la faible lumière du clair de lune, et le sentiment d’avoir été à l’origine de ce désastre infinitésimal."
Un grand merci à Miller et Lucien ...
Critique de Tophiv (Reignier (Fr), Inscrit le 13 juillet 2001, 49 ans) - 13 novembre 2002
Avec ses phrases longues et pourtant rythmées, il réussit de façon très visuelle à nous emporter dans cette ambiance particulière, dans cette torpeur douloureuse et intemporelle de la rupture, comme dans une image un peu floue dont on ne sait plus si on l'a vécue ou rêvée.
De son texte formidable, de la beauté de ses mots, ressort une sorte de poésie mélancolique. Elle nous raconte la désorientation de la séparation naissante où seul le désir permet encore d'oublier un instant les craquelures et les plaies. Elle nous raconte aussi cette désintoxication progressive de l'autre où chaque séparation est insupportable et chaque retrouvaille ramène à la réalité de la fin inéluctable de cet amour dont il ne restera que des souvenirs forcément plus forts que les moments à venir. Elle nous ramène à nos propres chagrins, aux moments où l'on s'est aperçu qu'on ne pouvait plus faire l'effort qui cicatriserait nos disputes.
Bref, un roman formidable et la nuit et les couleurs de Tokyo qui resteront gravées dans ma mémoire aussi nettement que si mes yeux les avaient contemplées.
Je ne résiste pas à l'envie de vous soumettre, moi aussi, une petite phrase du livre :
« Il y avait ceci, maintenant, dans notre amour, que, même si nous continuions à nous faire dans l'ensemble plus de bien que de mal, le peu de mal que nous nous faisions nous était devenu insupportable.»
Et pour finir, un grand merci à Miller et Lucien, car ce sont eux qui m'ont donné envie de découvrir ce roman et cet auteur (mon premier auteur belge!).
Rompre : plutôt un deuil qu'une agonie
Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 69 ans) - 13 octobre 2002
Oui, du bon travail, Toussaint. Dommage qu'on ne puisse pas en dire autant du correcteur, nul comme beaucoup de ses pairs, qui laisse passer une dizaine de monstrueuses coquilles. Même chez Minuit...
Le premier baiser est déjà une mort
Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 69 ans) - 24 septembre 2002
"Elle semblait avoir besoin de toute sa force pour retenir son visage, comme si une force invisible l'eût attiré vers Swann. Et ce fut Swann qui, avant qu'elle le laissât tomber, comme malgré elle, sur ses lèvres, le retint un instant, à quelque distance, entre ses deux mains. Il avait voulu laisser à sa pensée le temps d'accourir, de reconnaître le rêve qu'elle avait si longtemps caressé et d'assister à sa réalisation, comme une parente qu'on appelle pour prendre sa part du succès d'un enfant qu'elle a beaucoup aimé. Peut-être aussi Swann attachait-il sur ce visage d'Odette non encore possédée, ni même encore embrassée par lui, qu'il voyait pour la dernière fois, ce regard avec lequel, un jour de départ, on voudrait emporter un paysage qu'on va quitter pour toujours."
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