N'espérez pas vous débarrasser des livres de Jean-Claude Carrière, Umberto Eco, Jean-Philippe de Tonnac

N'espérez pas vous débarrasser des livres de Jean-Claude Carrière, Umberto Eco, Jean-Philippe de Tonnac

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Critiques et histoire littéraire

Critiqué par Septularisen, le 14 juin 2011 (Inscrit le 7 août 2004, - ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (3 754ème position).
Visites : 6 863 

UN LIVRES SUR LES… LIVRES!..

Il est toujours difficile de critiquer un livre d’Umberto ECO, qui compte parmi les esprits les plus brillants de notre époque…
Il est a fortiori encore plus difficile de critiquer un livre d’ECO et de Jean-Claude CARRIERE… alors, quand en plus ce livre est un dialogue entre ces deux là, sur les livres… qui plus est, «arbitré» par Jean-Philippe De TONNAC, cela devient carrément mission impossible…

Et puis, comment résumer une oeuvre pareille où chacun en retirera ce qu'il veut bien y trouver, et ce qu'il veut bien y apporter, puisque le livre propose plusieurs niveaux de lecture, selon que vous soyez "amoureux" des livres, collectionneur de livres, amateur ou alors simple lecteur... ou que vous leurs préférez, l'ordinateur ou internet!...

Soit, disons que ce livre parle avant tout de… livres !
Les deux auteurs expliquent leur conviction que le livre tel qu’il se présente actuellement est un objet «parfait»… Donc à l’instar de la cuiller, le marteau, la roue, le ciseau «on ne peut faire mieux» malgré les différentes évolutions technologiques…

Pour Umberto ECO, l'éventuelle disparition de l'imprimé au profit du numérique est un faux débat : "Ou bien le livre demeurera support de lecture, ou bien il existera quelque chose qui ressemblera à ce que le livre n'a jamais cessé d'être même avant l'invention de l'imprimé." Le livre évoluera dans ses composantes, peut-être ses pages ne seront-elles plus en papier, mais l’objet en lui-même demeurera ce qu’il est !...

Les auteurs parlent aussi de la supériorité du livre sur l’ordinateur, qui lui dépend de la présence de l’électricité, ne peut être lu dans une baignoire, même pas couché sur le côté dans un lit.
Ajoutons que l’ordinateur est aussi soumis aux changements de technologie qui nous obligent sans cesse à nous ré-équiper, ou alors à garder nos vieux appareils sous peine de ne plus pouvoir lire les supports sur lesquels nous avons enregistré nos données… C'est le paradoxe des supports prétendument "durables" mais en réalité plus périssables que l'imprimé puisque leur technologie ne cesse d'évoluer et de se renouveler...
Alors que, étonnamment, nous pouvons encore lire un texte imprimé il y a cinq siècles…

Ceci n’est bien sûr que l’un des thèmes abordés par les deux auteurs, citons aussi parmi d’autres : la bêtise, la vanité, internet, la censure, le filtrage des œuvres, la perception des informations …
Le tout dans une langue et un style abordable à tous, bien que nécessitant le recours à un dictionnaire de temps en temps…

La partie qui m’a le plus intéressé est celle intitulée «Tous les livres que nous n’avons pas lus».
Les auteurs y abordent le thème de la collection de livres (tous les deux sont des collectionneurs avertis et réputés et «valent» 90.000 livres à eux deux!...), de l’achat compulsif, des nombreux livres que nous avons tous dans nos bibliothèque et que bien sûr, nous n’avons jamais lus…

Je ne résiste pas, ici, à transcrire un extrait du livre :
A la personne qui entre chez vous pour la première fois, découvre votre imposante bibliothèque et ne trouve rien de mieux que de vous demander : «Vous les avez tous lus?», je connais plusieurs façons de répondre. Un de mes amis répondait : « Davantage, monsieur, davantage.»
Pour ma part j’ai deux réponses. La première c’est : Non. Ces livres-là sont seulement ceux que je dois lire la semaine prochaine. Ceux que j’ai déjà lus sont à l’université.» La deuxième réponse est : «Je n’ai lu aucun de ces livres. Sinon pourquoi les garderais-je ?».

Je vous laisse découvrir la suite de ce dialogue passionnant entre ces deux apologistes du livre.
A ne pas rater donc.. surtout pour tous les «amoureux» des livres!..

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Conversation entre érudits

9 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 66 ans) - 12 octobre 2011

C'est un livre qui devrait d'abord faire plaisir aux nombreux amateurs de la forme classique du livre. Convaincus et convaincants, les brillants auteurs nous prouvent que le livre ne peut pas mourir. Ce sont tous les supports « définitifs » qui sont rapidement obsolètes et ils nous le prouvent par de nombreux exemples.
« Le livre est comme la cuiller, le marteau, la roue ou le ciseau, une fois que vous les avez inventés, vous ne pouvez pas faire mieux. »

Ils s'interrogent donc sur la multiplicité des supports mais surtout sur l'accès « universel » à l'information par Internet et comment apprendre à contrôler une information dont nous ne pouvons pas vérifier l'authenticité, comment distinguer savoir et connaissance. Des interrogations toujours ponctuées d'anecdotes personnelles et de remarques savoureuses.
« La balance entre la haute vertu intellectuelle et la basse connerie donne un résultat à peu près neutre. »

Leur réflexion abordera la question si souvent soulevée: « Qu'est-ce qu'un grand livre? » Et j'avoue que leur réponse me semble excellente.
« Chaque lecture modifie le livre, comme les événements que nous traversons. Une grand livre reste toujours vivant, il grandit et vieillit avec nous, sans jamais mourir. Le temps le fertilise et le modifie. »

Et puis un chapitre particulier où ces deux amoureux de la bêtise nous font partager quelques unes de leurs plus belles trouvailles parmi les livres les plus loufoques (la comparaison de la défécation franco-allemande! Ou l'erreur de diagnostic sur la mort de Jésus)

Conscients de leur âge , ils finiront en évoquant le legs de leurs impressionnantes collections.
« … pour pouvoir accepter notre fin, il fallait se convaincre que tous ceux qui restaient après nous étaient des cons et qu'il ne valait pas la peine de passer plus de temps avec eux. »

Il n'est pas facile de critiquer un livre si dense, où de nombreux sujets sont abordés remplis d'anecdotes personnelles sur leurs collections, leurs trouvailles de passionnés, sur la définition des incunables, sur l'histoire et les réalités historiques, sur le rôle des religions, l'influence des livres que nous n'avons pas lus...
Nombreux sont les sujets qui ont entretenu ou entretiennent encore les forums de CL; (qu'est ce qu'un grand livre, les plus belles bibliothèques...)

Si je ne me sentais pas concernée par certains chapitres (comme les incunables...), la somme des connaissances, la présentation sous forme d'échanges, les anecdotes personnelles de chacun rendent tous les sujets abordables et surtout très agréables sans jamais être ardus,obscurs ou ennuyeux.

Encouragée à la lecture par la présentation de Septularisen, je le remercie de m'avoir permis de partager les échanges de ces deux hommes où de nombreux lecteurs devraient y trouver un bonheur de lecture.

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