L'ombre des aïeux de Slobodan Selenić

L'ombre des aïeux de Slobodan Selenić
(Očevi i oci)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Carmen, le 19 mai 2011 (Inscrite le 15 mai 2011, 78 ans)
La note : 8 étoiles
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Petit voyage en Serbie entre 1920 et 1945 : lucide et dur

"Une seule et même journée, une journée interminable qui dure depuis vingt ans" : c'est ainsi que nous accueille le narrateur. Il se plonge dans ses souvenirs pour raconter comment un jour, sa vie a basculé. Et c'est pour nous l'occasion de découvrir un pays, la Serbie, entre 1920 et 1945, (et au besoin de rouvrir ses livres d'histoire pour rafraîchir sa mémoire!)
Stéphan, étudiant serbe, poursuit ses études à l'Université de Bristol. Quand il rencontre la belle Elizabeth c'est le coup de foudre. Elle répond à son amour et ils se marient en 1923 en Angleterre. Après leur lune de miel, les jeunes époux s'installent à Belgrade. C'est par la plume d'Elizabeth dans une lettre à son amie Rachel que l'auteur nous décrit l'état de décrépitude de la Serbie en général et de Belgrade en particulier. Elizabeth est choquée par la misère qui envahit la ville mal entretenue, par le laisser-aller évident des Serbes, par le désœuvrement de la jeunesse. Elle répète à son amie ce que Stéphan lui a expliqué : "à cause des Turcs les Serbes tenaient mal exprès les maisons et l'environnement pour que l'occupant n'use pas le droit du gîte... le Serbe est mauvais citoyen..."
Ils ont un fils, Mihajlo, un joli petit rouquin, qui, au début, comble tous leurs vœux de parents. L'enfant est intelligent, poli, obéissant, sage, très différent des enfants serbes de son âge, un véritable enfant modèle qui les remplit de fierté. Mais brusquement, à l'adolescence, Mihajlo change du tout au tout, il veut s'affirmer comme Serbe et rejette son côté anglais. Le brillant élève qu'il était n'a plus que des résultats scolaires médiocres et il traîne maintenant avec les pires cancres de sa classe. A dix-huit ans, il adhère aux idées communistes, s'oppose en tout à ses parents et rejoint de jeunes militants qui n'hésitent pas à envahir la maison paternelle pour préparer leurs manifestations et peindre leurs banderoles, sans aucun respect, ni pour l'intimité des parents, ni pour les meubles, les tapis ou les objets de valeur choisis avec soin par Elizabeth.
Stephan, (porte-parole de l'auteur) analyse lucidement, sans aucune concession l'état désastreux de son pays et l'incompétence des hommes en place. Bien que ce ne soit pas toujours facile pour lui, il refuse d'entrer en politique quand on vient l'en prier. Il voit le danger de l'accession au pouvoir des communistes mais ne peut convaincre son fils et ses amis des mensonges des dirigeants qui exploitent l'aveuglement de leurs partisans, en grande partie des jeunes qui se soulèvent contre la bourgeoisie qu'ils exècrent. Il fait des discours, on le laisse parler, mais sa lutte est perdue d'avance et toutes ses tentatives de ramener ses concitoyens à la raison sont vouées à l'échec. L'amour qu'il avait pour son fils se mue en haine pour ce qu'il est devenu, jusqu'au drame final...

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