Un traître à notre goût de John le Carré
(Our Kind of Traitor)
Catégorie(s) : Littérature => Anglophone
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Et au nôtre aussi!
Sur une île des Petites Antilles, paradis touristique fabriqué pour clientèle aisée, deux jeunes amoureux rencontrent un Russe extravagant. Gail est une jeune avocate au bord de la réussite. Perry est professeur à Oxford où il s’ennuie un peu. Le Russe, qui s’appelle Dima, porte bien sa cinquantaine, entouré d’une nombreuse famille, et de gardes du corps. Extraverti et jovial, il provoque Perry pour un match de tennis. Cependant ce ne sont ni le goût du sport, ni le besoin d’ascendant sur le jeune « Professeur » qui l’animent. En fait il souhaite s’installer en Grande Bretagne et, pour ce faire, va utiliser les deux jeunes anglais comme messagers.
John Le Carré va nous raconter avec tout son talent cette histoire qui aurait pu n’être qu’anecdotique et qu’il transforme en tragédie moderne. Tout d’abord il sait peindre des personnages forts et notamment rendre perceptible la fascination du sage Perry pour le bouillant Dima. Si l’un a fait un parcours universitaire brillant mais classique, l’autre a commencé sa vie dans un camp de redressement avant de faire partie des « vory », « l’aristocratie du crime », puis de devenir un « ingénieux organisateur du blanchiment » de l’argent de la pègre et de la mafia russes. Depuis la mort de son protégé dans un faux accident de voiture, il se sait menacé.
Ensuite, Le Carré comme dans tous ses livres précédents, soigne le décor et le contexte. La trame, faite de nombreux retours en arrière, est bâtie sur fonds de mafia, de trafics, d’escroqueries (faux médicaments, viandes avariées qualifiées de « caritatives », importations et ré-étiquetage), corruption, lobbying sournois et puissant. Nous sommes dans un monde de complots menés par des cyniques. Dans ce marché perverti de l’offre et de la demande, Dima se comporte en commerçant : il offre « le nom des personnalités britanniques corrompues haut placées dans l’Etat » et la description de « l’implication personnelle d’officiels corrompus de l’Union Européenne » ; il demande une nouvelle vie pour « toute sa smala » avec nouvelles identités, maisons sûres et écoles réputées pour les enfants.
Il y a chez cet écrivain la grâce de l’écriture, le dynamisme du récit savamment scandé, l’art du dialogue, la beauté des descriptions géographiques (l’Oberland bernois), la fine perception des personnages (le portrait de Barbara illustre, sans le justifier évidemment, les succès récents de l’Union Démocratique du Centre, le parti politique le plus à droite de la Suisse), le sens du détail, la manière d’être de plain pied dans l’événement ( c’est en vrai journaliste que l’auteur commente la finale de Roland Garros 2009 opposant Federer à Soderling). Mais ici il y a en plus une colère sous jacente et constante, celle d’un vieil homme qui pressent un « danger imminent et imprévisible » car « ce que le monde sait de lui-même, il n’ose pas le dire ».
Et puis il y a les remarquables dernières pages, faites de décontenancement, de déchirement, de nostalgie, aboutissement inéluctable d’une trahison.
Très bien traduit par Isabelle Perrin, hélas maintenant sans Mimi, sa maman disparue cet automne, ce roman bien sombre devrait néanmoins être à votre goût.
Les éditions
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Un traître à notre goût
de le Carré, John Perrin, Isabelle (Traducteur)
Seuil
ISBN : 9782021027686 ; 22,10 € ; 07/04/2011 ; 375 p. ; Broché -
Un traître à notre goût
de le Carré, John Perrin, Isabelle (Traducteur)
Points
ISBN : 9782757827994 ; 4,20 € ; 12/04/2012 ; 445 p. ; Broché
Les livres liés
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Les critiques éclairs (7)
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Traitre ? Ca dépend …
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 30 décembre 2014
Dima est un personnage comme la Russie peut en produire. Catégorique, impressionnant, exubérant, capable de pleurer comme d’embrasser son nouvel ami. Dima est un Russe manifestement très riche lorsque Perry et Gail (un professeur d’Université en langue anglaise et une avocate), tous deux démarrant récemment dans la vie, ensemble, tombent sur lui durant un séjour d’amoureux sur une île antillaise. Enfin, tombent sur lui …, c’est plutôt lui qui leur tombe dessus, qui se les accapare alors que tout les sépare ; l’âge, la culture, les préoccupations vitales … mais le Russe est séducteur et, par le biais d’une partie de tennis qu’il a arraché à Perry, il se les est mis dans la poche.
Perry et Gail ne le savent pas mais Dima a un projet. Blanchisseur en chef de l’argent sale de la Mafia russe, il se sait menacé voire condamné – son « disciple » a été assassiné à Moscou – et il a décidé de « passer de l’autre côté », de demander asile et sécurité à la Grande Bretagne en échange de renseignements qui peuvent embarrasser bien du monde. Et il a choisi Perry et Gail comme émissaires et cautions vis-à-vis des Services secrets britanniques.
« Un traitre à notre goût », à partir de là, va devenir la découverte par Perry et Gail du côté obscur de la force, leur intronisation dans le monde désincarné du renseignement. Et la découverte par Dima que les promesses engagent surtout ceux qui les croient …
Un John Le Carré dans la tradition, désillusionné et toujours dans la prise de recul par rapport aux contextes géopolitiques les plus modernes.
La chute
Critique de Paofaia (Moorea, Inscrite le 14 mai 2010, - ans) - 8 décembre 2013
De quelle grande nation nous parle cet Hector, des services secrets britanniques? Et bien, de la sienne, bien sûr..
L'histoire elle-même est racontée dans la critique principale de Jlc, inutile d'y revenir.
C'est vrai qu'il y a un côté peut-être un peu caricatural dans certains portraits , notamment de celui de ce jeune couple britannique.
Mais j'ai retrouvé Le John Le Carré tel qu'il est depuis un certain temps. En colère. Et si les écrivains ne se mettent pas en colère, qui va s'y mettre. Enfin, pour commencer..
Mais une colère à l'anglaise, pleine d'ironie et d'humour, assez noir , mais quand même, toute en allusions.
L'empathie, c'est pour ce mafieux russe qu'il l'exprime, pour ce qui l'a amené là, pour l'enchainement inéluctable de certains parcours de vie . De ceux qui amènent à se retrouver à la Kolyma à 14 ans, ou emprisonné dans une grotte à Bogota. Ou à aller voir son fils deux fois par semaine en prison.
Avec un récit encore une fois très construit .
Avec, et il est très fort pour cela, encore une fois une fine analyse des rapports de force entre les personnages.
Ce qui fait une oeuvre, finalement.
J'ai appris un peu plus ce qu'étaient les vors à la Kolyma.
J'ai appris à quoi pouvaient servir certaines loges à Roland Garros, ça alors!
Je n'ai pas appris qu'en matière de blanchiment d'argent, la ville de Londres n'avait pas à rougir.
Quant à la fin.. la conclusion sur laquelle Tanneguy semble s'interroger.. Logique, non?
Elle m'a rappelé un évènement similaire survenu il y a quelques années en Polynésie française. Jamais de preuves, bien sûr, mais survenu après certaines disparitions très très suspectes et toujours non élucidées malgré les familles qui, courageusement, ne se résignent pas.Certains avaient avoué, d'ailleurs.. mais sont revenus sur leurs aveux , on se demande pourquoi. D'autres ont eu des accidents tout à fait regrettables, ça arrive, bien sûr, mais quand ces accidents mortels se répètent, c'est que sur ce groupe qui ne sait pas tenir sa langue, la malchance s'acharne.
Des évènements qui surviennent au bon moment pour certains , du ni vu, ni connu , et hop, on passe à autre chose. Les océans profonds sont des tombeaux bien pratiques.
Et d'aucuns voudraient qu'on ne soit pas en colère?
Le ramage n’était pas à la hauteur du plumage
Critique de Fanchic2011 (, Inscrit le 16 juillet 2011, 58 ans) - 11 juin 2012
Sans référence de roman d’espionnage, et plus habitué aux RomPol (oui je sais, je me suis lancé dans les néologismes bobo), je suis d’abord surpris par le rythme. C’est lent, très lent. L’intrigue se met en place, comme si de rien n’était, comme un hasard de la vie fait que deux personnes se rencontrent. Un match de tennis à l’autre bout du monde, un oligarque Russe, un épisode un peu flou, une scène de débriefing, on est bien dans un roman d’espionnage. Puis le scénario se met en place. Implacable, réglé comme une horloge, une précision suisse. Un rythme suisse pour tout dire, car l’intrigue ne s’emballe pas pour autant. C’est efficace comme un rouleau compresseur sur un asphalte encore chaud, et tout aussi rapide. Je n’irai pas jusqu’à dire que l’ennui guette, mais on aimerait que ça aille un peu plus vite. Mais cette langueur n’empêche pas le vieux loup qu’est John le Carré de nous tenir en haleine et nous de nous amener à accepter le dénouement.
C’est mon premier roman d’espionnage, difficile de dire que ce n’est pas le meilleur, mais j’avoue être un peu resté sur ma faim. Le ramage n’était pas à la hauteur du plumage.
Et l'émotion, bordel !
Critique de Noir de Polars (PARIS, Inscrit le 28 mai 2011, 56 ans) - 18 mai 2012
- " Mon cher éditeur, satisfecit vous me donnerez, n’est-il pas ? J’ai calibré ça à 125.000 signes, comme convenu !
- Ca parle de quoi, cette fois ?
- Un anglais moyen, prof grande école, qui vit avec une avocate du privé…
- Bien, ça, le mélange de genres.
- N’est-il pas ? Ils décident de partir en vacances…
- Pas en Grèce, j’espère !
- Non, non, rassurez-vous. Dans les Caraïbes. Un peu chez nous, quoi. Alors là, ils rencontrent un colosse bizarre et mort de trouille qu’est dans la mafia… Mais là j’innove, car le type est russe. C’est de la mafia russe.
- Ok. Vous avez mis de l’espionnage, j’espère ?
- Ah rassurez-vous, cher éditeur, j’ai concocté le mélange adapté ! Une histoire d’espionnage, évidemment, mais avec du fric en jeu et du fric russe. Un zeste d’enquête, pas trop compliquée l’enquête pour que le lecteur lambda ne s’y perde pas, mais de la complexité financière pour qu’il respecte le travail fourni quand même. Sans oublier les problèmes de couple des deux tourtereaux de l’aventure. Chacun devrait pouvoir y trouver son compte."
Cher John Le Carré, rassurez-vous dito, chacun y trouvera son compte et pardonnez cette mauvaise foi. En plus, vous savez que vous écrivez bien ? Je l’atteste en français : Isabelle Perrin, votre traductrice, a fait un travail plus qu’honnête. Langue claire, fluide, rien à dire de ce côté-là. Ca se laisse boire comme l’assurait feu mon grand-père en avalant un Beaujolais. Certes, il devenait nettement plus lyrique en dégustant un Châteauneuf du Pape, mais il ne méprisait pas le Beaujolais : il le tenait à la place qui est la sienne, voilà tout.
C’est le second ouvrage né de votre plume que j’absorbe. Enfin, plus exactement, celui-ci est le premier, car je n’ai pas eu le courage de terminer votre ‘maison Russie ‘. Comme le Beaujolais se laisse boire, votre bouquin se laisse lire, ce n’est pas mauvais, ça coule. Mais ça ne transcende pas, ça non. L’émotion ? Absente. L’humour ? A la british peut-être, mais d’un genre qui ne ferait pas fureur pour emballer une nana. Mystère ? Là, je reconnais, le mystère est bien là, et correctement construit.
Mais l’important, le plus important ma bonne Dame, c’est que ça se vendra certainement. C’est fait pour ça. Surtout. Osons même l’exactement. Bling bling, c’est démodé, alors Cling cling, chez l’éditeur. Un polar à notre goût. Un qui rapporte. Pendant ce temps là, y’a sans doute un Proust qui se flingue, mais c’est pas grave.
Déception!
Critique de Rick (Rive Sud de Mtl, Québec, Inscrit le 17 février 2005, 76 ans) - 18 juillet 2011
Cette fois je n'ai pas marché
Critique de Falgo (Lentilly, Inscrit le 30 mai 2008, 84 ans) - 23 juin 2011
Déjà, "La constance du jardinier" m'avait paru tomber dans la facilité du politiquement correct d'une gauche dépassée. Et je retrouve largement le même sentiment ici, avec en plus une écriture insupportable. Aïe! Aïe! Aïe!
Un écrivain qui maîtrise son art et sait se renouveler
Critique de Tanneguy (Paris, Inscrit le 21 septembre 2006, 85 ans) - 4 juin 2011
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