La condition humaine de André Malraux
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Un des plus grands livres de la littérature française du XXe siècle
Nous sommes en 1927 à Shangaï. Le Guomindang de SunYat & Sen avait en son temps décidé une alliance avec les communistes, contre les généraux des provinces et les occupants occidentaux. Tchiang-Kaï-chek a pris la tête du Guomindang et se retourne contre ses alliés communistes.
Le livre débute par un crime : l'exécution d'un homme qui possède un papier permettant de prendre livraison d’armes se trouvant sur un bateau dans le port. Il dort sous sa moustiquaire et son assassin, Tchen, fasciné, regarde les draps bouger sous sa respiration. Tuer cet homme, et au couteau !… Il hésite longuement, mais finit par frapper et tuer… Il regarde sa victime et le sang couler. " Ce n'était pas la peur, c’était une épouvante à la fois atroce et solennelle qu’il ne connaissait plus depuis son enfance : il était seul avec la mort, seul dans un lieu sans hommes, mollement écrasé à la fois par l’horreur et par le goût du sang ".
Il s'enfuit de la chambre et va rejoindre le monde des hommes, de " ceux qui ne tuent pas " se dit-il. Nos terroristes d'aujourd'hui se poseraient bien moins de questions !. Il retourne chez ses compagnons, communistes, qui l’attendent avec la plus grande impatience. Leurs troupes s’élèvent à plus de cinq mille hommes, mais ils n’ont que deux cents fusils pour eux tous !… Dans le local il y a Hemmelrich, Katow le Russe du Komintern soviétique qui aide les révolutionnaires chinois, et Kyo Gisors, un membre du comité et un intellectuel.
Tchen se sent tout à fait isolé des autres : il a tué ! Il se sent plus proche du Russe Katow, qui a fait cinq ans de bagne en Russie pour avoir participé à une révolte armée. .
Mais la révolte populaire des communistes de Shangaï sera écrasée dans un bain de sang et de cruautés. Il en sera de même des syndicats ouvriers. Mao s’enfuira. Les combats de rues éclatent, mais les troupes de Tchiang-Kai-chek sont bien armées et elles exécutent les prisonniers sur place.
Malraux dit de Katow : " Il irait (au bagne) pour l’idée qu’il a de la vie, de lui-même. " Cette phrase est très importante, car quarante ans après l’avoir écrite, lors d'une interview, Malraux dira que, selon lui, il n’y a pas de rapport entre les terroristes russes et chinois de son époque, et les terroristes modernes, qu’ils soient palestiniens ou italiens des brigades rouges. Selon lui, les premiers étaient ce qu'il appelait des " terroristes métaphysiciens ", proches d'un " univers imaginaires " Tandis que les seconds lui semblaient beaucoup plus " rationnels et pratiques ", plus proche des gangsters.
" Que faire d'une âme, s’il n'y a ni Dieu ni Christ " dit-il plus loin. Malraux ne croit pas et, quelque dix années plus tard, après sa délivrance des mains de la Gestapo, il constatera qu’à penser à son exécution la foi ne lui était pas venue non plus, à la différence de Dostoïevski.
Une constante de la pensée de Malraux réside dans la dignité de l’homme. " Il n’y a pas de dignité possible, pas de vie réelle pour un homme qui travaille douze heures par jour sans savoir pourquoi il travaille. Dans " L ‘Espoir ", cinq ans plus tard, il fait dire à un de ses personnages : " Quand on contraint une foule à vivre bas, ça ne la porte pas à penser haut. "
Toute sa vie Malraux sera un homme porté par les idées, attiré par les hauteurs. Qu’était de Gaulle, sinon l'homme qui portait, et incarnait, une idée de la France ? La dignité de l’homme est ce qui le pousse à se révolter, à aller de l'avant, à lutter.
Ce livre est truffé de phrases toutes plus profondes et plus intelligentes les unes que les autres, tournées vers l’homme, vers une certaine idée de l'homme, de la cause. Malraux aura toujours besoin de causes, de combats, pour se surpasser, lutter. Contre quoi ?… L'absurde et le néant.
Jusqu'au bout Katow restera fidèle à une certaine idée de la vie et de lui-même. Dans ce livre, comme tout au long de sa vie, Malraux lutte pour ce qu'il y a de beau. Le beau ne peut qu’aider l’homme à se surpasser. Même si le monde est absurde, lutter contre la mort, lutter pour l'homme, lutter pour la dignité, c’est nier l'absurde.
Les éditions
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La Condition humaine [Texte imprimé] André Malraux
de Malraux, André
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782070360017 ; 8,60 € ; 07/01/1972 ; 337 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (23)
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On ne peut pas donner plus que 5 étoiles ?
Critique de Bookivore (MENUCOURT, Inscrit le 25 juin 2006, 42 ans) - 18 juillet 2021
Je suis d'accord avec l'ensemble des (nombreux) avis dithyrambiques, critique principale et critiques éclairs, sur ce livre. C'est un authentique chef d'oeuvre. Je l'avais lu il y à une quinzaine d'années, pas pour le bahut mais pour le plaisir (je ne sais pas si, ces dernières années, ce roman a été sélectionné pour les lectures lycéennes ou collégiennes), j'avais été franchement impressionné par cette histoire se passant dans la Chine des années 20, en pleine guerre civile entre maoïstes (aidés de "mercenaires" internationaux) et nationalistes.
La seule (légère) ombre au tableau, c'est l'intention de Malraux de retranscrire en mots les accents, défauts de prononciations (Katow qui bouffe des syllabes, Tchen qui file un "g" à la fin de tous les mots courts se finissant en "on", Clappique et son doublement de certaines consonnes...), ce qui, des fois, à la lecture, est un peu pénible. Mais pas au ppoint de faire b'sser la note, ça nong !
Un grand roman humaniste, prenant, qui semble difficile d'accès au premier abord, et qui s'ouvre sur une scène inoubliable. Immortel.
Exaltation et désespérance.
Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 22 mars 2020
J’ai trouvé que ce livre avait un côté exaltant en même temps que désespérant. Il est exaltant de voir ces héros donner leur vie pour une cause ; et il y a certes une magnifique fraternité dans cette cause – mais elle est partisane. Ses personnages poussent leur violence naturelle aux pires extrémités. Ils se l’imposent à eux-mêmes, mais... aussi aux autres – alors qu’elle sert surtout à l’accomplissement d’un destin personnel ! Et ce qui est désespérant, c’est que ce destin débouche sur le néant. Pour moi, cette sacralisation de la violence doit être mise à caution. On voudrait y trouver une spiritualité supérieure, qui aurait sublimé cette violence en lui donnant une finalité universelle et un sens plus accompli.
Il y a encore d’autres personnages dans ce livre qui réalisent leur destin à leur manière et qui représentent des spécimens d’humanité. Ils sont croqués avec une psychologie magistrale et un remarquable don d’observation. C’est un régal de lecture. Il y a le capitaine d’industrie, un orgueilleux qui croit se réaliser en gagnant sur tous les fronts sans la moindre éthique. Il y a un personnage haut en couleur, un sybarite patenté qui réalise sa vie dans l’assouvissant de toutes ses passions jusqu’aux plus sordides. Il y a encore ces épouvantables spécimens du genre humain à qui on a donné le pouvoir de faire souffrir les autres en toute légalité... ce côté du livre est d’un réalisme à vous glacer le sang ! Et il y a encore quelques autres personnages qui sont parfaitement typés, comme ce vieux sage chinois qui oublie sa désespérance dans l’opium.
J’ai été passionné par cette lecture. J’y ai rencontré des idéalistes, des personnages sordides et d’autres encore, toujours pétris d’humanité. Les grands héros du livre se sacrifient pour une cause et leur combat donne un sens à leur vie. Mais, hélas ! aucune destinée humaine ne débouche sur autre chose que le néant et c’est, pour moi, le côté désespérant de la condition humaine selon Malraux.
Je terminerai en recommandant aux très honorés lecteurs de cette bien trop longue critique « éclair » (!), de prendre connaissance, s’ils ont envie de lire ce livre, des circonstances où se passe l’action, en lisant ci-dessous dans l’excellente critique de J-françois, le rappel historique indispensable à sa bonne compréhension.
Même aujourd'hui...
Critique de Phileas (, Inscrit le 27 novembre 2015, 66 ans) - 4 décembre 2015
40 ans plus tard sa nouvelle lecture m'a enchanté, ce n'est pas le mot mais je ne sais en trouver un autre pour décrire ce sentiment de plaisir que j'ai eu à redécouvrir le livre, l'histoire et surtout les personnages que j'avais oubliés.
Même aujourd'hui la lecture de ce livre est une évidence.
Un grand livre
Critique de OC- (, Inscrit le 4 mars 2011, 27 ans) - 6 août 2014
Un drame qui émeut
Critique de Plume84 (Vecoux, Inscrite le 26 août 2011, 40 ans) - 6 novembre 2011
La cruauté de la nature humaine n'a aucune limite.
Bien écrit
Critique de Cruz (Punaauia, Inscrite le 16 novembre 2008, 33 ans) - 26 juin 2011
Superbe
Critique de John (, Inscrit le 2 novembre 2010, 34 ans) - 13 décembre 2010
Un superbe portrait sur ce que sont l'engagement et le sens du sacrifice , j'ai adoré !
Outre gonflée
Critique de Jefopera (Paris, Inscrit le 9 avril 2009, 60 ans) - 7 décembre 2010
Mais qui lit encore cette prose ampoulée, prétentieuse, ce dégoulinis de logorrhée indigeste ? C'est épais, confus, soporifique et daté. Tout droit sorti du cerveau grand-guignolesque qui commit le discours inoubliable de ridicule au Panthéon devant les cendres de Jean Moulin.
Il faudrait quand même rappeler que cet amphigouri a dégoûté des classes entières de la littérature.
Magistral !
Critique de Millepages (Bruxelles, Inscrit le 26 mai 2010, 65 ans) - 26 mai 2010
Tous ces combattants - Tchen, Kyo, Katow et les autres -ont des états d'âmes qui se trouvent superbement décrits dans l'ouvrage.
Seuls finalement les représentants d'un consortium français - Ferral en tête - semblent être dénués de tout scrupule, eux qui tentent de surfer sur les événements historiques en train de se produire pour encore et toujours tirer le meilleur parti de leurs négoces dans la région.
A noter que l'édition folioplus - classiques propose un éclairage historique bien utile, ainsi qu'une série de dossiers mettant le texte en perspective.
Le plus poignant portrait de l'Homme qu'il m'ait été donné de lire
Critique de Megamousse (, Inscrit le 17 juin 2009, 41 ans) - 27 octobre 2009
Avant de lire La Condition Humaine, mon père me conseilla fortement de me familiariser un tantinet avec le fond historique de l'époque, sous peine de nager...ou pire. De couler.
Sur le coup je pris peur. A peine sortai-je de la douloureuse et "dantesque" lecture de La Divine Comédie que j'étais sur le point d'à nouveau frotter mon impétuosité littéraire à la technique d'un autre géant. Malraux. Dédé de son ptit prénom propre.
Porté aux nues par la critique, "sélectionné parmi les 10 romans du demi-siècle par l'Académie française" comme le clamait le quatrième de couverture de ma vieille édition Poche aux senteurs boisées de parchemin zé de forêt humide, La Condition Humaine impressionnait: par son titre, par sa rayonnance quasi-canonique, par son statut d'œuvre "difficile d'accès". La classe, en somme.
Je décidai finalement de tenter le coup à froid, ou presque. Par chance, j'avais quelques jours auparavant visionné un documentaire sur la Chine de Mao, dont la première partie était consacrée à sa longue et douloureuse prise de pouvoir.
Celle-ci se fit en deux temps: par un habile fricotage avec les nationalistes de Tchang Kai Tchek tout d'abord (qui poursuivaient cet objectif commun de réformer un pays englué dans la féodalité), puis par l'émancipation de ces alliés de circonstance, dans l'optique libératrice de la grande révolution communiste. Avec le recul, ce point d'histoire me paraît le pré requis minimal à une lecture à peu près compréhensible de l'œuvre.
L'intrigue prend justement place dans ce contexte de bouillonnement communiste insufflé par l'URSS en Chine, en 1927. Dans les grandes villes, des groupuscules d'activistes voient le jour, s'organisent, s'équipent, posent les jalons de la guérilla. Des méthodes agressives pour des idéaux louables, à défendre si nécessaire et sans hésiter au prix du sang. En toile de fond, les concessions françaises en Chine, les intérêts qui en découlent, et l'influence jouée par les milieux d'affaires et les lobbies bancaires dans les rapport géopolitiques.
Au cours des premières pages, nous faisons connaissance avec les principaux protagonistes, des révolutionnaires de Shanghaï: Tchen le zigouilleur, Kyo l'idéaliste, May son amour inassumé, Katow le généreux. Autour d'eux gravitent d'autres personnages tout aussi cruciaux: Gisors le sage, père de Kyo, Clappique le Français imprévisible et déjanté acquis à la cause révolutionnaire sans que l'on comprenne bien pourquoi (lui y compris), Ferral français lui aussi, implacable homme d'affaires à la solde des nationalistes, ou à tout le moins du meilleur offrant.
Pour résumer l'histoire en deux mots: le roman débute par un assassinat, acte d'ouverture d'une opération plus large visant à récupérer des armes stockées sur un bateau. La situation des rebelles communistes est précaire, car s'ils ont la force du nombre, ils sont en revanche bien peu équipés. Et se donner les moyens de leur ambition constitue bien une priorité, car en face, l'armée nationaliste de TKT est puissante et organisée. Pour une fois, ce n'est pas l'assaut final d'un long combat qui nous est relaté, pas de leader charismatique, pas d'apothéose. On en est encore loin. Dans ce récit, le lecteur est confronté à la phase ingrate du projet: la mise en place, le bordel ambiant, l'espoir encore fragile.
Tous les personnages, à leur mesure, contribuent à la dualité philosophico-romanesque dont ce livre est empreint d'un bout à l'autre, soit en nourrissant directement l'intrigue, soit en faisant mûrir la réflexion qu'elle appelle chez le lecteur. Et tout cela est si bien distillé que l'une et l'autre se mêlent élégamment, au plus grand plaisir de ce-dernier. Trop fort.
J'aimerais approfondir ce point. Si La Condition Humaine est de prime abord un vrai roman historique sur les balbutiements d'une révolution communiste peinant à se mettre en route, trébuchant même, avant de suivre la destinée qu'on lui sait (notons que pas une fois il n'est fait allusion à Mao), elle est également, et surtout comme en témoigne le titre, une formidable introspection de Malraux non pas sur lui-même, mais sur l'Homme dans toute sa splendeur, dans tout son égarement, dans toute sa précarité. Et paf.
Pourquoi?
Parce que ce que vivent les personnages au fil des pages, la façon dont ils pensent, les décisions qu'ils prennent, les douleurs qu'ils éprouvent, sont autant de témoignages de leur état et de leurs limites. Non pas en tant que révolutionnaires ou miliciens ou informateurs ou colons, mais bien plus généralement en tant qu'êtres humains. Le contexte historique ne fait ici office, sans vouloir aucunement le minimiser, que d'agent révélateur.
On comprend alors que l'Homme est un éternel prisonnier de sa dualité. Capable du pire et du meilleur, il peut tout aussi bien incarner l'espoir qu'engendrer la désolation, tirer son espèce vers le haut et s'auto-détruire, se laisser porter par d'infaillibles idéaux et brader ces-derniers contre les plus petites choses, se battre pour une vie meilleure et jalouser la mort. Tout cela pour quoi? Il n'en a pas la moindre idée. Tout cela pourquoi? Parce qu'il est perdu, perdu dans une existence dont il saisit tout l'enjeu mais que ses limites rendent impotent à sa réalisation. Le personnage de Tchen en est pour moi la meilleure illustration car c'est celui qui pousse ses idéaux le plus à l'extrême et en explore les limites au prix de son discernement, de sa raison. Ce qui causera d'ailleurs sa perte. De révolutionnaire il devient simple terroriste, puis de simple terroriste simple kamikaze. De simple vivant simple mort, mais mort soulagé et accompli. Pour rien du tout.
La Condition Humaine est je pense le plus beau portrait de l'Homme qu'il m'ait été donné de lire. Non parce qu'il y est dépeint sous son plus beau profil, mais parce qu'il nous est présenté avec sincérité dans sa laideur et dans sa majesté imparfaite, dans sa capacité à se battre pour une cause perdue d'avance. C'est un peu l'histoire de l'Homme qui avait toujours voulu jouer à être Dieu et qui comprit enfin ce qui l'en distinguait et l'en distinguerait à jamais. La Condition Humaine, je l'ai ressenti comme une belle et implacable leçon d'humilité. Chef d'œuvre. Respect. Malraux, goss-bo.
Qu'en dire?
Critique de Kyp (, Inscrit le 4 septembre 2009, 31 ans) - 11 octobre 2009
Encore un classique qui m'a déçu
Critique de Virgile (Spy, Inscrit le 12 février 2001, 45 ans) - 15 mars 2009
Comme je n'avais plus rien à lire j'ai emprunté ce bouquin tellemment mythique histoire de voir de quoi il retournait par moi-même.
J'ai été déçu pour plusieurs raisons. D'abord par cette fameuse première scène qui sonnait faux. Ce type et ses réflexions avant qu'il ne tue m'ont parus complètement artificiels.
Par le côté trop daté ensuite. Le contexte historique plombe le côté roman déjà rendu très lourd au niveau stylistique.
Et puis je n'ai pas vraiment trouvé d'idées bouleversantes dans le bouquin. Et je n'ai pas accroché.
Je met quand même deux étoiles et demi pour les quelques passages où l'histoire décolle un peu plus mais ce livre ne me laissera pas un grand souvenir.
Pagaille à Shanghai
Critique de Jean Meurtrier (Tilff, Inscrit le 19 janvier 2005, 49 ans) - 6 septembre 2007
L’envie de tout mettre densifie la narration et engendre un mélange d’action et d’introspection aux transitions déroutantes. Les états d’âmes des protagonistes, aux personnalités pourtant catégoriques, sont décortiqués par tâtonnement avec des «ce n’est pas vraiment ça mais plutôt ceci…», de quoi se demander si Malraux n’a pas un peu de mal à trouver ses mots. Ce n’est pas le cas, bien entendu, mais les émotions ne m’ont réellement gagné qu’à partir de la moitié du livre, où ces défauts (un bien grand mot en vérité) s’estompent. Ou alors je me suis adapté.
Je sais que cette œuvre sur la dignité se veut universelle, mais il faut souligner le fantastique travail de reporter effectué par Malraux. Le contexte historique est non seulement fidèlement rendu par les faits relatés mais également par l’atmosphère qui imprègne l’action. Les nuits à Shanghai sont envoutantes autant qu’inquiétantes. Par contre, l’humanité de certains personnages clés est quelque peu sabotée par les analyses psychologiques profondes auxquelles ils sont soumis, mais également par le message dont ils sont porteurs, leur destin étant convenu dès le départ. Les autres, en proie au doute, sont inévitablement plus attachants.
La cote que j’accorde reflète d’abord le plaisir que j’ai pris à la lecture et ensuite la marque potentielle que le livre est susceptible de me laisser. Si le premier critère souffre d’un début relativement pénible, je pense pour le second que ce roman, fort de ses symboles percutants, me travaillera encore longtemps.
Crépusculaire
Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 18 février 2006
Jeune adolescent, commençant à lire des romans, j’avais été frappé par un propos de ma mère concernant Malraux et La Condition Humaine en particulier. Elle avait été rebutée par l’aspect brutal, la description de la violence et un détail en particulier : celui des prisonniers qu’on jetait vivants encore dans la chaudière des locomotives. Et j’avais écarté Malraux. Pour ces prisonniers là et ces chaudières là ! Ca m’a quand même fait perdre une bonne trentaine d’années !
Le roman attaque très fort, très visuel et très introspectif à la fois. Tchen, jeune révolutionnaire chinois, va commettre un meurtre, tuer un homme qui dort, à coups de couteaux, et nous sommes là à l’observer lui, à observer les détails de la scène et à observer les rouages de sa conscience qui grincent au moment de basculer du côté des hommes qui ont tué.
Et peu à peu se mettent en place les acteurs de ce drame ; un morceau d’une révolution, un soubresaut de l’histoire, un petit hoquet, considérés à hauteur d’hommes, à la hauteur de ceux qui souffrent, qui peuvent faire souffrir.
Un idéal quand même. L’acte de tuer, de voler, n’est pas gratuit. Il est « cautionné » par la « cause ». Justifié par la fin. Pas aux fins d’un homme, mais aux fins d’une idée, d’un idéal. Malraux a manifestement une haute idée de l’homme et ses héros ne sont pas des zombies tueurs et pilleurs pour le lucre et le fun. Ses héros sont tous auréolés de leurs faiblesses mais aussi de leurs certitudes qui leur permettent les actes les plus fous, les plus héroïques.
Peu de femmes dans la sphère « Malrauienne » toutefois. Hormi le personnage de May qui a sa propre épaisseur, ce n’est qu’affaire d’hommes, de mâles.
La Condition Humaine, ce sera celle de révolutionnaires en train de dynamiter le monde ancien, et qui ne sauront pas avoir réussi, qui mourront pour leurs idées, et dans quelles conditions ! Plus que la réflexion philosophique absconse qu’on pourrait craindre, c’est une bouleversante plongée dans l’âme humaine à un moment où celle-ci passe à l’acte révolutionnaire avec tous les sacrifices que cela implique.
Après le meurtre commis par Tchen, tout va s’enchaîner à un rythme de plus en plus trépidant : violences, physiques, morales mais pas de gratuité à celles-ci. Nous serons spectateurs des violences mais aussi à côté, aux côtés et dans la réflexion de celle-ci.
L’écriture est belle, adaptée au côté crépusculaire, « sans-certitudes » de la situation. Malraux nous emmène sans mal là où il veut nous entraîner, et on n’a pas envie de traîner.
Quand je pense que j’ai attendu 30 ans !
Que dire
Critique de Paradize (Paris, Inscrite le 9 mai 2004, 37 ans) - 2 août 2005
Un monstre sacré !
Critique de Ulrich (avignon, Inscrit le 29 septembre 2004, 49 ans) - 17 juin 2005
Ce livre est fascinant, terrible et dur ! Son titre le résume à lui seul : La condition humaine.
Les doutes humains quand l’Histoire se déroule. Les peuples qui se révoltent à force de trop d’oppression . Cette révolte qui se brise sur le cynisme et l’horreur des puissants. Les hommes prient à travers le flot de leurs idéaux , de leurs propres chemins. Une quête d’absolu où la mort est à la fois tout et l’élément d’une puissance collective qui nous dépasse.
La condition humaine est émancipatrice et contrainte, fille de la liberté et mère de toutes les oppressions. Encore une fois, c’est l’association des contraires, les deux indissociables, définitivement liés. Elle traverse l’Histoire. L’intemporalité de ce roman est certaine.
Le cadre est choisi : celui de la Chine de 1927, en guerre, tiraillée entre KUOMINTANG, les seigneurs féodaux, les intérêts internationaux, le Parti communiste. C’est un cadre. Le message semble comme renouvelable partout où il y a des hommes. Là où il y a des hommes, la condition humaine s’exerce et l’oppression et la liberté sont là.
Comment ne pas non plus s’émerveiller devant le style, l’écriture dure où chaque mot sonne parfaitement associé à une construction du récit époustouflante.
Ce livre est un monstre sacré et je n’ai qu’une seule envie : pouvoir dire Merci…
ardu mais inoubliable
Critique de J-françois (, Inscrit le 26 mai 2005, 55 ans) - 29 mai 2005
L’histoire se passe à Shanghai en 1927. A cette époque la Chine est en pleine guerre civile. Le Kuomintang, parti politique dirigé par le nationaliste Tchang-Kaï-chek, est lancé dans une campagne militaire ( « l’expédition du Nord » ) pour la réunification du pays. Depuis une dizaine d’années en effet, le pouvoir de Pékin a laissé les provinces chinoises aux mains de généraux qui se comportent en véritables seigneurs féodaux, tout-puissants sur leurs territoires et partant volontiers en guerre les uns contre les autres.
En 1927, Tchang-Kaï-chek, avec l’aide des communistes, a reconquis la majeure partie du Sud et du Centre de la Chine. Mais tout en unissant leurs forces dans la bataille, l’aile nationaliste du Kuomintang et son aile « rouge » s’épient mutuellement, chacune guettant l’opportunité de se débarrasser de l'autre. La tension monte d’un cran entre les deux alliés de circonstance, quand les communistes décident, contre l’avis de Tchang-Kaï-chek, de transférer le gouvernement révolutionnaire de Canton à Han-Kéou.
Le roman débute dans la nuit du 21 mars. Shanghai, qui n’est pas dans la zone libérée par le Kuomintang, est sous la férule d’un général Nordiste, qui, un mois plus tôt, a sauvagement réprimé une première révolte ( Tchang-Kaï-Shek, basé avec son armée à moins de 100 km de là, n’a alors rien tenté pour venir en aide aux insurgés). En ce soir de mars 1927, nous sommes à la veille d’une nouvelle insurrection de la ville. Mais les révolutionnaires manquent d’armes...
Grandiose
Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 10 mai 2005
J'adore le style et l'emphase de l'auteur.
J'ai été passionné par ce combat pour la dignité humaine, et, dans le même temps, amusé par le revirement de l'auteur qui, alors, ne reniait pas ses accents "rouges". Mais communisme et gaullisme, voire le libéralisme, ont tous deux une conception forte de l'humanisme. Sur ce point, ça n'est donc pas si surprenant.
L'incipit est phénoménal : on dirait une amorce de film. Cette première scène est vraiment marquante, même l'une de celles qui me soit le plus restée en tête avec autant de détails, parmi tout ce que j'ai pu lire.
INCONTOURNABLE !
Où l'on a atteint la quasi-perfection...
Critique de Eniotna (Savenay, Inscrit le 27 juin 2004, 37 ans) - 31 octobre 2004
Prix Nobel de Littérature, ce livre laisse une impression très agréable: l'on dirait qu'il est parfait sous toutes les coutures.
Un livre difficile mais superbe.
Critique de Le petit K.V.Q. (Paris, Inscrit le 8 juillet 2004, 31 ans) - 23 octobre 2004
Kyo, Tchen et les autres
Critique de Nothingman (Marche-en- Famenne, Inscrit le 21 août 2002, 44 ans) - 20 mai 2003
Quand l'homme dépasse l'homme...
Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 69 ans) - 20 avril 2003
Un seul passage suffirait selon moi à justifier les cinq étoiles : celui du don du cyanure où Katov rompt - tel un Christ pragmatique et grandiose - la capsule de poison qui pourrait lui assurer une mort rapide, afin d'en répartir les morceaux entre ses deux jeunes compagnons condamnés comme lui à un supplice infernal. Il leur offre ainsi une mort qui rend la dignité à leur vie et accepte pour lui le sacrifice imaginé par ses bourreaux : être précipité vivant dans la fournaise d'une locomotive. Cette scène dégage une impression d'héroïsme altruiste qui nous touche au plus profond, jusque dans ce détail d'humour noir : l'un des demi-comprimés de cyanure tombe sur le sol boueux, faisant craindre un moment l'échec du geste incroyablement noble de Katov.
Ce n'est pas par hasard si ce roman exceptionnel porte le numéro 1 dans la collection "Folio"...
Citation
Critique de Alizaryn (Bruxelles, Inscrite le 5 mai 2002, 37 ans) - 1 janvier 2003
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