Les Deux morts de John Speidel de Joe W. Haldeman

Les Deux morts de John Speidel de Joe W. Haldeman
( 1968)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Jules, le 7 mai 2002 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (40 528ème position).
Visites : 5 082  (depuis Novembre 2007)

"Puisses-tu vivre en des temps profitables"

Ce livre est le premier écrit par l'auteur qui ne soit pas de la SF. Si ce sujet l’a particulièrement intéressé c'est parce qu’il est lui-même un ancien du Vietnam.
John Speidel, dit « Spider » (la tarentule), est un jeune garçon originaire de Washington qui, pour son malheur, se retrouve au Vietnam en 1968 un peu avant l'offensive du Têt.
Il a laissé au pays celle qu'il considère comme sa fiancée, Beverly, et sa collection de bouquins de SF. Son histoire dans la boue, la peur, la jungle, un fusil enrayé à la main, ne va durer que quatre semaines. Il n'en faudra pas plus pour faire de lui un homme marqué à vie. A la suite d’une embuscade dont il aura été le seul survivant, il rentrera à Washington schizophrène-paranoïaque, ligoté sur une civière, et également traité pour homosexualité à la suite d'une sombre erreur d'un jeune psychologue de l'hôpital militaire Walter Reed.
Commence alors pour lui un long combat contre lui-même, la folie, ses parents, son environnement et cette prétendue homosexualité qu’il n'arrive pas à s’expliquer.
Il ne reverra plus jamais Beverly et n'apprendra que très tard qu’en son absence elle s’était collée avec un certain Lee, activiste hippy engagé dans le mouvement de Martin Luther King. C’est avec Lee et Beverly que nous suivrons les grands événements qui bouleverseront l'Amérique de 1968 : le déferlement hippy et les « sittings » de la jeunesse américaine protestant contre la guerre du Vietnam et les incorporations, les assassinats de Martin Luther King et de Bob Kennedy etc.

Joe Haldeman ne fait pas de cadeaux à l'Amérique des années soixante quand il décrit l’assassinat de Luther King et celui de Bob Kennedy. Il ne se gêne pas pour mouiller Hoover, patron du FBI de l’époque, dans ces deux assassinats. Avec cet homme là, être pour Martin Luther King et pour les droits civiques revenait à être « un dangereux conspirateur » et mis sur une liste noire. Haldeman l’accuse aussi d'avoir été étroitement mêlé aux différentes mafias et c’est la raison pour laquelle il émet la même hypothèse pour l'assassinat de Bob Kennedy. Ce dernier avait entamé une lutte à mort contre les mafias alors qu’il était « attorney general » sous la présidence de son frère.
Mais il n'épargne pas plus l’Américain moyen de cette époque quand il nous décrit les pères de Spider ou de Beverly. Le premier est un alcoolique notoire qui bat sa femme, a l'esprit étroit au point de ne plus accepter de voir son fils car il serait « peut-être » homosexuel. Quant au second, il refuse d’encore voir sa fille parce qu’elle milite pour Luther King. Il qualifie Bob Kennedy de « nègre blanc » et considère que la Californie c’est la Russie. Quant au Gouverneur Georges Wallace voici ce qu'était son programme de campagne : « remettons les nègres à leur place, envoyons les étudiants aux travaux forcés, donnons carte blanche à la police et allons gagner cette putain de guerre. » Le fossé entre les générations n'avait jamais été aussi grand !… Et mai 68 éclatait en Europe.
Un bon bouquin qui peut aider certains à mieux comprendre une époque pour le moins troublée dans l'histoire des Etats-Unis.
J'utiliserai la dernière phrase du livre comme titre de cette critique.

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Les éditions

  • Les deux morts de John Speidel [Texte imprimé], roman Joe Haldeman traduit de l'anglais (US) par Philippe Rouard
    de Haldeman, Joe W. Rouard, Philippe (Traducteur)
    Denoël / Et d'ailleurs
    ISBN : 9782207251478 ; 23,85 € ; 14/03/2002 ; 398 p. ; Broché
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Une vie passée à mourir

8 étoiles

Critique de Heyrike (Eure, Inscrit le 19 septembre 2002, 57 ans) - 28 août 2006

Tout ce que tu souhaitais, c'était contempler les planètes, communier avec l'infini, laisser ton imagination voguer vers des contrées lointaines et futuristes. Cependant, tu n'ignores pas l'importance du temps présent, aussi tu goûtes le bonheur des précieux instants passés à plonger tes yeux dans les secrets de Beverly. Profite, après il ne te restera plus que des souvenirs.

Perdu dans tes rêves, tu es soudain contraint de rejoindre le monde qui t'a vu naître pour y mourir. Ton pays a besoin de toi, tu représenteras ses intérêts dans la jungle Vietnamienne. Affecté dans un premier temps à l'emballage des macchabées, tu te retrouves rapidement à crapahuter dans la jungle. Tu comprends très vite que le poids de ton barda est aussi dangereux que les fantômes en pyjama noir qui te guettent derrière chaque arbre. Dans cette contrée si lointaine et pourtant si présente tu découvres un univers où l'absurdité et l'horreur défient l'intelligence et la compassion.

Les misions se succèdent inlassablement, jusqu'au jour où la peur s'immisce dans ton esprit, mêlée aux souvenirs de jours meilleurs et de fantasmes sexuels qui agitent ton corps, tu glisse petit à petit dans un état second, hanté par des hallucinations effrayantes. L'embuscade tant redoutée survient, tous tes compagnons périssent. Mais toi, tu as moins de chance, tu survis. Dès lors plus rien ne sera pareil. Tu as tout perdu, ta fiancée bouleversée par la cause des noirs, des pacifistes et par le charme d'un hippy, tes parents perdus dans le naufrage de leur couple, ta sexualité hétéro suite au diagnostic étrange d'un médecin peu scrupuleux et ton équilibre mental.

Maintenant que tu as besoin de ton pays, où est-il ? Mis à mal par les convulsions sociales qui l'accablent de toute part, tu ne peux plus compter sur lui, désormais tu es seul. Maintenant que tu as payé le prix du sang versé dans les sillons des champs de batailles inutiles, que te reste-t-il ? Combien de temps encore te poseras-tu cette question ?

Ce roman, très bien construit, raconte l'odyssée d'un jeune américain qui se heurte à l'aberration la plus totale dans une société en pleine ébullition. Si on lui accorde le droit d'aller se faire tuer loin de chez lui, en revanche pas question d'accepter qu'il ait pu être traumatisé par l'horreur de la guerre et encore moins qu'il puisse être libre de son orientation sexuelle. Tout concours a détruire ses aspirations à mener une vie ordinaire et heureuse. Cette histoire se déroule à une époque très agitée d'où émergèrent de nombreux mouvements de revendications qui œuvrèrent avec un volontarisme remarquable à l'élaboration d'une société plus harmonieuse et humaine, alors qu'en même temps une vague de répression terrible s'abattait sur les partisans d'un monde de paix et de justice.

Merci à Jules pour m'avoir fait découvrir cet excellent ouvrage.

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