Touché par la grâce

Musashi, du nom d'un célèbre samouraï, est bien plus qu'un roman ; c'est un récit initiatique, un parcours auquel l'on assiste, et dans lequel chacun pourra puiser inspiration, force, et même, si cela est possible, sagesse.

Pourtant le roman de Yoshikawa n'est pas exclusivement centré autour du personnage éponyme. Son intérêt non plus d'ailleurs ! C'est la force des grandes œuvres écrites : ne pas oublier ni négliger les personnages dits secondaires. Et ici le lecteur est servi avec notamment Otsu, Otsugi, Takuan, le rival Kojiro... sans oublier les jeunes apprentis du "ronin". Il n'y a guère de laissé pour compte et l'on savoure les réflexions des grands maîtres, les sentiments amoureux des personnages féminins (mais pas seulement), les questions incessantes de jeunes enfants.
Il y a presque une mise en abime du lecteur qui se retrouve sur la route en compagnie de Musashi et, à travers ses pensées et ses aventures, entreprend comme ce dernier un long apprentissage... un apprentissage de toute une vie !

Car si le livre nous réserve de beaux moments d'action et de combats (singuliers ou non), la voie du samouraï est bien plus qu'une façon de se battre ; elle est un mode de vie, une philosophie de vie même. Basée sur la découverte, l'apprentissage, l’érudition, l'étude mais aussi le labeur, cette philosophie se révèle complète, étonnante et enviable à beaucoup de points de vue. Suivre cette voie n'est pas chose aisée mais la récompense semble plus que désirable. C'est en tout cas ce que perçoit le lecteur à travers l'évolution du personnage principal.
Pourtant l'auteur nous montre bien les difficultés de ce fastidieux cheminement, il nous met en garde en nous montrant la solitude qui peut peser sur les épaules de l'être humain qui entreprend pareil quête, en relayant les désirs de vengeance des éternels ennemis, en faisant écho aux innombrables rumeurs qui circulent, colportées de villes en villages.

Malgré tout, loin du héros, Musashi est tout à fait ordinaire comme il est rappelé dans le roman, mais ses épaules sont solides, il sait garder sang froid et se révèle être bien plus malin que l'on ne pourrait le présager, en témoigne sa préparation au combat et sa méthode lors des duels mais aussi lors des batailles l'opposant à un ennemi en supériorité numérique.
Ces phases d'action sont là aussi merveilleusement traitées avec un réel souffle épique, un suspense bien amené et une violence mesurée mais réaliste et cohérente avec la rudesse d'un combat au sabre. Et l’enchaînement de dialogues, de narration, de séquences d'action, d'émotion... est parfait, fluide et naturel. Musashi n'est pas un banal roman de cape et d'épée au pays du soleil levant, c'est un trésor de littérature qui amène le lecteur à réfléchir sur sa propre existence et sur sa propre voie, à travers celle d'un autre.

Élégant, long mais passionnant, d'une grande richesse, Musashi atteint le point culminant de son génie à sa toute fin, à travers la préparation d'un duel entre deux adversaires de très haute valeur, la mise en scène de ce duel et sa conclusion.
Touché par la grâce, l'auteur nous gratifie alors d'un instant de poésie pour refermer la fresque somptueuse qui s'est déroulée devant nos yeux encore ébahis de la confrontation finale. Et cette critique ne peut rendre meilleur hommage en finissant par ces mots bénis :

"Le monde est toujours plein du bruit des vagues. Les poissons qui s'abandonnent aux vagues savent danser, chanter, jouer, mais qui connait le cœur de la mer, cent pieds plus bas ? Qui connait ses profondeurs ? "

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  Musashi : La pierre et le sabre et La parfaite lumière

  de Yoshikawa, Eiji Dilé, Léo (Traducteur)
  J'ai lu
  ISBN : 9782290006207 ; 35,58 € ; 16/10/2007 ; 1211 p. ; Broché

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