Les Français sont-ils antisémites ? de Élisabeth Lévy, Robert Ménard, Léonard Vincent

Les Français sont-ils antisémites ? de Élisabeth Lévy, Robert Ménard, Léonard Vincent

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Hiram33, le 21 avril 2011 (Bicêtre, Inscrit le 31 juillet 2006, 55 ans)
La note : 5 étoiles
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Sujet intéressant mais mal approfondi

Les Français sont-ils antisémites ? (Elisabeth Lévy -Robert Ménard)


Introduction


Les Juifs de France ont le sentiment d’être incompris et injustement montrés du doigt. Leur communauté est identifiée à l’Etat d’Israël ou à la « Finance internationale ». La communauté juive de France, dont les parents et grands-parents ont connu l’horreur de la Shoah, s’arc-boute sur son histoire pour se défendre. Les Français sont-ils antisémites ? Agressions, profanations, insultes, procès, émotions collectives, déclarations solennelles... que se passe-t-il, en France, pour que ce débat doive être rouvert ? Pour Elisabeth Lévy, le monde est complexe et difficile à manier. L’antisémitisme existe, mais les armes que l’on utilise contre lui sont trop souvent inutiles ou dangereuses. Robert Ménard a vu l’antisémitisme à l’oeuvre, dans les grands hôtels du Golfe Persique ou les restaurants animés de Beyrouth et il n’a jamais refusé de lui tenir tête. Personnalité non juive, enfant confronté au racisme quotidien, il a eu le courage d’affirmer ses conviction s sous les quolibets de quelques esprits simplificateurs.


Pour Elisabeth Lévy, l’antisémitisme ne désigne pas la détestation d’une religion ou d’une croyance, il prend pour cible un groupe humain, qui prétend au titre de « peuple » mais ne se caractérise pas nécessairement par une foi ou des pratiques confessionnelles. L’appartenance au peuple juif ne va pas forcément avec l’observance de la religion juive. Le mot « antisémitisme » est donc piégé, aussi que le mot « Juif ». Disons qu’il désigne une animosité envers les Juifs auxquels sont octroyés un statut et un poids historique fantasmés. La haine du Juif aujourd’hui n’est pas essentiellement antireligieuse. Elle est politique, culturelle, parfois existentielle. Et elle va de pair avec la haine d’Israël.


Robert Ménard pense que l’antisémitisme est une expérience quotidienne. Quand il était enfant à Oran existait un antisémitisme ordinaire, qui n’était pas forcément fondé sur le mépris ou un sentiment de supériorité, mais sur une méfiance diffuse envers ce « monde à part », sur ces gens « différents ». Rien de comparable bien sûr, avec le fossé qui séparait Ménard des Arbaes. Il affirme que dans le golfe Persique l’antisémitisme est est omniprésent. Une réhtorique haineuse, quotidienne, obsédante. Il s’était rendu en Lybie et le président du syndicat des journalistes lui avait demandé si lui non plus ne croyait pas à l’holocauste. Il pense que le mot « antisémite » doit être employé avec prudence et il ne faut pas l’utiliser à l’égard de propos qui ne seraient que malheureux ou fondé sur des préjugés. Il pense qu’il serait bon que la communauté juive de France fasse preuve d’un plus grand discernement dans l’emploi de ce mot, de crainte que ces accusations excessives ne se retournent contre elle. Il faut opérer une distinction entre les pensées ou propos ordinaires, un peu stupides, et l’antisémitisme pur et dur.


Elisabeth Lévy pense que le premier écueil est donc l’exagération : on voit des antisémites partout. Prenons garde à ne pas traiter d’antisémite toute personne qui nous déplaît ou qui nous critique. Or, une partie de la « communauté juive » a tendance à en rajouter, soit en faisant passer dans la rubrique « antisémitisme » toute critique d’Israël ou des Juifs, soit en extrapolant à la France entière les problèmes qu’elle rencontre, dans certaines banlieues notamment. Il serait absurde de prétendre que l’antisémitisme est le coeur de la vie juive et de la vie des Juifs en France. Ils sont fortement représentés dans l’élite et ne subissent pas de discriminations à l’embauche ou au logement. Le 2è écueil à éviter c’est le refus de voir la montée d’un phénomène inquiétant et en partie nouveau car les antisémites d’aujourd’hui ne ressemblent pas à ceux d’hier. Certains continuent de clamer qu’il est impossible de critiquer Israël sans être traité d’antisémite, alors que selon Elisabeth Lévy, il n’existe aucun autre pays (y compris parmi tous ceux qui commettent de bien plus grands crimes qu’Israël) qui fasse l’objet d’un tel déchaînement haineux. Le nouvel antisémitisme s’est déployé en se planquant derrière la détestation d’Israël, laquelle est considérée comme une évidence, du nouvel avatar de l’humanisme progressiste, par une partie de la population. Les jeunes Français d’origine maghrébine ou africaine trouvent parfaitement normal et bon de détester les « Feujs ». Cette discrimination à l’école reste rare mais elle existe sous diverses formes.


Robert Ménard rappelle qu’Israël n’a jamais respecté une seule des résolutions des Nations unies le concernant et cela, sans faire l’objet d’aucune sanction grâce aux Etats-Unis. L’antisémitisme « classique » soutenait jadis que « les Juifs ne sont pas des Français comme les autres », il a évidemment régressé. En 1946, seul un tiers des Français considérait qu’un Français d’origine juive était « aussi français qu’un autre Français » et en 2000 plus des deux tiers approuvaient l’opinion selon laquelle « Les Juifs sont des Français comme les autres ». Aujourd’hui, ils sont près de 90%.

L’antisémitisme français existe certes encore; il est principalement le fait de personnes âgées, sans diplôme et situées très à droite sur l’échiquier politique. La communauté ne fait pas l’objet de discrimination quotidiennes à l’embauche ou pour l’accès au logement. Elle n’est pas l’objet du « délit de faciès » tant dénoncé de nos jours. La vie quotidienne des Noirs et des Arabes est infiniment plus difficile, en France, que celle des Juifs. L’évolution majoritairement inquiétante est bien l’islamophobie.


Elisabeth Lévy n’est pas d’accord car elle pense que la délinquance ne s’explique pas par la pauvreté et que si les jeunes d’origine africaine détestent la France c’est parce que la France est détestable. Tout ce discours victimaire qui est le fond de sauce de la sociologie médiatique française pénalise ceux auxquels il s’adresse. Elisabet Lévy pense qu’il faudrait leur dire que le seul moyen pour eux d’aller de l’avant, c’est de participer à la promesse française, pas de combattre. Bref d’adopter les codes en vigueur plutôt que de recréer le bled. De ce point de vue « l’intégration » par la voie méritocratique des Juifs arrivés en France au XXè siècle est un succès. Le cas juif pourrait fournir des pistes aux musulmans de France. L’intégration des Juifs a certes été rendue plus facile par le fait qu’ils étaient relativement peu nombreux et disséminés dans la société française. Un Français originaire d’Afrique noire, qui vit dans une ville où la plus grande part de la population est issue de la même communauté que lui, aura tendance à conserver le mode de vie de la majorité.


Robert Ménard pense que l’antisémitisme trouve son terreau dans la gabégie urbanistique et démographique de nos banlieues. Ce qui y est à l’oeuvre, c’est du ressentiment, de l’envie, plus que de l’antisémitisme. Il s’agit plus d’une recherche du bouc émissaire que d’une idéologie.


Elisabeth Lévy pense qu’il existe, en France et dans le monde, un antisémitisme arabo-musulman, parfois un antisémitisme d’Etat. Le nier revient à aggraver la situation. Dans les banlieues, il y a des agressions d’élèves portant la kippa.


Robert Ménard admet que la position de victimes d’une société injuste peut être un beau rôle. Pour peu qu’un professeur reconnaisse à un élève ce statut de victime, il lui fournira, par la même occasion, une foule d’excuses pour tenir des propos antisémites. Il reste qu’il existe une exagération absurde du côté d’une partie de la communauté juive, alimentée par l’exhortation d’Ariel Sharon en 2002 destinée aux Juifs de France à rejoindre Israël le plus vite possible.


Elisabeth Lévy a aussi été enragée par le discours de Sharon. Elle est souvent excédée par les prises de position des Juifs officiels qui incarnent les Juifs communautaires mais ne peuvent en aucun cas parler au nom des Juifs de France. Les points de vue sur les questions politiques ou sociales sont extrêmement variés au sein de la population juive.


Robert Ménard pense que certains mots lui sont interdits parce qu’il n’est pas juif comme l’expression « Loby juif ». Bien sûr, ce terme est terriblement connoté mais qui peut nier qu’il existe un lobby juif comme il y a des lobbies homosexuel ou franc-maçon ? Robert Ménard pense qu’afin de ne pas courir le risque d’être qualifiés de traitres, de nombreux Juifs de France se doivent de vibrer à l’unisson avec Israël, faute de quoi on glose rapidement sur leur prétendue « haine de soi ».


Elisabeth Lévy pense que personne n’a à décerner de brevet de judéité et personne n’a le monopole de la « question israélienne ».



*

Avons-nous affaire, au début du XXIè siècle, à une nouvelle incarnation de l’antisémitisme ?

Elisabeth Lévy pense que l’on retrouve, dans la tonalité d’un certain antisémitisme arabe, celui des médias et celui de la rue, des formes, des fantasmes et un langage rodés contre le Shtelh polonais du XIXè siècle. Une partie du monde arabe est parcourue par un relent des « Protocoles des Sages de Sion », à travers une mythologie effrayante consistant à répéter, entre autres délires, que les Juifs souillent, contaminent les populations autochtone, sont les puissants, les maîtres occultes du monde. En France, certaines attaques ultra-violentes visant Israël évoquent l’apartheid, l’Etat raciste. Les Juifs seraient les nouveaux nazis. A mesure que la Seconde guerre mondiale s’éloigne, il existe une plus grande permissivité ou disons tolérance. Après la Seconde guerre mondiale, l’antisémitisme a cessé d’être une opinion, c’est-à-dire une opinion respectable.


Elisabeth Lévy se demande si, de nos jours et dans des formes complètement différentes, il n’est pas en train de le redevenir.


Robert Ménard explique les raisons de l’antisémitisme arabo-musulman : il existe un tel ressentiment vis-à-vis de l’Occident, accusé, à juste raison, de pratiquer le « deux poids-deux mesures » lorsqu’il s’agit d’Israël et du onde arabo-musulman, que l’on se croit autorisé à aller piocher dans l’antisémitisme européen des raisons supplémentaires de détester Israël. A l’échelle européenne, la même inégalité de traitement a d’ailleurs cours. Rappelons-nous le tollé et les manifestations de défiance des responsables européens lorsque le parti d’extrême-droite de Haider est entré dans le gouvernement autrichien. Rien de tel lors de l’entrée de l’extrême-droite dans le gouvernement israélien.


Elisabeth Lévy rappelle que l’antisémitisme arabe n’est pas né avec la création d’Israël, même s’il avait souvent jusque-là un caractère vaguement « bon enfant ». Elle pense qu’il n’est pas raisonnable de parler aussi légèrement de « massacre » ou de « génocide » par rapport aux Palestiniens.


Robert Ménard ne veut pas qu’on minimise les crimes de guerre d’Israël et les 1 400 morts de l’offensive menée à Gaza en 2008. Le juge Sud-africain Goldstone a parlé de crimes contre l’humanité à ce sujet et son rapport n’est pas partial car Goldstone est juif et sa mère est sioniste. Israël et le Hamas peut être mis sur le même plan.


Elisabeth affirme que les crimes d’Israël ont été punis mais Robert Ménard pense que cela l’a été rarement. Le bilan d’Israël en terme de droits de l’homme est accablant. Il maintient que l’appropriation du négationnisme par le monde arabo-musulman est principalement destinée à mettre en cause Israël. La Shoah ne fait pas partie de son histoire.


Elisabeth Lévy a le sentiment que l’antisémitisme est une réalité inquiétant depuis l’article de Taguieff « Les nouveaux visages de l’antisémitisme » paru dans Le Figaro, le 8 octobre 2001. Son père a commencé lui parler d’actes d’intimidation commis par des gamins à capuche. C’est à ce moment-là qu’un discours antisémite à peine maquillé a pénétré les marges de la gauche française. On a vu des organisations révolutionnaires copiner avec le Hezbollah. L’obsession judéo-israélienne est devenue la seule antienne des défenseurs des opprimés.


Pour Robert Ménard, l’intensification de l’antisémitisme date de la 2è Intifada.


Elisabeth Lévy dit que pendant des années, l’antiracisme et l’air du temps ont masqué la réalité. Mais dès la 1ère guerre du Golfe, au sein de SOS Racisme, il y avait des tensions entre Juifs et musulmans.


Robert Ménard rappelle les propos de l’abbé Pierre contre le « Lobby sioniste international » en 1995. Qu’il ait été radié du comité d’honneur de la LICRA, Robert Ménard trouve ça ridicule. De même pour la campagne dirigée contre Renaud Camus en 2000.


Elisabeth Lévy pense que l’abbé Pierre aurait pu s’abstenir de défendre son ami Roger Garaudy. Elle pense que Renaud Camus n’est pas antisémite. Elle n’a pas aimé l’article cosigné par Edgar Morin, celui où il était question, au sujet des Israéliens, de la race des seigneurs mais elle a trouvé atterrant et grotesque qu’on le traîne devant les tribunaux pour antisémitisme.


Robert Ménard rappelle que le dernier rapport de la CNCDH explique clairement qu’ »à gauche et à l’extrême-gauche, les plus hostiles à la politique d’Israël sont souvent, en même temps, les moins antisémites ». Il pense que cela signifie que cette idée selon laquelle l’antisionisme de gauche procèderait systématiquement d’un antisémitisme structurel est une fable.


Elisabeth Lévy pense que lorsqu’on rencontre des antisionistes concrets, on se rend compte qu’ils ne font pas une claire différence entre Juif et sioniste. L’antisionisme réel remet en cause la légitimité d’un Etat qui existe. Israël est l’un des seuls Etats au monde dont l’existence même est en permanence remise sur le tapis. La gauche radicale est dénoncée par Elisabeth Lévy. Elle rappelle la liste Europalestine à laquelle participait le dessinateur Siné, qui a fait huer des noms juifs qualifiés de « sionistes ». Alain Badiou affirme que le Juif est ce qui contrevient à l’universalisme. Il souhaite que les Juifs abandonnent leur identité juive !


Robert Ménard pense que la politique menée par Israël a de quoi décourager les esprits les mieux disposés. La métamorphose des victimes d’hier en oppresseur d’aujourd’hui a profondément ébranlé les consciences.


Elisabeth Lévy défend Israël en rappelant le bombardement des frontières et les bombes humaines. Elle pense que les dirigeants israéliens devraient avoir le courage d’imposer à leur peuple la seule solution viable, celle de deux Etats.


Robert Ménard estime que le sionisme, mouvement de libération nationale, est en même temps une organisation coloniale. En Cisjordanie, le nombre de colons a été multiplié par dix en dix ans près de la moitié de ce « territoire disputé ». Robert Ménard reconnaît que les Palestiniens sont dirigés par une caste corrompue, brutale et liberticide.


Elisabeth Lévy reconnaît que la création d’Israël a été une injustice fondamentale pour les Palestiniens. Elle pense que la colonisation de la Cisjordanie et de Gaza ne correspond pas au coeur du projet sioniste mais elle ne développe pas ce point. Elle pense que l’antisémitisme a connu une mutation en France car la compétition sociale dans les cités s’est jouée sur le terrain de l’Islam : c’est à celui qui sera le plus religieux et qui fréquentera le moins les « céfrans ». Vous ajoutez le pouvoir de convocation de la télé et vous comprenez pourquoi des gamins nés à Aubervilliers se rêvent en héros défiant les chars israéliens.


Robert Ménard pense que certains utilisent la glorification des lanceurs de pierres palestiniens pour habiller d’une couleur qu’ils estiment valeureuse leurs méfaits de petits voyous. Il dit que dans certains quartiers, s’affrontent des bandes juives et arabes dont le seul enjeu est le contrôle de territoires, rien de plus. Il revient sur l’affaire Fofana et estime que toutes les victimes de ce criminel n’étaient pas juives et qu’il s’agissait d’un raisonnement de communauté. Ils se sont sans doute bêtement dit que les Juifs étaient mieux intégrés, mieux acceptés, solidaires et prospères.


Elisabeth Lévy rappelle que lors de son procès, Fofana lançait des diatribes de haine antijuive et il ne s’agissait plus seulement de préjugés communs. Elle dit que quand un gamin juif se fait agresser à l’école, elle trouve un peu énervant qu’on parle d’affrontements communautaires.


Robert Ménard souhaite qu’on ne voie pas de l’antisémitisme partout et toujours. C ‘est pourquoi, quand Richard Prasquier dit que « les Juifs de France ont peur », Ménard trouve que c’est faux, absurde et dangereux pour les Juifs eux-mêmes de le laisser entendre. Il parle du dîner annuel du CRIF et pense que quand le gouvernement de la République est sommé chaque année de s’expliquer sur la politique de la France à l’égard d’Israël et sur sa politique vis-à-vis de la communauté juive de France cela est inadmissible. Il pense que lorsque le grand rabbin de France, Gilles Bernheim dénonce « les actes violents et antijuifs qui se multiplient et se banalisent, lorsqu’il prétend que le mouvement palestinien entend « faire disparaître Israël de la carte », que les auteurs d’actes antisémites amalgament la politique de l’Etat israélien à l’égard des Palestiniens avec l’ensemble de la communauté juive et « le fait payer » à leurs compatriotes français de confession juive, il ne fait que jeter de l’huile sur le feu. Mais en disant cela Robert Ménard semble minimiser les actes antisémites pratiqués en France.


Elisabeth Lévy elle aussi n’aime pas le dîner du CRIF où l’on voit chaque année des responsables juifs récriminer contre la République face à des ministres dociles.


Robert Ménard revient sur les faux attentats antisémites comme l’affaire du RER D, où une jeune femme d’Aubervilliers a inventé de toutes pièces son agression. La précipitation des condamnations des politiciens est désastreuse.


Elisabet Lévy rappelle qu’il n’ y au que deux faux attentats antisémites. Elle dit qu’elle aime Israël non pas parce qu’il s’agit de l’Etat des religieux juifs, mais parce qu’il s’agit de l’Etat des Juifs comme peuple. Elle n’irait pas y vivre mais elle y est attachée. Elle est consciente que les zones peuplées par les Arabes israéliens sont délaissées par les investisseurs ou souffrent d’une négligence économique et sociale mais elle ne veut pas entendre parler d’apartheid. Des députés arabes, à la Knesset, revendiquent leurs droits chaque jour et demandent l’abolition de l’Etat juif. Il existe en Israël une presse arabe infiniment plus libre que la presse palestinienne.


Robert Ménard pense lui aussi que parler d’apartheid est exagéré mais il reste qu’Israël n’est pas une démocratie pour tous.


Elisabeth Lévy est assez sceptique sur l’existence du CRIF car il a tendance à se comporter comme une deuxième ambassade d’Israël. Pour elle, une représentation politique des Juifs de France n’a pas de sens. Chaque communauté va inviter la République à sa table pour faire entendre ses revendications, concrètes ou symboliques et nos gouvernants finiront pas ne plus s’adresser qu’à des clientèles diverses lesquelles obtiendront satisfaction en fonction de leur poids électoral.


Robert Ménard dit que si les Juifs ont parfaitement le droit de revendiquer leur attachement à Israël, ils n’ont pas à attendre que la France fasse de même. Il dit que certains pensent que le problème n’est pas l’antisémitisme, mais au contraire un philo-sémitisme qui avantagerait les Juifs dans la société.


Elisabeth Lévy veut relativiser en rappelant que lorsque l’on répète sans réfléchir que le conflit israélo-palestinien est l’un des plus meurtriers du monde, c’est simplement faux. Il y a un gouffre entre la vindicte réservée à Israël et ce que nous tolérons dans le monde entier. Elle dit que la Shoah est centrale pour le Xxè siècle et pour l’Europe, mais elle ne peut fonder ni un projet politique, ni une religion laïque. Elle ne voit pas, comme certains, l’empreinte permanente de la Shoah dans la vie politique israélienne. Elle croit qu’Israël devrait admettre qu’il s’est fondé en expulsant des populations arabes des territoires sous son contrôle.


Robert Ménard pense qu’on ne peut imposer une sorte de hiérarchie des souffrances : pourquoi Auschwitz plutôt que le Goulag ? Parce que la souffrance des Juifs est unique ? Du coup, chacun a envie d’avoir sa Shoah, être l’objet d’une compassion et d’une culpabilité universelles. Qu’il s’agisse de l’esclavage, de la colonisation ou d’Auschwitz.


Elisabth Lévy n’aime pas ce ressassement mémoriel qui ne se déploie que que sous le regard des caméras et ne fait pas avancer la connaissance historique.


Robert Ménard pense que la loi Gayssot a engendré la surenchère. Demander l’abrogation de toutes les lois mémorielles sauf la loi Gayssot n’éteindrait nullement la guerre des mémoires, ce serait au contraire, le nourrir.


Elisabeth Lévy pense que la loi Gayssot ne protège pas une vérité en tant que telle, mais une décision de justice internationale énoncée par le Tribunal de Nuremberg. Pourtant elle pense que le bilan de la loi Gayssot n’est pas positif car le recours à la loi signifie qu’on renonce à argumenter, c’est-à-dire à faire appel à la raison.


Robert Ménard trouve dangereux de demander à des juges de dire la vérité de l’histoire. Il rappelle que le Tribunal de Nuremberg incarnait la justice des vainqueurs. Pour lui la loi Gayssot a produit Dieudonné et une foule de sots ou de pervers qui ne professent des théories que parce qu’elles sont interdites, à l’instar d’un Thierry Meyssan et ses élucubrations sur les attentats du 11 septembre. Interdire un point de vue, fût-il absurde ou révoltant, c’est offrir une tribune et des arguments à quelques abrutis qui prennent avec une grande facilité des poses de martyrs de la liberté d’expression. Après avoir écrit « La censure des bien-pensant » Robert Ménard a été accusé d’être l’ami des négationnistes. Il voulait juste critiquer la loi Gayssot.


Elisabeth Lévy a été énervée par le livre de Robert Ménard sur la censure parce que pour lui, la censure la plus grave et la plus pesante est celle qu’exerçait les Juifs au nom du « devoir de mémoire ». Pour Elisabeth Lévy, la seule opposition à la loi Gayssot est inaudible si l’on ne peut pas en détailler les raisons. Elle pense que les non-Juifs ont autant le droit de s’opposer à la loi Gayssot que les Juifs.


Robert Ménard ne pense pas que tout puisse être dit mais s’il existe des propos que l’on doit moralement condamner, ils ne nécessitent pas toujours une sanction judiciaire. Il trouve que c’est la France qui a les lois les plus dures contre l’antisémitisme et qu’il est inutile de les renforcer. Jean-Christophe Rufin voulait pénaliser l’antisionisme et Robert Ménard y est opposé. Robert Ménard parle de « L’industrie de l’Holocauste » de Finkelstein. Les procès pour incitation à la haine raciale intentés contre Finkelstein ont échoué et Robert Ménard s’en réjouit. Il pense que ce sont les individus qui doivent être protégés, non les communautés. Il a été « témoin de moralité » de Dieudonné car il estimait qu’aucun procès ne devait être intenté contre lui. Il pensait que le problème posé par ses déclarations ne relevait pas d’une enceinte contre lui. Après cela Robert Ménard affirme quand même qu’il combat les positions de Dieudonné


Elisabet Lévy a discuté avec Dieudonné en juin 2009 et elle a découvert un type parfaitement vide, qui n’avait aucun argument et aucune pensée. Elle pense que Dieudonné doit croire que les Juifs lui ont barré la route. Elle est effrayée par sa popularité et elle ne le trouve pas drôle. Elle pense que Robert Ménard n’est plus audible quand il se retrouve aux côtés de Dieudonné, sur les bancs de la défense.


Robert Ménard se compare à Chomsky qui a défendu la liberté d’expression pour Faurisson.


Elisabeth Lévy ne trouve pas admirable le soutien de Chomsky à Faurisson. Elle ne trouve pas si grave qu’un faussaire patenté ne puisse s’exprimer librement.


Robert Ménard pense que la société est plus attentive au malheur des Juifs qu’à celui des Noirs. Il pense que la multiplication des commémorations du génocide des Juifs sous le joug nazi et des discours sur l’absolue singularité de la Shoah a un effet pervers : dans un monde de concurrence mémorielle, chacun a logiquement envie d’être l’objet d’une compassion et d’un repentir universels.


Elisabeth Lévy pense que dans quelques siècles, la Shoah se trouvera au même niveau d’éloignement historique que l’esclavage aujourd’hui. L’attention plus intense portée au génocide des Juifs d’Europe s’explique par sa proximité. Cette religion de la mémoire a fait écho à 20 ans de silence sur la Shoah qui n’est devenue une question qu’à la fin des années 60. Elisabeth Lévy pense qu’on en a trop fait et surtout mal fait depuis.


Robert Ménard est obsédé par le comparatisme mémoriel. Il veut toujours croire qu’il y a des victimes de 2è catégorie. Il s’oppose à Taguieff lorsque ce dernier dénonce l’aveuglement des milieux politiques de gauche sur les manifestations de la haine antijuive.


Elisabeth Lévy pense que c’est le discours du Vel’ d’Hiv’ prononcé par Chirac en 1995 qui a ouvert le guichet de la repentance.


Robert Ménard regrette que les violences analogues à celles faites aux Juifs trouvent moins d’écho quand il s’agit d’autres communautés.


Elisabeth Lévy et Robert Ménard trouvent que la HALDE est ridicule et donnent des exemples de sa bêtise. Ils souhaitent sa dissolution. Par rapport aux discriminations que subissent les Noirs et les Arabes, Elisabeth Lévy pense que l’intégration n’est pas une partie de plaisir.


Robert Ménard, pied-noir, s’est fait traiter de « sale Arabe » quand il est arrivé en France en 1962.


Elisabeth Lévy dit qu’avec de la bonne et, malgré les difficultés, toutes les minorités qui se sont installées en France ont accepté de renoncer à certaines spécificités. Elle pense que les immigrés ont le choix : se plaindre et reporter la faute sur les autres, ou se battre pour s’intégrer. Lorsque la différence culturelle devient une revendication, lorsque l’installation de populations change les villes, les citoyens qui vivaient sur place se recroquevillent dans la peur.


Robert Ménard refuse les discours justifiant l’absence de courage, d’efforts et d’ouverture aux autres. Il se refuse à fournir des excuses faciles à n’importe quel voyou sous prétexte qu’il est issu d’un quartier difficile.


Elisabeth Lévy est favorable à la loi sur le voile car refuser de se dévoiler à l’école était une façon de dire : je ne me plierai pas aux coutumes en vigueur chez vous, c’est vous qui devrez vous plier aux miennes.


Elisabeth conclut en disant que les Juifs devraient cesser d’être aussi sensibles et sans doute être plus sensibles et sans doute être plus sensibles aux souffrances des autres.

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