Dans la nuit noire

Ce petit livre estampillé Manuela Draeger et principalement destiné au jeune public de L’école des loisirs nous offre une nouvelle plongée en univers post-exotique, aux confins du rêve et de la réalité, dans un monde étrange qui nous est pourtant familier. Pour les amateurs de Volodine, il le sera plus encore que pour les autres : les parallèles avec les Songes de Mevlido sont nombreux, au point qu’on peut se demander si ce court roman n’en était pas une première ébauche, en tout cas certains des éléments du grand roman de Volodine s’y trouvent : une fille craquante avec un avatar ailé, le Fouillis…

Quant au reste, l’histoire est moins sombre que dans le roman de Volodine ; elle est tout aussi onirique. Il y est question de Bobby Potemkine et Lili Nebraska, personnages récurrents de l’œuvre de Manuela Draeger chez L’école des loisirs, qui incarnent à eux deux tout ce qui reste de la police : Lili pour les affaires courantes, Bobby pour les affaires bizarres. C’est bien sûr ce dernier qui est sollicité lorsqu’une maison sort de nulle part, tout comme une goélande verte absolument craquante et qui l’appelle « Mickey ».

A partir de là, on évolue donc dans un monde propre au courant post-exotique, bien sûr, mais aussi parfois proche de Boris Vian, du fait notamment de l’importance de la musique, d’un style qui rappelle par endroits L’écume des jours avec son cortège d’inventions du langage et de métaphores féeriques. Les incantations, les rêves où l’on est soi tout en ne l’étant plus tout à fait, dans lesquels on oublie tout, se mêlent donc à un monde « réel » fait de chiens virtuoses au nanoctiluphe et de mouches orchestre de jazz. La frontière est ténue : « J’ouvrais et je fermais les yeux, alternativement. La différence n’était pas très grande. »

Je ne pourrais pas dire comment un adolescent percevrait ce roman qui leur est pourtant destiné en premier lieu. Ce serait certainement un pari risqué de mettre ce livre entre des mains qui ne tournent les pages qu’à contrecœur : comme toute œuvre post-exotique, celle-ci parle plus aux sens qu’à la raison, aussi est-il nécessaire de l’aborder avec bienveillance pour vraiment en jouir. Si tant est qu’on accepte de pénétrer dans l’univers de Manuela Draeger, cependant, ce livre nous offrira, le temps d’une heure ou deux, le bonheur de plonger à nouveau dans cet univers fascinant qui nous devient, œuvre après œuvre, toujours un peu plus familier. Quoi qu'il en soit, c'est une oeuvre intelligente, une bonne introduction à la vraie littérature et, surtout, un très beau rêve. Alors, prenons le pari : le jeu en vaut largement la chandelle.

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  Le deuxième Mickey [Texte imprimé] Manuela Draeger

  de Draeger, Manuela
  l'École des loisirs / Médium (Paris. 1986)
  ISBN : 9782211071895 ; 7,10 € ; 05/09/2003 ; 55 p. ; Broché

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