Générosité de Richard Powers

Générosité de Richard Powers
(Generosity: an Enhancement)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Jules, le 15 avril 2011 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 79 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (3 060ème position).
Visites : 5 087 

Pour le moins troublant

Ce livre est pour le moins particulier ! Rien à voir avec son chef d’œuvre « Du temps où nous chantions » ni avec « La chambre aux échos » qui a obtenu le National Book Award. Il a cependant été nommé « meilleur livre de l’année par le New York Times en 2009.

Toute cette histoire tourne essentiellement autour de deux personnages. Tout d’abord Russell Stone, jeune homme d’une trentaine d’années ayant écrit, et publié, quelques textes qui ont eu un certain succès. Mais la grande vedette est Thassadit Amzwar qui est une très jeune femme Berbère.

Russell Stone, à son grand étonnement, se retrouve professeur de lettres au Mesquakie College. Outre Thassadit il a encore cinq ou six autres étudiants. Il va s’appuyer sur un grand nom pour donner ses cours en utilisant des conseils de celui-ci quant à l’écriture du genre « donnez vie à votre écriture » ou « La grande écriture est toujours réécriture »

Thassadit a vu ses parents tués, toutes les horreurs commises par les intégristes dans son pays, ainsi que le manque total de liberté qui y règne. Elle est alors passée par Alger, Paris et Montréal avant que d’arriver aux Etats-Unis où elle a obtenu une bourse.

Elle est petite et très belle avec son teint mat et ses superbes yeux noirs aux profondeurs abyssales. Mais là n’est pas le problème… Ce qu’elle a surtout de tout à fait particulier c’est que tout ce qu’elle a vu et vécu ne semble en rien avoir altéré son caractère. Elle rayonne littéralement le bonheur.

« Sans doute la réfugiée la plus radieuse au monde » « Dix ans de bain de sang organisé ont réduit un pays de la taille de l’Europe occidentale à l’état de cadavre ambulant. Et Thassa a surgi de ce monde, aussi radieuse qu’une mystique en extase. »

Troublé par cet état de fait Russell Stone va consulter une psychiatre. Celle-ci, Candace, lui parle de deux types de « maladie » qui présentent ce type de comportement : l’hyperthymie qui est inoffensive et l’hypomanie qui a besoin de soins « Toute cette jubilation n’attend qu’une occasion pour s’écrouler. »

Thassa finira par découvrir la préoccupation de Russell à son sujet. Tout en l’énervant un rien, cela va la faire rire.

Où cette éternelle joie va-t-elle mener Thassa, Russell, Candace et les autres élèves du cours ?

Pourquoi ce livre serait-il difficile ?

Tout d’abord parce qu’il est écrit comme si nous avions affaire avec des plans d’un film et non pas à un simple texte narratif. En plus certaines choses semblent ne rien à voir avec notre histoire. Il en va ainsi des recherches d’un certain savant sur la prolongation de la vie humaine vers les cent cinquante ans, si pas plus et ses éventuelles conséquences. Il nous arrivera souvent de nous sentir perdu. Que vient faire ce personnage ?

On reste accroché, un peu péniblement, par l’intelligence du texte exemple :

« Tomkin :

« Je dis qu’à la seconde où vous affirmez : « Ce sont mes gènes qui m’ont obligé à faire ceci ou cela », toute responsabilité disparaît. Et à la seconde où vous annoncez à de futur parents : Nous allons donner à vos enfants les caractéristiques que vous désirez et éliminer les autres ». vous transformez l’humanité en fast-food franchisé. »

Un autre : « La satisfaction véritable exige que l’on s’affranchisse de tout désir. La poursuite du bonheur fera notre malheur. Notre seul espoir est de rompre avec cette habitude. »

Et il y en a des paquets d’autres !... Le livre en est truffé !

Voilà donc un livre qui demande à chaque instant une grande concentration. Mais il en vaut la peine !

Connectez vous pour ajouter ce livre dans une liste ou dans votre biblio.

Les éditions

  • Générosité [Texte imprimé], un perfectionnement Richard Powers traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean-Yves Pellegrin
    de Powers, Richard Pellegrin, Jean-Yves (Traducteur)
    le Cherche midi / Collection Lot 49
    ISBN : 9782749114910 ; 2,98 € ; 17/03/2011 ; 471 p. ; Broché
  • Générosité [Texte imprimé], un perfectionnement Richard Powers traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean-Yves Pellegrin
    de Powers, Richard Chauvin, Serge (Traducteur)
    10-18 / 10-18
    ISBN : 9782264050960 ; 9,10 € ; 16/08/2012 ; 473 p. ; Poche
  • Generosity: An Enhancement de Powers, Richard
    de Powers, Richard
    Picador
    ISBN : 9780312429751 ; 16,09 € ; 03/08/2010 ; 322 p. ; Broché
»Enregistrez-vous pour ajouter une édition

Les livres liés

Pas de série ou de livres liés.   Enregistrez-vous pour créer ou modifier une série

Pour vivre heureux, vivons cachés

10 étoiles

Critique de Isad (, Inscrite le 3 avril 2011, - ans) - 8 septembre 2013

La construction du livre est aussi intéressante que l’histoire. L’auteur nous parle directement parfois de son point de vue omniscient d’un ‘‘je’’ assumé pour nous éclairer sur ses difficultés ou ses doutes. Il focalise ensuite la narration en observant vivre les quelques personnages principaux. Autre particularité, le nom ou le prénom ou les deux accolés sont utilisés indifféremment pour désigner la personne qui intervient, ce qui déroute un peu au début.

Par ailleurs on sent que l’auteur a réfléchi sur le sujet et a consulté de nombreuses sources dont il fait indirectement état. De même les controverses sur l’inné et l’acquis, le rôle héréditaire des gènes qui atténue la responsabilité et le libre-arbitre sont abordées dans les conversations entre les différents protagonistes. Font également toile de fond le rôle de la science, son instrumentalisation, les start-up et leur mode de fonctionnement pour récolter des fonds, les scoops et le journalisme à sensation pour produire de l’émotion et faire vendre. L’écriture, le travail de l’écrivain et son exigence, la psychologie et ses protocoles éthiques forment aussi la trame de ce livre.

Tout cela pour dire qu’à travers l’histoire des problèmes contemporains passionnants sont mis en scène.

Un correcteur de magazine introverti anime un atelier d’écriture en remplacement pour un semestre dans une université à des étudiants d’art. Une des étudiantes dont le prénom signifie générosité dans la langue kabyle est toujours d’une bonne humeur contagieuse malgré son passé (guerre civile, mort de ses parents, immigration). Il consulte une des psychologues de l’établissement car il a lu des articles sur les personnes hyperthymiques et craint des retombées dépressives. Une journaliste impertinente qui présente des émissions scientifiques interroge un chercheur qui a créé plusieurs sociétés dans le génie génétique et travaille sur les prédispositions génétiques à être heureux. Ce dernier entend l’histoire de la jeune étudiante perpétuellement joyeuse et qui n’a pas voulu porter plainte contre un de ses camarades qui a essayé de la violer lors d’une soirée arrosée. Il souhaite que son équipe l’étudie pour parfaire ses conclusions et publier. A partir de là, les médias se déchaînent dans tous les sens et bouleversent une vie simple.

IF-0913-4089

Le gène du bonheur

10 étoiles

Critique de Nav33 (, Inscrit le 17 octobre 2009, 76 ans) - 6 janvier 2013

Le gène du bonheur existe-il ou s'agit-il d'une imposture au même titre que le gène de la violence etc.. ? Au delà de cette formule lapidaire est-ce qu'un groupe de gènes prédisposerait à des états mentaux particuliers , agissant dans le cerveau mieux que des antidépresseurs ?
Une jeune Berbère Thassa Amzwar rescapée d'une épouvantable série de massacres qui a décimé toute sa famille participe à l'atelier d'écriture de Russel , temporairement professeur de littérature dans une université de Chicago . Russel est pessimiste et un peu dépressif. (L’évolution aurait conduit à privilégier la survie des pessimistes , plus sur leurs garde pour ne pas être la proie de leurs prédateurs) . Thassa , elle , rayonne en permanence d'une félicité communicative. Russel , fasciné comme ses étudiants par Thassa consulte une psychologue de la même université . Thassa a-t-elle besoin d'être protégée ? Va-t-on abuser d'elle? Finalement il y aura bien un dérapage et le phénomène Thassa finira par faire l'objet d'un article de journal , article qui sera repéré par la veille scientifique d'une entreprise de recherche en génie génétique crée par Thomas Kurton , charismatique spécialiste de la génomique . Un des projets de recherche à long terme de cette société vise à relier des profils psychologiques d'individus et les variations génétiques entre ces individus. Thassa serait-elle la perle qui pourrait couronner l' échantillon ? Sera-t-elle identifiée, quel sera le résultat ? Son anonymat sera-t-il protégé et sinon que lui arrivera-il dans la jungle des médias , d'internet et dans la compétition des publications scientifiques et des demandes de brevets et des contrats d'exploitation. Quel rôle veut jouer Thomas Kurton ? Lui croit que nous sommes au stade où nous ne serons plus seulement objet, mais aussi acteur de l’évolution . Es-t-il complètement dans l’erreur ? Ceux qui le financent n’ont pas la même vision , ni les mêmes échéances. Les médias , même ceux de la vulgarisation scientifique en remettent des couches de simplifications et veulent du spectaculaire et de l’audience.
Tout cela peut paraître un peu aride, mais contrairement à mon résumé se lit comme un polar. Comme toujours chez Richard Powers plusieurs thèmes de réflexions se croisent. Il y a aussi celui de l'écriture. L'auteur nous fait partager son vertige par rapport à l'infinité des suites qu'il pourrait donner à chaque étape de son intrigue La liberté de l'écrivain est totale. Il y a cependant une attente implicite du lecteur. Je dirais qu'il y a une ligne de plus grande pente. Il me semble que RP fait le lien implicite avec la question du déterminisme génétique qui est un des objets principaux de l'ouvrage. Par exemple la majorité de nous , les lecteurs se demandent ainsi assez longtemps ce que va devenir la relation platonique entre Russel et la psychologue et RP finit par répondre à leur attente sur ce point! Nous, lecteurs, finissons par nous attacher aux personnages de fictions qui nous accompagnent pendant quelques centaines de pages. Qu'en est-il de l'auteur? Est-il dupe de sa propre création ? Sur ce point aussi RP conclut son roman d’une manière élégante et subtile dans la dernière page.
La richesse de ce livre est telle qu’on ne peut en quelques lignes qu’éclairer quelques aspects et nul doute que chaque lecteur voudra en privilégier d’autres

Forums: Générosité

Il n'y a pas encore de discussion autour de "Générosité".