Mon couronnement de Véronique Bizot

Mon couronnement de Véronique Bizot

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Lutzie, le 28 janvier 2011 (Paris, Inscrite le 20 octobre 2008, 60 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 5 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 3 étoiles (56 209ème position).
Visites : 2 531 

Rien que le titre !

C'est un tout petit livre, publié chez Actes Sud, et dont la couverture évoque un peu Jean-Michel Folon. Un bonhomme, assis sur l’à pic d’une montagne, regarde droit devant lui, d’un air qu’on imagine étonné ou amusé.

Or donc une grosse nouvelle, un opuscule, dirons-nous. C’est dense en apparence, pas de dialogues, les chapitres sont constitués de longs paragraphes. Pourtant, cela ne nuit en rien. Les phrases sont équilibrées, on passe d’un sujet à un autre, on y revient. La lecture, loin d’être pesante, est un bonheur. La narration est drolatique, distanciée, c’est un vieillard qui s’exprime, on l’imagine un peu, actualité oblige, grand, sec, l’œil vif, genre Stéphane Hessel, quoique lui est carrément flageolant. Et surtout que, loin de venir secouer le cocotier, il ne souhaite qu’une chose : qu’on lui foute la paix et qu’on le laisse vivre tranquille avec sa Madame Ambrunnaz attentive et attentionnée.

Car elle lui est tombée dessus sans qu’il ait rien vu venir, cette récompense pour de hauts faits scientifiques datant de plusieurs décennies, et dont les conséquences portent seulement leurs fruits. Quand on est nonagénaire, fatigué, fataliste, foutraque, qu’on a pour seule compagnie une dame qui range sans faiblir le boxon de l’appartement, et pour seul horizon le va-et-vient pressé des piétons de la rue St Lazare voire un coup d’œil rapide entre voisins, de voilage à voilage, eh bien… apprendre, par la bande qu’on s’est vu décerner un prix prestigieux à titre quasi pré-posthume, forcément ça bouscule. Et pas que la vie quotidienne. Outre devoir s’acheter un costume, il va aussi falloir se farcir des tas de gens limite indésirables. A commencer par la frangine fouineuse et autoritaire, qui ose repasser derrière Madame Ambrunnaz. Ou le frère, sorte de PPDA de la littérature, qui publie au kilo, entretient ses réseaux, sa forme, ses biscoteaux. Et le fils aussi, un galopin retraité, qu’il voit une fois tous les dix ans et a osé racheter dans son dos sa propre maison dont il ne voulait plus jamais rien entendre… Ah, et puis Louise surtout, sans doute son seul amour vrai, la petite sœur dont il n’a plus reçu de nouvelles depuis soixante ans au moins, et toujours si présente, si vivace…

Bon, là, je me relis et je pense : Ouh là, mais c’est sinistre, ce que tu racontes ! Donc, virage sur la jante toute : livre sur la vieillesse, oui. Livre fin, piquant, ironique, coloré, d’une cocasserie absolue, bref réjouissant, oui aussi. Chaque chapitre contient des passages à l’origine d’une authentique jubilation. La description du labo poussiéreux et des chercheurs gris souris est un grand moment. Le voisin, et unique docteur autorisé, est… médecin-légiste ! L’amoureux de Louise avec qui elle file aux antipodes en plantant là son tout juste époux, est le prêtre qui vient d’officier. La visite au frère, dans son chalet perdu au bout d’un chemin où aucun véhicule ne peut passer, et la randonnée qui suit, sont épiques. La description de la neurasthésie de l’épouse décoratrice (dévastatrice ?) est… facétieuse. L’achat du costard, avec le fiston gai comme un pinson (oxymore), en vue de la réception officielle, est un régal. Sans parler de la journaliste dont la chevelure flamboyante l’hypnotise, mais pas venue exactement pour lui. Ou la recherche de cet ami d’enfance, avec une scène d’anthologie. Ou cet escabeau planté au milieu du salon, et auquel il s’accroche, bouée contre la marée humaine venue le congratuler. Ou les cinq paires de lunettes qu’il recherche désespérément…

Il est frappant d’écrire aussi finement sur la vieillesse quand on est une femme encore jeune. On ressent la sympathie profonde de l’auteur pour son héros brinquebalant. Cela ajoute au plaisir purement littéraire d’un style délicat, enlevé, et j’oserai, novateur. Car il y a une tonalité rare dans ce court roman, qui vous embarque par son naturel. C’est ça, la classe.

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Les éditions

  • Mon couronnement [Texte imprimé], roman Véronique Bizot
    de Bizot, Véronique
    Actes Sud / Domaine français (Arles).
    ISBN : 9782742788033 ; 2,98 € ; 06/01/2010 ; 107 p. ; Broché
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Dommage

2 étoiles

Critique de Didoumelie (, Inscrite le 5 septembre 2008, 52 ans) - 1 mai 2012

Je suis entièrement d'accord avec la critique de Fanou, ce livre aurait mérité un développement plus en profondeur pour que je m'y intéresse tout à fait.
Il s'agissait là de mon tout premier roman de cet auteur, qui ne m'a pas envie d'en lire un autre, hélas.

un roi sans divertissement

2 étoiles

Critique de Fanou03 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 49 ans) - 13 mars 2011

Le récit de ce scientifique à la retraite décoré pour une découverte qu’il avait fait étant jeune n’a pas réussi à m’intéresser. La trame narrative tient à un fil fragile et il est bien difficile d’être emporté par l’univers un peu triste et gris de ce vieux monsieur.
On comprend bien que tout cela est un prétexte à une réflexion sur le temps qui passe, et on trouve le temps long effectivement ! Et ce n’est malheureusement pas le style de Véronique BIZOT, sans respiration, sans dialogue, sans poésie qui va venir compenser l’inanité du sujet.
Voilà sans doute un court roman qui aurait mérité, pour le coup, un développement plus long tant les pistes sont riches autour de la vieillesse, de la science et de la solitude. Un peu d’ambition et de souffle aurait été décidément le bienvenue.

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