En route vers l'Ouest de Jim Harrison

En route vers l'Ouest de Jim Harrison
( Westward Ho)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Jules, le 4 avril 2002 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 79 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (24 107ème position).
Visites : 5 875  (depuis Novembre 2007)

Les lentes atteintes de l'âge...

Ce livre est le dernier en date de ceux publié par Jim Harrison. Il date de 1999 et la publication française de mai 2000. Il s’agit d'un recueil de trois nouvelles.
La première a pour héros un personnage haut en couleur, demi-Indien, qui est déjà apparu dans plusieurs nouvelles d'Harrison. Il s’appelle Chien Brun, en abrégé CB, et est originaire du Michigan où il vit, à notre époque, dans les bois.
CB fuit le Michigan car il est poursuivi pour quelques délits sans grande gravité. Le premier de ceux-ci consiste à avoir repêché un cadavre de chef indien immergé, depuis des années, dans un lac gelé. Pas très grave en soi, mais il va enclencher une spirale d'autres petits délits. CB part vers la Californie où il va se retrouver plongé dans un autre monde dont il ne connaît ni les usages, ni les règles. Il cherche à retrouver un homme qui l’a pris en stop sur la route, mais a gardé sa très précieuse peau d'ours. Rien ne se passera comme il l'avait prévu et il ira de problèmes en problèmes. Mais il gardera toujours à l'esprit une remarque que lui avait faite son grand-père : « Garde la tête bien droite, petit. Nous finirons tous en étrons de vers. »
La seconde nouvelle débute par cette phrase : « Le danger de la civilisation, c'est bien sûr qu'on risque de bousiller sa vie en conneries. » et Harrison poursuit en écrivant : « .le message poignant d'une culture qui gâche temps et argent à acquérir non seulement l’abri, le couvert et le vêtement, mais, dans une confusion écoeurante, tout un superflu devenu nécessaire. »
Le narrateur de cette histoire s’appelle Norman Arnz, ancien agent immobilier de Chicago, et vit aujourd’hui dans son chalet du Michigan. Il a soixante dix-huit ans et est retraité. Il va nous raconter la vie de son ami Joe, diminué mental depuis son accident de moto à l'âge de trente cinq ans. Nous sommes des années plus tard et Joe se serait suicidé en poursuivant sa chienne à la nage dans le lac Michigan presque gelé. Il avait une infirmière des plus émoustillante qui le suivait en permanence. Norman ne s'est jamais privé de la mater avec la plus grande attention, mais les abus d'alcool lui ont ôté une bonne partie de ses capacités sexuelles.
Outre les multiples aventures de Joe et de son infirmière, Norman nous racontera la lente mais terrible dégradation due à l'âge et à l’abus d'alcool. A défaut de pouvoir encore s’adonner au sexe, il y pense vraiment beaucoup et fait des bilans : « J'ai actuellement l'impression que mon réservoir humain est vide et que j'en constitue le sédiment, la couche de saleté amassée au fond, le résidu de mes propres années. » Il va aussi se souvenir de ses nombreux voyages et surtout ceux fait à Paris, ville qu’il adore, ainsi que la France. « J'avais un peu plus de quarante ans à l'époque, apogée tortueuse de mes illusions de contrôle du monde. » Norman ne peut s’empêcher de se poser de nombreuses questions sur le sens de l’Histoire et sur l’homme en général.
Dans la troisième nouvelle, le narrateur est un écrivain de Biocompactes, « ces biographies indiscrètes, longues d’une centaines de pages, qui souillent librairies, magasins de journaux, boutiques de nouveautés des aéroports… »
Sa soeur dirige ses affaires et il est divorcé de sa femme Cindy. Il sent lui venir une de ces dépressions qui ne manquent pas de s'emparer de lui de temps à autre. Les souvenirs de sa vie conjugale et de ses aventures sexuelles d’université, ainsi que ses jugements sur la stupidité de sa vie professionnelle vont s’emparer de lui et faire pas mal de dégâts. La vérité de la vie lui échappe, et ce regret lancinant de ne jamais avoir été en Espagne.
Ce livre est plus que parsemé d'observations des plus judicieuses sur le sens de la vie, le comportement bien souvent absurde de l’être humain, la sensation que nous ne contrôlons que bien peu de choses durant notre bref passage sur terre.
Mais ce sont les réflexions d’un homme qui se dit ne pas être bien loin de la fin du parcours et il est certain que les difficultés de l'âge dominent les deux dernières nouvelles de ce livre.

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Chien Brun joue...et gagne

7 étoiles

Critique de Antihuman (Paris, Inscrit le 5 octobre 2011, 41 ans) - 15 février 2013

On a beaucoup critiqué auparavant la sincérité du grand romancier américain: quoiqu'il en soit, en ce ce recueil de nouvelles, tous ses gimmicks demeurent et les fidèles ne seront en rien décus.


La vision d'une Amérique en roue libre et à deux vitesses, avec ses malins divers et variés, mais aussi comprenant ses victimes en tout genre au fil des chapitres. La verve y est brillante sinon succulente et ne fait pas une seule fois dans la facilité mondaine, à la fois sauvage et moderne (telle d'ailleurs les nombreux personnages de femmes...), Jim Harrison possède le parler vrai littéraire et également ce manque de prétention des plus grands, pour terminer n'oublions pas, secondo, l'hyper caractère mélancolique de l'oeuvre. Définitivement, un livre très haut-en-couleur bien que essentiellement à destination des connaisseurs.

Poussières de rêves

7 étoiles

Critique de Heyrike (Eure, Inscrit le 19 septembre 2002, 56 ans) - 3 octobre 2006

Avec sa verve habituelle, l'auteur nous livre trois nouvelles dans lesquelles il est question de trois hommes empêtrés dans des situations qui remettent en cause des certitudes souvent bâties sur des illusions aussi friables que les édifices de sable qui, durant quelques instants, cristallisent les rêves des enfants au bord des plages.

En route vers l'ouest. On retrouve l'inénarrable CB, qui a conservé sa vieille habitude de se prendre les pieds dans le tapis, sans qu'on l'y invite. Cette fois, c'est à Hollywood qu'il échoue dans l'espoir de retrouver sa peau d'ours sacré. Il y découvre le monde du 7 art en la personne d'un scénariste pantagruélique et pondeur de textes entre deux repas bien arrosés. Sans oublier les kyrielles de jambes, toutes reliées à de jolis culs, qui arpentent les rues à la recherche d'un rôle dans une super production ou à défaut d'un super porno. Le pauvre CB est complètement abasourdi par le nouveau monde qu'il découvre, son ami scénariste le décrit très bien par cette phrase lapidaire "[…] En ce moment même nous sommes assis ici en train de picoler dans ce que l'on peut considérer comme le cœur de l'Empire du Mal. Ici nous étirons les rêves des gens et nous ne leur laissons que les marques de ces élongations"

La bête que dieu oublia d'inventer. Depuis son accident, qui l'a rendu plus perméable aux choses simples, voire essentielles (certains préfèrent le qualifier d'attardé mental), Joe vit au gré de ses envies. Il parcourt inlassablement la forêt, libère les animaux de leur marquage électronique. Il dort au sommet d'un arbre ou au fond d'une caverne. Ce qui déplait beaucoup aux autorités. Depuis la cabane qu'il occupe non loin du couple qui a recueilli Joe, Norman Arnz assiste à ses péripéties. Il nous fait part de son désespoir de voir sa vie se racornir inéluctablement avec l'âge. Trop d'alcool et trop peu de sexe désormais. Tout cet argent amassé pour quoi faire à la finale. Il en vient presque à envier Joe qui semble s'être ouvert, bien malgré lui, aux joies d'une existence facile où chaque jour apparaît comme une renaissance.

J'ai oublié d'aller en Espagne. Installé confortablement dans une existence à l'abri de tout souci financier, grâce à ses bio-compactes destinées aux aficionados de la fast culture, le narrateur traverse une zone de turbulence existentielle. Si le poids des ans y est pour beaucoup, au-delà de ça, il semble que malgré sa parfaite maîtrise des nombreuses difficultés qu'il a rencontrées tout au long de sa vie, il lui a été impossible de réaliser certains projets a priori accessibles. Comme si, porté par un destin circonstanciel, il s'était éloigné par glissements successifs des havres de bien-être. Propulsé en avant par un mouvement de révolte salutaire, il décide de prendre le taureau par les cornes pour enfin s'accomplir.

C'est toujours un bonheur de retrouver CB, personnage toujours aussi trublion et cocasse, même si cette aventure est moins captivante que les précédentes. Les deux dernières évoquent le parcours de deux personnages que leurs âges convoquent au bilan d'une existence prospère et confortable en apparence, qui tout compte fait s'est avérée être une succession de renoncements tacites à des aspirations nées d'une lointaine jeunesse qui depuis trop longtemps a revêtu les habits poussiéreux du passé.

A la deuxième nouvelle, qui m'a vraiment laissé perplexe, j'ai nettement préféré la troisième qui malgré le décalage d'âge avec le personnage m'a renvoyé à moi-même, peut être parce que moi aussi actuellement je contemple le vide… Je me suis senti véritablement très proche du héros lorsqu'il revient sur les moments déterminant de son existence qui furent à chaque fois autant de carrefour où se joua son destin.

Le sens de la vie

9 étoiles

Critique de Tophiv (Reignier (Fr), Inscrit le 13 juillet 2001, 48 ans) - 31 mai 2002

Les 3 nouvelles de ce livres sont intéressantes, les histoires qui nous sont racontées nous font croiser diverses personnes en quête d'identité, en quête de sens à donner à leur vie. Dans la première, Chien brun, l'indien, se raccroche à l'idée de retrouver sa si précieuse peau d'ours.
Dans la deuxième, un homme âgé se rend compte que son ami Joe, diminué mentalement, est peut-être plus proche que lui du réel sens de la vie, du bonheur terrestre. Il est plus proche de la nature, libéré des contraintes sociales...
Dans la troisième, un homme d'une cinquantaine d'années se rend compte qu'il a abandonné au fil des années ses rêves de jeunesse, qu'il a gâché pas mal d'années ...
J'ai un petit faible pour la deuxième nouvelle malgré la différence d'âge entre le narrateur (l'homme "âgé" de 68 ans) et moi même (27 ans).

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