L'effet Larsen de Delphine Bertholon
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Un secret qui n'en finit plus de ricocher
Quelle belle écriture !
L’effet Larsen est notamment un phénomène physique de rétroaction acoustique.
Nola, dix-huit ans, raconte trois mois de vacances dans l’appartement où elle vient d’emménager avec sa maman. Nous sommes en 1998 et la canicule sévit. L’appartement est déprimant et reflète l’humeur de ses habitantes. En effet, le papa de Nola s’est fait assassiner il y a quelques mois sans raison apparente par un désaxé qui s’est ensuite tiré une balle dans la tête. Et sa maman souffre d’une profonde dépression ainsi que d’hyperacousie, une hypersensibilité des tympans qui lui rend tout bruit insupportable. Serait-ce un effet psychosomatique dû au fait que son mari a été touché à l’oreille ? Toujours est-il que Nola fait quant à elle une fixation sur les oreilles : elle en peint une - la sienne -, se fait percer les oreilles et petit à petit recommence à s’ouvrir aux autres, à eux qu’elle côtoie tel un robot, en les écoutant. Et elle découvre qu’ils ont tous leurs fêlures, leurs secrets douloureux.
Et Nola de conclure : « j’ai gardé une leçon : les secrets sont des couvercles, bâillons de cire aux oreilles des familles, bourdonnent, bourdonnent, fantômes sans armoiries qui, tels des parasites, abîment à petit feu votre généalogie. Ce secret était un larsen aux tympans de ma mère, un long et terrible larsen qui a duré trente ans, jusqu’à l’insupportable. Je refuse que mon enfant naisse sourde parce qu’on ne lui aura pas dit ce qu’elle devait entendre. »
Une nouvelle fois, un bouquin sur les secrets de famille…, d'une grande finesse et tout en simplicité.
Les éditions
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L'effet Larsen [Texte imprimé], roman Delphine Bertholon
de Bertholon, Delphine
J.-C. Lattès
ISBN : 9782709631099 ; 15,00 € ; 25/08/2010 ; 363 p. ; Broché
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Nola… pas gaie
Critique de Pacmann (Tamise, Inscrit le 2 février 2012, 59 ans) - 19 mai 2015
Suite à la perte de son mari, comme par réaction à cet impact mortel, Mira souffre d'hyperacousie (d’où le titre du roman) et se cache en vain à la recherche du silence. Elle finit par être internée.
Nola sans famille se retrouve dans un Paris au mois d’août à servir au bar de Tag qui lui fournit réconfort et un job de vacances avant d’envisager un autre avenir. Elle rencontre aussi Jonas, le frère d’une autre victime du massacre avec lequel elle commence une relation et d’autres voisins de cet immeuble sordide dans lequel elle et Mira avaient emménagés depuis le drame.
Ce roman possède un style assez pesant, ce qui rend assez bien l'ambiance de cette tragédie familiale dont le lecteur découvrira d’autres volets au fil du récit, mais aussi la chaleur caniculaire de cet été 1998 où les Bleus sont devenus champions du monde de foot et enfin l’environnement peu emballant dans lequel évoluent les personnages.
Tout le monde pourra se faire un ressenti différent de cette lecture mais cette atmosphère n’est pas très optimiste, bien que l’auteur maîtrise sa narration, offrant tout de même au lecteur de petites touches d'humour et de poésie.
L'effet de l'Art
Critique de Deashelle (Tervuren, Inscrite le 22 décembre 2009, 15 ans) - 4 juin 2011
Lourd de secrets familiaux qui corrompent implacablement, « ces cancers qui rongent le bonheur de toute une généalogie ». Comme c’est bien dit !
Culpabilité et coups du sort sous-tendent cette histoire dont les échos amplifiés semblent vouloir réveiller les morts ou la conscience. La plongée en Enfer de Nola est bouleversante. Mais son attachement frénétique à la vie la fait sans cesse rebondir et réagir : « Je me sentais à la fois incroyablement vieille et incroyablement jeune, pendue au sein d’une farce qui me dépassait encore, mais dont les courbes floues, jour après jour, se décompressaient sous mes yeux. » Toutes antennes dehors, elle observe, écoute, palpite, cherche désespérément à comprendre. Quête insatiable : « Je me demandais ce que tout cela signifiait. L’hyperacousie n’était pourtant pas une maladie transmissible… Ma mère imitait la mort de mon père ; commençais-je, moi, à imiter la folie de ma mère ? C’était une idée totalement terrifiante. ».
Le livre est admirablement bien construit: conçu comme une symphonie, un tableau de maître Italien? Réglé dans le moindre détail, et d’une densité très forte qui contraste étonnamment avec l’insouciance habituelle de l’adolescence. La langue très fluide est savoureuse de modernité, le style est décoiffant et d’une précision d’entomologiste, tandis que foisonnent métaphores, analogies et humour pour nous accrocher le cœur. Cette veine artistique verbale suit de près l’univers pictural dans lequel va s’épanouir Nola. Et la symbiose de l’art est à son comble, quand l’oreille, symbole de féminité, coquillage de Vénus, l’écoute elle-même, se retrouvera captive du grain d’un papier pastel mythique et démystificateur! La voilà clouée triomphalement comme un insecte, auquel le savant veut arracher ses derniers secrets.
Dans cette démarche initiatique, c’est finalement l’art et l’ouverture au monde qui permettront la métamorphose de la nymphe et la ramèneront à la vie, elle une morte-vivante. C’est ainsi qu’elle finira par sécréter toute la nacre nécessaire à surmonter sa tragédie et à étouffer le bruit infernal de la culpabilité. Une leçon de vie pleine de dynamisme et de sagesses cueillies au bord de toutes les vies qui croisent la sienne.
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