Larrons de François Esperet

Larrons de François Esperet

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Gregory mion, le 15 janvier 2011 (Inscrit le 15 janvier 2011, 41 ans)
La note : 10 étoiles
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Les suicidés de l'urbanisme en 4 chants homériques.

On sort de cette éruption verbale épuisé par tant de perforations du dire. Tout commence un soir pour s’achever à « l’aube abandonnée du verbe ». L’absence même de copinage syntaxique justifie la destruction du signifiant. Beckett a parlé du « mal dire » et nombre d’auteurs ont pourchassé cette apparente maladresse pour mieux déstabiliser les petits points de vue qui se nourrissent d’une littérature surgelée. De formation classique et de profession loyale, indice sous-jacent de la contradiction assumée qui se met au service d’une sublime recherche où le Beau se dit dans le registre de la répugnance, François Esperet a composé des chants intranquilles où les suicidés de l’urbanisme expulsent l’authenticité de la merde-au-monde. Mais cette larronnade moderne nous dit peut-être les forces encore somnolentes et perturbantes de la robinsonnade : pas la peine de se déplacer aux îles paradisiaques pour substituer aux déterminations négatives une construction de soi faite de duperies positives. Les larrons ici présents conservent certes quelque chose de la mobilité inhérente à tout être tourmenté, mais la description impitoyable de ces personnages détruit l’idée d’une normalisation possible quand bien même on aurait envie de voir dans les excitations corporelles une empreinte de vitalisme. La condition d’existence de celui qui expérimente la merde-au-monde souligne l’épreuve interminable du visqueux. Les larrons transportent en eux la chienne de vie à l’image de ce texte où le point final de chaque chant ne peut constituer le soulagement de la fin. De toute façon le point est une illusion de nos géométries mentales ; la « res moribundus » écrase de son fatum la « res cogitans » embourgeoisée de certitudes. À la toute fin, ce qui est appréciable dans ce texte, c’est qu’il prolonge la pourriture édénique de Pierre Guyotat en ne cherchant pas, entre les lignes, à nous asséner le surgissement d’une morale policée. Artaud avait tout compris : là où il y a de l’homme, ça sent la merde. Remercions ainsi François Esperet de bousculer la nouvelle littérature sous vide qui envahit les libraires.

Gregory Mion est auteur pour les éditions Aux Forges de Vulcain.

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