Anatolin de Hans-Ulrich Treichel

Anatolin de Hans-Ulrich Treichel
(Anatolin)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Stavroguine, le 10 décembre 2010 (Paris, Inscrit le 4 avril 2008, 40 ans)
La note : 7 étoiles
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L'anti-roman

Hans-Ulrich Treichel s’est lancé dans une entreprise de reconstruction à laquelle il nous convie. On comprend assez vite que, pour y prendre part complètement, il faudrait sans doute aussi se lancer dans Le disparu et Vol humain, ses deux précédents romans qui, du moins outre-Rhin, semblent avoir suscité un certain retentissement. Toutefois, nul n’est besoin de le faire pour comprendre et apprécier le propos d’Anatolin et le choix appartient donc au lecteur de poursuivre l’aventure ou non – dans l’affirmative, il semble cependant qu’il vaille mieux les lire par ordre chronologique, en commençant par Le Disparu, et en concluant par Anatolin.

Dans ces trois romans, l’auteur entreprend donc une quête, à la recherche de ses racines et, par voie de conséquence, de lui-même. C’est d’ailleurs ce dernier sujet qui prendra assez rapidement le pas sur les autres : l’auteur ne s’en cache pas, « [il] ne peu[t] absolument pas [s]’installer devant un miroir sans regarder dedans », et le texte constitue à ce titre un immense miroir dans lequel il ne cesse de se regarder, sans toutefois s’admirer – et c’est bien là le principal. Car si l’auteur est le personnage principal de son livre, que l’on devine largement autobiographique, on n’y trouve aucune trace de narcissisme, tout juste un égocentrisme, pour ainsi dire, thérapeutique.

Hans-Ulrich Treichel est un Allemand issu des minorités germaniques d’Europe de l’Est dont les parents ont fui devant les Russes à l’issue de la Seconde Guerre Mondiale, laissant derrière eux un enfant disparu. C’est lui qui donne son titre au premier des romans de l’auteur évoqués plus haut et qui constitue, aussi, l’objet du second. Dans Anatolin, l’auteur entreprend de revenir dans les villages d’origine de ses parents, à Bryschtsche (sic) pour le père, au début du livre, et à Anatolin pour la mère, à la fin. Dans les deux cas, il ne trouvera rien, si ce n’est un village insignifiant constitué d’une unique grande rue bordée de petites maisons, elles-mêmes entourées de champs dans lesquels des petites filles donnent des cerises à manger aux vaches. Plutôt qu’à ses parents, ces images ne ramènent Treichel qu’à lui-même et à ses souvenirs d’enfance (ou leur absence) qui se mêlent à sa vie présente et à son parcours d’écrivain (un très bon troisième chapitre est consacré à sa vision de l’écriture et de lui-même en tant qu’écrivain, et vaut à lui seul le détour).

Cette vie, justement, est perturbée par la découverte d’un possible frère lorsque l’auteur découvre que sa mère n’a jamais abandonné les recherches de son enfant disparu. Au fil des chapitres, on suit donc les prises de contact entre ces deux inconnus qui espèrent se découvrir une fraternité. C’est une situation étrange de voir se rapprocher deux parfaits étrangers qui n’osent s’imaginer frères. L’auteur fait passer la maladresse des premiers contacts, l’espoir pour chacun de retrouver un proche tout en ne sachant pas vraiment ce qu’on espère trouver en lui, la peur à la fois d’être déçu par le résultat du test et de devenir d’un coup familier avec un être dont on ignore tout.

Si cette rencontre et son dénouement donnent un semblant de trame au livre, ils ne constituent qu’une sorte de fil rouge et peinent à captiver. Si l’on avance, c’est plutôt au gré des pensées de l’auteur qui, grâce à un style sans fioriture, léger, proche du parlé et ponctué de traits d’humour, sait créer avec son lecteur une certaine complicité et un climat de confiance dans lequel il dévoile tout naturellement ses réflexions et développe ses thèses. Le tout demeure inégal et l’on s’ennuiera parfois un peu. Néanmoins, le propos est intelligent et, plus que la vie de l’auteur, à laquelle on ne s'intéresse qu'à moitié, c’est cette intelligence, surtout, qui retiendra l’attention. On parcourt en dilettante cet ouvrage oscillant entre recueil de souvenirs, journal intime et carnet de bord. C'est d'ailleurs de cette manière que l’auteur semble l’avoir écrit : il n’y a pas d’histoire et le livre est si nombriliste qu’il apparaît avant tout comme la thérapie d’un homme sans passé dont l’arbre généalogique, complètement déraciné, ne remonte pas plus loin que ses parents. Plus qu'une autobiographie, ce livre est l'histoire d'une famille qui n'existe pas.

On trouvera néanmoins dans cet assemblage hétéroclite un intérêt certain : les pages qui en sont dénuées se tourneront sans peine, tandis que celles qui en débordent nous interpelleront. Au final, de notre périple à Anatolin, comme l’auteur, on n’aura pas trouvé ce que l’on espérait ; cela ne veut cependant pas dire qu’on n’en n’aura rien tiré.

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