Esthétique du pôle Nord, stèles hyperboréennes de Michel Onfray

Esthétique du pôle Nord, stèles hyperboréennes de Michel Onfray

Catégorie(s) : Littérature => Voyages et aventures

Critiqué par Jules, le 11 mars 2002 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 79 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (3 061ème position).
Visites : 5 852  (depuis Novembre 2007)

Subjugué par le style et la pensée !...

Michel Onfray, philosophe hédoniste, est un homme d'une quarantaine d'années qui a publié son premier livre en 1990. Aujourd’hui, il en est à son vingtième volume ! Ceci est d'autant plus appréciable que ses livres sont pour le moins intéressants. Mais ici, on ne peut pas parler que de l’intérêt. Il y a également la qualité de l’écriture, la beauté indiscutable du style, l'attraction exercée par le sujet.
Ce livre une fois ouvert, à peine quelques pages tournées, je me suis arrêté deux ou trois minutes. Une chose m'avait frappé : quel talent de description d'un monde qui nous est totalement étranger et difficilement assimilable tant il est loin de nos sensations habituelles !
Parler aussi bien du temps d'avant le temps, de la pierre, du vent, de l'air, du froid, de l'eau, du polissage de la matière, de son éclatement, de la scission, de la fissure, de l'immensité qui abolit le temps et les repères qui sont en nous, de la lumière, de la totale interpénétration entre le monde humain et animal...
« Dès l'apparition du froid inuit, la dilatation déchire la pierre. Ce qui semblait inatteignable, imputrescible, inaccessible aux effets du temps subit, comme le reste, l'entropie et le travail de la négativité. Même les pierres meurent. Elles éclatent, se démembrent, se délitent, bientôt elles deviendront sable, poudre destinées aux sabliers compagnons de l'angoisse des hommes. Avant-hier, la masse impénétrable, le bloc infracassable ; hier la fraction, les fragments, les morceaux, les blocs ; demain les poussières, semblables à celles des corps nettoyés par la mort et disséqués par le travail d’un temps auxiliaire….l'atome, donc, cesse de résister à la volonté humaine de fracassement. Sous le gel, il périt, disparaît, souffre l’explosion, la partition, il subit la loi de la pénétration des interstices, il connaît la douleur de voir infiltrés ses canaux les plus secrets, il livre, comme d'inconnus couloirs de châteaux ou d’invisibles souterrains de bâtisses magiques, ses entrailles les plus fines, ses capillaires ineffables et indicibles, il se laisse imbiber, fouiller, connaître. Puis éclate. Pierres du destin dont la voix ressemble à celle des débuts de l'humanité… »
Et Michel Onfray nous raconte les effets dramatiques du réchauffement de la planète sur le Pôle Nord : la fonte des icebergs, l'incertitude quant à la solidité des glaces, le déplacement vers le nord des animaux etc. Mais le danger le plus grand n'est pas là pour les Inuits ! Il réside dans l'alphabétisation, la christianisation, la sédentarité forcée par les Canadiens et les Américains. De nomades on les a parqués dans des maisons regroupées n’importe où et n’importe comment, de chasseurs pour subvenir à leurs besoins, on les a rendus clients des supérettes !… Il fut un temps, pas si lointain, où l’Inuit connaissait la joie hédoniste des seuls besoins vitaux satisfaits. Depuis la sédentarisation, la télévision a fait de lui un frustré de la « civilisation » consommatrice américaine. Les enfants mendient aux portes des supermarchés, des jeunes filles se prostituent et la contrebande d'alcool (il leur est totalement interdit) fait des ravages.
Comble de tout, le 21 janvier 1968 un B52 percute la calotte glacière. Il porte quatre bombes thermonucléaires ! « L'atmosphère et l'eau se chargent en doses monstrueuses de plutonium, d'uranium, d’américanium, de tritium » Une des bombes est tombée dans l'eau et contamine toute la chaîne alimentaire… « Quantité négligeable, ces hommes valent et comptent pour rien, ils ne représentent rien, ils ne pèsent rien. Pourquoi donc leur reconnaître le minimum de dignité puisqu’ils ne disposent pas des moyens de revendiquer, se rebeller ou gêner la progression impérialiste des puissances du dollar et du mode de vie américain ? »
Dans la dernière partie du livre, Michel Onfray nous dévoile le pourquoi de ce voyage. Il nous parle de son père en des pages très poignantes et nous apprend que ce voyage était un des souhaits les plus chers de cet homme de quatre-vingt ans.
Merci donc aussi à cet homme dont le souhait nous vaut ces pages superbes !… Un livre que je ne peux que vous conseiller avec la plus grande ardeur !…

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Les éditions

  • Esthétique du pôle Nord [Texte imprimé], stèles hyperboréennes Michel Onfray
    de Onfray, Michel
    B. Grasset
    ISBN : 9782246629412 ; 16,90 € ; 16/01/2002 ; 187 p. ; Relié
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Au nom du père...

9 étoiles

Critique de Radetsky (, Inscrit le 13 août 2009, 81 ans) - 4 octobre 2011

Ce livre est une prière, un hommage, un tribut : d'un fils à son père d'abord, d'un homme à la nature qu'il admire et chérit ensuite, d'un témoin lucide aux luttes à entreprendre enfin.

Magnifique

10 étoiles

Critique de Aethus (Evreux, Inscrit le 13 janvier 2004, 38 ans) - 23 février 2004

J'ai beaucoup aimé ce livre !
Les premières pages m'ont surpris (avec plaisir), je ne pensais pas rencontrer un jour une telle description de cet océan blanc qui peut, à première vue, paraître simple, désuet, et sans intérêt particulier autre que celui de l'explorateur emmitouflé et courageux ! Michel Onfray établit avec finesse et ardeur dans le propos, le constat d'un pays, d'un monde, oublié de la civilisation, mais qui pourtant, fourmille d'incroyables petits effets, d'un esthétisme à couper le souffle, d'une beauté ancestrale !
Outre l'aspect physique du Pôle Nord, c'est l'étude anthropologique des Inuits que propose Michel Onfray à travers ce voyage. On s'aperçoit très vite de la haine féroce qu'il voue à l'impérialisme américain (que l'on partage au fil des mots), impérialisme écrasant, qui a littéralement bouffé la communauté inuite... Dans un univers rude, très difficile, évoluait une population hors-normes, complètement en marge des civilisations outre-océan qui se développaient. Il ne faut pas seulement être humain pour survivre au Pôle Nord, il faut être Inuit. Dans ce récit de voyage, on découvre avec horreur comment l'annihilation du peuple inuit s'est effectuée au XXème siècle ; il ne reste aujourd'hui que les débris d'un mode de vie éteint, étranglé par un colonialisme malsain et vicieux... On ne pouvait pas les laisser tranquilles...
Michel Onfray n'aurait certainement jamais dressé ce bilan si il n'avait pas vécu auprès de son père, modeste agriculteur normand, désireux depuis toujours de découvrir le Pôle Nord. Ce voyage c'est un rêve qu'il réalise, le rêve de son père, et à la fin du livre, un peu en marge de toute l'étude des Inuits, on découvre l'enfance de l'auteur, sa vie en Normandie, avec des parents pauvres, et l'éducation qui va avec, une éducation juste, au milieu d'un monde peu favorisé.
J'espère vous avoir donné envie de le lire, c'est très bien écrit, très intéressant, même le premier des banquisophobes ne peut qu'être séduit par ce court livre accompagné de photographies !

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