Une école de bonheur

Dans son introduction, monsieur Matzneff avoue demander à la philosophie qu’elle soit pour lui une école de bonheur et comme il avoue avoir toujours aimé les dictionnaires, l’idée lui est venue d’en écrire un lui-même. Pourquoi pas ! C’est une excellente idée et le résultat est tout à fait charmant et très plaisant à lire pour qui aime cet écrivain bien entendu.

Donc, ce cher homme a choisi des mots qui sont pour lui significatifs et il les commente parfois avec verve, parfois tristement, parfois aussi sur un ton amer et désillusionné. Car à travers ces textes, on décèle souvent de l’amertume, de la tristesse, un brin de rancœur envers ceux et celles qui l’ont fait souffrir ou qui ont eu des phrases blessantes à son endroit. Sous un ton souvent primesautier et joyeux, le mal de vivre pointe le bout de son nez. Enfin, ce sont tous les thèmes qui ont toujours parsemé son œuvre qui réapparaissent encore une fois dans ce singulier ouvrage. Cela pourrait devenir lassant mais moi, je ne m’ennuie jamais en compagnie de cet homme si cultivé, sincère et attentif à la misère d’autrui. Quelques déclarations sont discutables, quelques faux-fuyants, quelques tentatives de justification maladroites et peu convaincantes m’ont fait sourire mais cela demeure attendrissant et venant de lui, je suis prête à beaucoup pardonner.

Donc, il s’agit d’un dictionnaire philosophique tout à fait particulier et personnel. C’est très agréable à lire en raison de la diversité des thèmes et des opinions exprimées. La politique, la religion, l’amour, la passion, la vie, la mort, le suicide, le conformisme, la langue, le nationalisme, la folie, la foi, la guerre enfin, la liste est longue donc je m’arrête mais cela donne une idée de ce que vous trouverez dans ces pages écrites avec le cœur et avec beaucoup d’émotions. Les thèmes graves alternent avec des thèmes plus légers, équilibrant de belle façon le ton et rendant la lecture encore plus agréable et plaisante.

Les textes sur la littérature, Dieu, le bonheur et la bohème sont parmi mes préférés. Ils sont tous fort intéressants et surtout instructifs. J’ai noté plusieurs livres cités par l’auteur ainsi que la liste de ses philosophes de prédilection dont Plutarque, Pétrone, Sénèque entre autres. Parmi les écrivains, on retrouve bien entendu Dostoïevski, Dumas, Chateaubriand, Byron, Montherlant, Cioran. Un univers très riche, des textes souvent réconfortants, une grande érudition, voilà ce qui m’attire chez cet écrivain unique et pour moi irremplaçable.

« Depuis mon adolescence, je demande à la philosophie d’être pour moi une école de bonheur, un eudémonisme. Je n’ai jamais eu le goût de la connaissance spéculative, et je ne lis les maîtres qu’afin d’y trouver des leçons que je puisse appliquer dans ma vie de tous les jours. J’attends de la philosophie qu’elle soit semblable au népenthès, cette substance qu’Hélène (la belle Hélène de Homère et d’Offenbach) rapporta d’Asie et qui, mêlée au vin, chasse la tristesse. Si elle est inapte à me délivrer de mes angoisses, à me cuirasser contre les chagrins, la sagesse n’est qu’une imposture ou, du moins, une jonglerie de concepts sans contact avec le réel, et cela ne m’intéresse pas. »

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  Le taureau de Phalaris [Texte imprimé], dictionnaire philosophique Gabriel Matzneff

  de Matzneff, Gabriel
  la Table ronde / La Petite vermillon (Paris).
  ISBN : 9782710306405 ; 8,70 € ; 03/11/1994 ; 300 p. ; Poche

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