Adieu de Honoré de Balzac, Lucette Vidal (Autre)

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par CC.RIDER, le 3 septembre 2010 (Inscrit le 31 octobre 2005, 66 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 007ème position).
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Tout l'art de Balzac

Egarés dans la campagne autour de la forêt de l'Isle-Adam, deux amis chasseurs, le marquis d'Albon, magistrat, et le baron de Sucy, ancien colonel de l'armée impériale, ont la surprise d'apercevoir, dans le parc d'une propriété à l'abandon, une silhouette féminine fort étrange. Cette jeune femme qui vit comme un être primitif, courant dans la nature, sautant de branche en branche, vêtue n'importe comment. Elle est incapable de communiquer avec d'autres humains si ce n'est en répétant machinalement un seul mot : « Adieu ». De Sucy la reconnaît, il s'agit de Stéphanie de Vandières, la femme qu'il a passionnément aîmée autrefois et dont il fut tragiquement séparé lors du terrible passage de la Bérésina en 1812. Nous sommes en 1819. Capturée par les Russes, on ne sait pas trop ce que Stéphanie a dû subir pendant toutes ces années. Elle vient d'être retrouvée dans une auberge strasbourgeoise, errant comme une vagabonde hébétée. Pour lui faire retrouver la raison, de Sucy va tenter un ultime stratagème...
Très belle nouvelle ou court roman (93 pages) de l'immense Honoré de Balzac, « Adieu » fut publié dans la revue « La mode » au printemps 1830 et aurait dû faire partie d'un corpus plus important intitulé « Scènes de la vie militaire ». Cette histoire est un peu le pendant féminin du plus célèbre « Colonel Chabert ». Son morceau de bravoure est l'épisode de la Bérésina qui est parfaitement décrit. Balzac s'était beaucoup documenté (Général de Ségur) et disposait même du témoignage d'un ami présent sur les lieux. La langue est belle, bien sûr, et le traitement de cette histoire touchante et romantique est fait avec délicatesse et doigté. On imagine ce qu'un de nos écrivains modernes aurait fait du calvaire subi par cette pauvre femme. Aucun détail, même le plus sordide, ne nous aurait été épargné. Avec Balzac, rien de tel. Il suggère, on devine. Là, se trouve l'art véritable et non dans le grand-guignol.

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La guerre et l'amour, bouleversements des êtres

8 étoiles

Critique de Cédelor (Paris, Inscrit le 5 février 2010, 53 ans) - 19 septembre 2024

Une nouvelle qui devait faire partie des « Scènes de la vie militaire » mais le propos principal ne porte pas vraiment sur la vie militaire mais aborde surtout les conséquences psychologiques de ceux et celles qui ont été traumatisés par ce qu’ils ont vus et vécus à la guerre. Et ces conséquences peuvent parfois être extrêmes. Illustration avec « Adieu » du grand Honoré.

Ici, dans cette courte nouvelle (46 pages dans l’édition que j’ai lu), les traumatisés sont Philippe de Sucy, major de la Grande Armée et surtout la comtesse Stéphanie de Vandières, qui ont été amants, et qui ont tous deux été de la retraite de Russie, et qui sont passés par l’horreur du passage de la Bérézina. Tous deux ont survécu, mais à quel prix. Le major fut fait prisonnier par les russes et envoyé en Sibérie pendant plusieurs années avant de rentrer en France. La comtesse réussit à s’échapper et a suivi l’armée française en déroute jusqu’en France, subissant au cours du trajet de retour nombre de malheurs qui ont fini d’achever sa raison.

L’histoire commence quand Philippe de Sucy, rentré en France après 6 ans d’internement en Sibérie, au cours d’une partie de chasse avec son ami, tombe sur une propriété avec parc, ancien prieuré à l’abandon. Il y retrouve là, de manière tout à fait inattendue, son ancienne maîtresse dont il fut séparé au passage de la Bérésina sans plus de nouvelles, Stéphanie de Vandières. Las, après tant de malheurs, cette dernière a tourné folle et ne le reconnaît plus. C’est son vieil oncle, médecin, qui s’occupe désormais d’elle, dans cette propriété délabrée. Philippe de Sucy, le cœur brisé et l’âme bouleversée, va tout faire pour lui faire recouvrer la raison. Y parviendra-t-il ?

Voilà tout le thème de cette histoire poignante. Ici Balzac raconte simplement, toujours très bien, comme à son habitude, mais sans fioritures, comme si le sujet ne se prêtait pas aux envolées lyriques. Mais il sait raconter, et la partie qui concerne le récit du passage de la Bérésina est très bien maîtrisée et tout sonne vrai, comme s’il y avait été lui-même. Ah, les horreurs de la guerre ! Ancienne ou moderne, il n’est pas à souhaiter de la vivre. Ce major et cette comtesse peuvent en témoigner ! Bref, c’est un passage marquant. Et Philippe, traumatisé lui aussi, toujours aussi amoureux de sa bien-aimée jusqu’au désespoir va imaginer une solution, pour que sa Stéphanie, la vraie et pas ce pantin aux yeux innocents mais vides qui est retombée dans une sorte de vie animale, revienne à son humaine conscience et puisse à nouveau l’aimer, lui.

Une belle et terrible histoire, d’amour et de guerre, et qui nous donne en passant une petite leçon d’histoire. Tout est excellemment traité et écrit. Mais dans ce type d’histoire, il faut parvenir aussi à émouvoir le lecteur, et quoique le thème s’y prête parfaitement, j’aurai voulu être plus touché, mais Balzac a écrit là d’une manière trop distanciée pour réellement émouvoir son lecteur, qui même s’il compatit sincèrement aux malheurs de ses personnages, ce qui se sent très bien, ne réussit pas à nous faire entrer de façon plus sensible dans son histoire.

Quand Balzac décrit l’incroyable passage de la Bérézina en Russie par la Grande Armée en 1812

9 étoiles

Critique de Chene (Tours, Inscrit le 8 juillet 2009, 54 ans) - 30 mars 2014

Adieu traite de la folie et du passage de la Bérézina par l’armée française en 1812. Folie d’une femme que son amant qui la croyait perdue lors la retraite de Russie, retrouve pendant une chasse dans un lieu totalement isolé et abandonné. Le récit est situé dans une forêt où des anciens moines ermites appelés « bonshommes » s’étaient retirés pour créer un prieuré et vivre une vie monacale. C’est un lieu « hors normes ». Ces endroits et ces prieurés ont vraiment existé. Notamment en Touraine et dans le Poitou, où Balzac ne pouvait ignorer leur existence.
Il explore la folie d’une femme vivant dans les bois comme une sauvage et dont les premiers troubles ont commencé lors du passage de la Bérézina. Pour son amant, elle s’était perdue en Russie (comme de nombreux autres). Elle avait peut-être été prisonnière des Russes et devait être morte.
Philippe de Sucy fraîchement rentré de Sibérie, son ancien amant, la retrouve de façon fortuite et tentera de la soigner. Par amour, il ira jusqu’à creuser un canal pour recréer la Bérézina sur ses terres pour faire revivre à sa maîtresse la scène terrible du passage du pont, espérant par là obtenir un choc psychologique salvateur.
La description de la retraite des armées françaises et de toutes les personnes, femmes et enfants qui les suivaient ainsi que des convois chargés de biens et de trésors, harcelés sans relâche par les cosaques, est traité de façon majestueuse. Le style est puissant et sublime. La langue est belle.
En revanche, la chute de cette nouvelle ne semble pas à la hauteur de ce texte magnifique. On reste sur sa faim…

Adieu

10 étoiles

Critique de Exarkun1979 (Montréal, Inscrit le 8 septembre 2008, 45 ans) - 23 octobre 2011

Le livre Adieu m'a vraiment renversé. Dans ce roman, on assiste en partie à la débandade française en Russie en 1812. Les descriptions sont tellement bonnes que je ressentais presque le froid glacial que devaient supporter les soldats. De plus, Balzac parle ici de façon indirecte du syndrome post-traumatique avec Stéphanie de Vandières. Elle est tellement traumatisée qu'elle vit maintenant comme un animal. De Sucy tentera par tous les moyens de faire revenir sa belle dans le monde normal.

Pour moi, c'est un grand livre de Balzac. C'est un livre très touchant.

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