A la courbe du fleuve de Vidiadhar Surajprasad Naipaul

A la courbe du fleuve de Vidiadhar Surajprasad Naipaul
(A bend in the river)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Tistou, le 31 août 2010 (Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans)
La note : 10 étoiles
Visites : 5 429 

Afrique, continent magique et martyr.

Il y a beaucoup de choses dans « A la courbe du fleuve ». On pourrait l’interpréter comme un récit de l’immigration, comme un récit sur les indépendances africaines, ou comme un récit sur une relation amoureuse interculturelle, … C‘est un peu tout cela. C’est surtout l’Afrique en fait. Un récit sur l’Afrique – et Dieu sait qu’il n’est pas politiquement correct. On se doit de reconnaître ceci à V.S. Naipaul, il appelle un chat un chat et un tyran sanguinaire un tyran sanguinaire.
Certains évoquent la filiation d’avec « Au cœur des ténèbres » de Joseph Conrad … C’est vrai dans l’atmosphère que tous deux parviennent à restituer d’une Afrique qui reste définitivement un continent à part … L’intéressant est que Conrad nous restitue l’atmosphère étouffante du temps de la colonisation, V.S. Naipaul celui tout aussi étouffant, et kafkaïen parfois, des débuts des indépendances.
V.S. Naipaul s’appuie sur ce qu’il connait : la diaspora hindoue, installée en l’occurrence en Afrique de l’Est (Tanzanie, Kenya, …) qui s’enfonce dans le ventre fertile et équatorien de l’Afrique, vers ce qu’on devine l’ex-Zaïre, le Rwanda, le Burundi. Il nous conte donc la destinée de Salim, jeune hindou immigré sur la côte est de l’Afrique, qui veut s’affranchir de la pesanteur des liens familiaux et qui, dans un élan un peu enthousiaste et inconscient, tente l’aventure vers la « terra incognita », cette forêt équatoriale à peine pénétrée où, l’indépendance aidant, des velléités de développement se font jour. On assiste ainsi à l’élévation progressive de Salim, à la modification insidieuse des relations entre hindous, européens, africains, la montée en puissance du « Grand homme », l’homme providentiel qui va s’avérer tyran sanguinaire et sans scrupules et qui ressemble comme un frère au défunt Mobutu Sese Seko, du Zaïre. D’autres thèmes sont abordés puisque V.S. Naipaul n’a pas peur de la complexité ; une relation amoureuse liée par Salim avec une européenne au statut particulier (mais quel statut n’est pas particulier en Afrique ?), la relation de Salim avec l’ex-puissance coloniale (dans son cas précis la Grande Bretagne) à l’occasion d’un voyage de Salim à Londres, histoire de lui déciller les yeux. Puis le retour de Salim dans son pays d’adoption qui pourrait bien se révéler son pays d’exploitation, d’extermination …
La fin que nous laisse V.S. Naipaul est très ouverte. Ouverte mais désenchantée. La lecture de Naipaul est un appel constant à l’intelligence et l’honnêteté, un vrai plaisir, et aussi bien son écriture que sa traduction sont légères et accrocheuses. Au moins dans la fiction !

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