Chronique d'une maison

Une partie du journal de Simenon. Il conviendrait mieux de le dénommer ses carnets, qui couvrent les années 1960 à 1962. Des carnets-étudiants comme ceux de son enfance, « finement quadrillés, épais, la tranche rouge, les coins arrondis, reliés de grosse toile grise ou écrue « . Il les intitule « Chronique d’une maison » ou « Crise … », « deuxième crise … « , « rechute « puisque considérés comme une manière de thérapie psychologique dans des grands moments de doutes, d’interrogations.

Il raconte sa vie de famille, plus qu’essentielle, indispensable à coté de son métier d’écrivain, celle de sa femme D., et de ses quatre enfants. Les tourments de l’écriture de ses romans mais également les grandes joies , 3 ou 4 romans par an, à raison de 10 jours d’écriture intensive dont il en sort complètement vidé. Des commentaires sur l’art, la psychologie, la société, de » l’homme nu « , de l’actualité ( Congo belge, Algérie, Cuba ). Il reçoit Henri Miller, Chaplin, dîne avec des médecins, des psychiatres. Nous parle ouvertement de sa sexualité légendaire ( « l’homme aux dix mille femmes « ), presque dans les moindres détails. Il se refuse à parler de religion, déteste la politique et ne porte pas De Gaulle dans son cœur.

Bref, des écrits de toute première qualité, ainsi qu’une masse d’informations et de réflexions .
Un délice !

Extraits :
- Samedi 3 juin 1961, 10h30 du matin
Trac fou. Je voudrais commencer un roman cet après-midi. Je m’y prépare depuis deux semaines. Les dix derniers jours, j’ai vécu avec mes personnages, dans leur ambiance. Je viens de tailler mes quatre douzaines de crayon neufs et ma main tremblait tellement que j’ai pris un demi-comprimé de belladénal.
Réussirai-je ? Je le saurai après-midi. Pour le moment, j’ai la frousse et je suis tenté, comme toujours, de remettre à plus tard, sinon de ne plus écrire du tout, ou de me contenter de Maigret reposants.
Je sors pour ma promenade traditionnelle et, au retour j’en saurai déjà un peu plus. Il fait gris, presque froid. Kennedy roule vers Vienne où il doit rencontrer Khrouchtchev. C’est très important pour la paix du monde mais je m’en f…. !

Samedi 1 juin, 9h3 du matin
Roman terminé.
Je rentre dans la vie.
- Je me souviens par exemple dans mes premiers temps à Paris, où il m’arrivait, sortant des bras d’une femme, à onze heures du matin, de me retourner sur une autre quelques minutes plus tard seulement et d’être obligé d’accoster une professionnelle ou d’entrer dans une maison de rendez-vous pour recommencer deux fois l’après-midi même.

• 

  Quand j'étais vieux, tome 1 de Georges Simenon

  de Simenon, Georges
  Presses de la Cité
  ISBN : 9782258005624 ; 4,27 € ; 01/11/1979 ; Broché

  Go Amazon