Maleficium de Martine Desjardins

Maleficium de Martine Desjardins

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Calepin, le 25 juillet 2010 (Québec, Inscrit le 11 décembre 2006, 43 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 6 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 118ème position).
Visites : 4 452 

Vieillot, mais renversant

4e de couverture : Pardonnez-leur, mon père, car ils ne savent pas ce qu’ils ont fait. Pardonnez à ces sept hommes victimes d’étranges maléfices, venus chercher dans le confessionnal une oreille attentive au récit de leur infortune et implorer le salut de leur âme souillée par la curiosité et la faiblesse de la chair. Pardonnez aussi à cette femme calomniée, emmurée dans un cruel silence, car elle sait bien ce qu’elle a fait. Pardonnez enfin à l’homme de Dieu qui a recueilli leurs aveux et brisé le sceau de la confession en les transcrivant dans un ouvrage impie.

Lecteur, vous tenez entre vos mains une version remaniée mais non expurgée du mythique Maleficium de l’abbé Savoie (1877-1913), prêtre sacrilège dont on sait peu de chose, sinon qu’il termina ses jours cloîtré dans un monastère après avoir été mystérieusement frappé de surdité. Sachez que la lecture de cet ouvrage délétère pourrait provoquer un certain malaise chez les âmes pures, exciter les sens ou éveiller des désirs inavouables, et qu’en cédant à ses charmes vous risquez d’encourir l’excommunication. Vous voilà averti.

L’auteure du Cercle de Clara et de L’évocation (prix Ringuet de l’Académie des lettres du Québec) nous offre une fresque baroque en huit tableaux, une invitation à voyager aux limites des plaisirs et de la souffrance. Une œuvre rare, parfumée de fantastique, d’exotisme et d’érotisme, portée par une langue somptueuse. Jamais le péché ne vous aura semblé aussi irrésistible.

Mon avis :Quelle étrangeté dans le paysage littéraire québécois ! Ce roman, avec toutes les allures d'un recueil de nouvelles, m'a à la fois fasciné et ennuyé. D'abord ennuyé par la forme et par le contenu. Les divers personnages qui vivent dans les chapitres de ce roman sont tous reliés à une femme au bec-de-lièvre. Tous ont subi une forme de tentation venant d'elle, directement ou un peu moins. Seulement, de par la couverture et la quatrième de couverture, je m'attendais à ce que les péchés soient plus... actuels. Mais non. Et c'est là qu'à la base, une partie de mon ennui s'est formée. Le texte, dont l'écriture est déjà volontairement vieillie pour cadrer dans sujet, s'attarde à des tentations qui m'apparaissaient vieillottes et à haute teneur de légendes chrétiennes grivoises (pour l'époque, du moins). Je me suis alors demandé : « À quoi bon ? Ce livre sert-il vraiment ? » D'autant plus que les chapitres sont construits exactement de la même façon, soit un homme versé dans un art particulier et qui sera séduit par une image de son art d'un aspect plus sublime encore qu'il n'aurait pu rêver. À la longue, ces diverses histoires deviennent redondantes et il m'a fallu m'accrocher pour terminer le livre.

Sur un plan beaucoup plus positif, j'ai adoré que la description du handicap de la femme au bec de lièvre soit différente selon le narrateur. Chaque personnage féru d'un art particulier y voit un signe correspondant à l'objet de son art. J'ai trouvé que ça rendait foi aux divers narrateurs, voyant ainsi un symbole sur un corps d'une manière tout à fait différente des autres. Mais mon appréciation a vraiment trouvé son compte lors du dernier chapitre où tout finit par prendre un sens. Où tout se rejoint. Si ce chapitre n'existait pas dans ce livre, le reste s'en trouverait complètement vide. Inutile. Tant pour le choix du style que des types d'intrigues.

Un livre qui revient sur les accusations parfois mensongères de la société sur des femmes dites possédées ou tout autre forme de malice, c'est un livre qui ose. Surtout considérant l'époque à laquelle nous sommes. Et la conclusion n'en est que plus intéressante.

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La Femme responsable de tous les maux

9 étoiles

Critique de Libris québécis (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans) - 14 mai 2012

Martine Desjardins vient de réécrire un chapitre de la Genèse, soit celui de la perte de l’éden. Adam a mangé le fruit défendu à l’invitation de sa compagne Ève. Si la Bible est la parole de Dieu, il faut reconnaître que le susdit passage discrédite la femme qu’Il a pourtant créée.


L’auteure remonte avec un brio inouï aux fondements de la culture occidentale issue du Moyen Orient, où a macéré ce qui allait advenir de notre destinée et, en particulier, de celle de la femme. En regard des écritures saintes, cette dernière a transformé le paradis en pandémonium. Pour se venger d’avoir été relayée aux officines du mal, elle agit sur les hommes comme un maléfice, qui concourt à leur perte.


C’est une œuvre magnifique, accolant une forme romanesque des plus originale à la source de la condition féminine. La démonstration épouse le rituel du sacrement du pardon alors que sept hommes d’affaires ambitieux débitent de soi-disant actes peccamineux, tout en se disculpant sur le dos d’une femme aux lèvres fendues, portefaix de leurs maux. Une vierge laide qu’ils désirent l’instant d’une transaction, une vierge qui incarne le mal dans la souffrance qu’elle transmet à ceux qui l’approchent. À quelques exceptions près, les fautes avouées dans le confessionnal ne ressemblent en rien aux formulations de naguère. C’est le lieu pour véhiculer la thématique que l’auteure enrichit à travers l’évocation des sens. Chaque chapitre baigne dans une atmosphère érotisante qu’accentuent les odeurs d’épices et de savons. Produits auxquels réfère l’auteure à la manière des reporters en leur faisant occuper des pans trop larges au cœur de la fiction.


Hormis ce bémol, c’est avec un vocabulaire ad hoc et un don de conteuse accomplie qu’elle exhale le corps, Un corps que représente la couverture aguicheuse du roman, voire blasphématoire, mais qui résume en fait le propos. Un corps nu, dont le sexe est masqué par le cœur ornant la statue traditionnelle de Jésus adulte, dite du Sacré-Cœur. Un corps contraint qu’il faut libérer. Bref, Martine Desjardins s’est détournée de la voie céleste pour examiner ce qui grenouille dans les souterrains des religions triomphantes telles que l’islamisme et le catholicisme.


une fin incroyable

10 étoiles

Critique de Mml ;) (, Inscrite le 14 mai 2012, 29 ans) - 14 mai 2012

j'ai dû me trouver un livre pour un combat de livre à mon école. Vu dans un article du Journal de Montréal, Maleficium m'a tout de suite attirée! En général, ce mot latin s’applique à tout geste qui implique de la magie consacrée à causer du tort à une personne ou à provoquer sa mort. Le titre est très bien choisi pour expliquer l’histoire en un mot.

On incarne l’Abbé Savoie qui est au confessionnal. On accompagne 7 hommes affectés d’une difformité soit d’un sens soit d’un membre qui se présentent à nous. Ils racontent comment ils ont été victimes d’une femme perçue comme étant diabolique. Les hommes qui ont chacun un chapitre pour expliquer leur histoire partent tous à la conquête de leur objectif avec ambition et orgueil. Du safran jusqu’à une queue prolongeant la colonne vertébrale en passant même par une larve logée dans un nombril les hommes ont tous des attraits totalement différents. Dans chaque chapitre, la femme va être décrite comme étant la cause de leur malheur, comme étant un démon du diable venu les charmer pour, ensuite, punir leur acte. Elle va leur enlever ce qui était le plus cher à leurs yeux. À chaque fin de chapitre, graduellement, les hommes nous mettent en garde que nous sommes probablement les prochains visités par la femme. C’est dans la 8ème partie que nous rencontrons la maléfique dans l’isoloir pour entendre ses péchés…

Les 7 hommes sont plus ou moins décris (ce que j’ai adoré!!), nous savons un peu à quoi ils ressemblent. L’auteure laisse place à notre imagination. Ils sont tous très attachants puisqu’ils ont tous un côté marginal qui m'a complètement fascinée comme par exemple un entomologiste qui est prêt à se rouler par terre à la vue de milliards de larves blanches dans des églises souterraines, un médecin qui est prêt à se laisser fouetter par une queue écailleuse juste pour contempler le mouvement de celle ci, c’est plutôt hors du commun !

Je n’ai pas vraiment porté attention à la description de l’Abbé que nous personnifions ainsi au confessionnal. Il n’était pas crucial d'en avoir une, c’était plus, selon moi, pour implanter un décor de mystères, de malheur et de fautes commises dans notre esprit. Chaque histoire nous ramène dans les souvenirs des hommes. Tous près du Moyen-Orient, les lieux sont décrits avec une finesse incroyable. L’auteure a fait énormément de recherches pour être capable de les décrire comme elle le fait dans les histoires. Srinagar, Zanzibar, Lalibela et Hadramaout sont toutes des villes qui existent réellement! Ce qui est le plus troublant, c’est qu’à un certain point, on ne différencie plus le fantastique du réalisme, tout vous apparaît réel!

Un livre totalement envoûtant avec un mélange subtilité et d'une incroyable malfaisance!! superbe mixte !!

Pardonnez leur mon Père

8 étoiles

Critique de Christian Palvadeau (, Inscrit le 19 janvier 2011, 60 ans) - 19 janvier 2011

Livre original construit autour de la succession des récits de sept hommes au confessionnal d’une église. Leurs histoires ont des points communs : ils sont tous victimes d’étranges maléfices lors de voyage à l’étranger et croisent tous une mystérieuse femme à bec de lièvre. C’est baroque et sulfureux à souhait. Certains passages sensuels rappellent « Le Parfum » de Süskind avec une écriture qui elle est plus proche de celle de "Manon Lescaut" de l'Abbé Prévost. Vraiment curieux et intéressant.

Christian Palvadeau

Confessions morbides

10 étoiles

Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 55 ans) - 13 octobre 2010

Après quelques contes, on comprend qu’il s’agit de variations sur un même thème. Pour ma part, cela ne m’a pas déplu car l’inventivité de l’auteur est fascinante. Il y’a là un travail d’imagination fabuleux dans l’élaboration des voyages fantastiques et la description des particularités anatomiques saisissantes de la démone tentatrice.

On s’instruit également, par exemple sur l’édification des bâtiments : « Les maçons du Moyen Âge tentaient de remédier à cette faiblesse par des sacrifices humains. Ils croyaient que si une victime était emmurée vivante dans les fondations, elle en assurait la stabilité. »

Vraiment ?!

Par-dessus tout, j’ai adoré la plume précise et élégante qui donne vie à cet univers lugubre et envoûtant. Rares sont ceux qui osent s’aventurer dans le territoire du grotesque, puisque forcément il faut s’enliser dans le gluant et perdre une partie du public, alors je salue ce courage.

La vengeance d'une femme

7 étoiles

Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans) - 10 août 2010

Un prêtre reçoit en confession sept hommes qui lui confient de quelle horrible façon ils ont été victimes de maléfices de la part d’une femme à la lèvre supérieure fendue en bec-de-lièvre. Certains ont perdu un sens dont l’odorat ou la vue et d’autres se sont vus affligés d’une tare indélébile qui leur a valu d’être mis au ban de la société.

Bien que l’écriture soit d’une qualité irréprochable et que l’auteure se soit extrêmement bien documentée, j’ai trouvé les sept récits d’un intérêt moyen quand ce n’était pas carrément ennuyeux. Pourtant, le vocabulaire est très riche mais l’érudition doit servir l’histoire et non pas le contraire. Enfin, j’ai souvent eu l’impression que Martine Desjardins voulait nous montrer à tout prix son savoir et étaler ses connaissances ce qui est très irritant à la longue. L’érudition doit demeurer discrète à mon avis et lorsqu’on l’étale, elle perd sa saveur.

Ceci dit, il reste que c’est un genre que certains apprécieront. Il ne va pas sans rappeler « Le parfum » de Suskind pour l’écriture chargée, décrivant odeurs, couleurs et curiosités à la limite du grotesque. Un brin de surnaturel vient agrémenter le tout pour faire de cet ouvrage un recueil de nouvelles à saveur de mille et une nuits. Il plaira aux amateurs de voyages orientaux, de récits mystiques, d’envoûtements, d’aventures et d’archéologie.

J’ai failli abandonner mais je vous conseille de persévérer car le dernier chapitre, d’une importance incontournable, doit absolument être lu afin de bien saisir le pourquoi du comment de toute l’affaire. Ouf, c’est mal exprimé mais tant pis.

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