Un homme meilleur de Anita Nair

Un homme meilleur de Anita Nair
( The better man)

Catégorie(s) : Littérature => Asiatique

Critiqué par Elya, le 20 juillet 2010 (Savoie, Inscrite le 22 février 2009, 34 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (41 964ème position).
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Corruption et déception

Après Compartiment pour dames, ode au féminisme et à la souffrance sociale des femmes, et avant Les neufs visage du coeur, rendant hommage au kathakali, art dansant inspiré de la mythologie indienne, Anita Nair, écrivain indienne contemporaine, choisit ici de construire son roman autour du thème majeur de la corruption.

Sans vraiment la condamner, l'auteur nous montre une facette de l'Inde qu'on imagine, mais dans un lieu singulier. L'action se situe en effet dans un village très reculé et méconnu du Sud de l'Inde, qu'un des habitants décrit d'ailleurs ainsi : "C'est ainsi que j'ai fui pour Kaikurussi, ce village où rien ne peut attirer le curieux, qui n'est ni le lieu de naissance d'un mahatma, ni celui d'un mouvement idéologique, qui ne produit aucun artisanat digne de remplir les étagères d'un magasin de souvenirs. Aucun miracle n'est jamais survenu ici. En fait, ici, rien de notable n'arrive jamais à personne."

Le personnage que l'on suivra tout au long du récit est un retraité d'une cinquantaine d'année, Mukundan, revenu vivre ses dernières années dans son village natal, qu'il avait abandonné en même temps que sa mère.
Ici résulte peut-être la première raison qui m'a fait moins apprécier ce livre que les deux cités plus haut : il est difficile pour moi d'éprouver de l'empathie pour une personne âgée, moi qui suis bien loin temporellement d'être confrontée aux problèmes qui l'assaillent.

Les premières pages sont consacrées à la présentation des différentes personnes habitant ce village, en mettant en avant leur profession. Celles-ci reviendront tout au long du roman, veine tentative pour nous immerger dans le présent, les incertitudes, et le besoin de reconnaissance de Mukundan.

Un d'eux sera plus mis en avant, il s'agit de Bashi le peintre. Les passages le concernant directement font partie des plus intéressants de l'ensemble du roman. Le procédé littéraire employé est agréable : Bashi s'adresse directement à Mukundan en le tutoyant, nous lisons donc des chapitres à la deuxième personne du singulier, même lorsqu'il n'y a pas de dialogue.
C'était une agréable promesse que nous apportaient ces premières pages : Bashi, peintre de métier, serait en fait un guérisseur de l'âme, venant en aide cette fois à Mukundan, qui n'arrive pas à trouver sa place auprès de son père et au village. Bashi, donc, agréable sur le fond et la forme.
"Il [Bashi] savait qu'il ne fallait pas brusquer les confidences de l'âme, pas plus qu'on ne peut brusquer la marée montante. Elles ont leur rythme propre. La lune peut les favoriser, la nuit les aider, le vent les seconder. Mais la condition préalable est un désir incontrôlable de s'abandonner. Seul ce courant peut emporter les pensées et les vagues, les faire bouillonner. Jusqu'à ce que finalement, l'étendue de sable qui sépare passé et présent soit noyée sous une mer de détritus, sombres, secrets, humides, glissants, qui pendant des années étaient restés enfouis dans un repli profond de l'âme".

Mais au fur et à mesure, le thème de la pression sociale viendra prendre la place de celui de la guérison émotionnelle, que je trouvais plus prometteur. Même si les deux sont reliés, j'aurais aimé qu'Anita Nair laisse plus de place à cette sorte de rebouteux des campagnes, plutôt qu'aux conflits et à la corruption qui guident les choix et la vie des différents villageois.

Une petite déception donc concernant ce roman, dont le charme qu'il dégage est bien inférieur à celui de mes 2 précédentes lecture de cette écrivain. Il y a pourtant toujours les même ingrédients : l'amour, le poids de la famille, les paysages ruraux, la cohabitation des différentes religions... Peut-être pas assez innovant, alors ?

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8 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 8 octobre 2015

Anita Nair est un écrivain indien, mais peut-être d’abord du Kerala. Et le Kerala est un Etat indien bien particulier. Un peu ce que la Californie serait aux USA par exemple. En terme d’importance et de statut un peu à part. C’est l’Etat où l’espérance de vie et le taux d’alphabétisation sont les plus élevés du pays – continent. Celui le plus à gauche aussi, gouverné un temps par le Parti communiste, toujours pas loin du pouvoir. Un Etat étonnant et qui détonne par rapport aux Etats lambda indiens.
Anita Nair est kéralaise et vit au Kerala (extrême Sud – Ouest de l’Inde) et « Un homme meilleur » se déroule au Kerala.
Mukundan est un jeune retraité de l’Etat indien. Il a passé sa vie à Bangalore, la grande métropole de l’Etat voisin du Karnataka, une vie plutôt ratée qui avait mal démarré, tyrannisé qu’il était par Achutan Nair, son père. Son père, justement, il angoisse de le retrouver dans son village natal. Mais il ne va pas retrouver qu’Achutan. Il va aussi faire connaissance de nouveaux arrivants, dont un singulier peintre en bâtiment, Bhasi, professeur « défroqué » qui a cherché l’oubli dans ce village du bout du monde (du moins, du bout du Kerala !).
Anita Nair va aborder de nombreuses problématiques via les différents personnages du village qui vont défiler devant Mukundan, et devant nous donc : la corruption, endémique en Inde hélas apparemment même au Kerala, l’amour que va trouver Mukundan au crépuscule de sa vie, sa prise de conscience d’une vie qu’il n’aura consacré qu’à chercher à se distinguer du père, en vain …
C’est très plaisant et finement observé. Ca n’a pas l’âpreté d’un « Equilibre du monde » de Rohinton Mistry par exemple mais un village du Kerala n’a rien à voir avec l’enfer d’une mégalopole telle Bombay. L’analyse m’a paru très féminine et pour tout dire passablement détaché de la stricte réalité indienne. Il y a un universalisme de bon aloi, avec un esprit positif. Allons, rien n’est jamais perdu ! Ce pourrait être la morale de ce roman.

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