Pensées secrètes de David Lodge

Pensées secrètes de David Lodge
( Thinks)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Zoom, le 8 février 2002 (Bruxelles, Inscrite le 18 juillet 2001, 70 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 9 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 074ème position).
Visites : 7 620  (depuis Novembre 2007)

jubilatoire

J'aimerais vraiment vous faire partager le plaisir que j’ai eu à lire ce dernier né de David Lodge. J'aime tous ses livres mais je trouve qu’ici , il excelle. Lodge, comme je le disais dans une autre critique, procède souvent par confrontation ou rencontre de deux principes opposés : le croyant face à l’incroyant, le professeur de littérature idéaliste face au chef d'entreprise terre à terre, le vieux prof anglais usé et son homologue californien entreprenant, un jeune prêtre novice et une femme expérimentée, etc ...
Il ne manquait plus que la plus essentielle des confrontations de points de vue : celle d'un homme et d'une femme, qui par le biais d'un journal intime divulguent leurs " pensées secrètes " sur la même histoire : la leur. Je ne sais comment (une fois de plus) cet auteur décrit les pensées d'une femme avec autant de justesse. Jusqu’aux emails avec majuscules et sans coquilles où elle ne peut se résoudre à délaisser ses principes . Il y va de son image. Si " les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus " nous en apprend sur les différences théoriques de comportement des uns et des autres (je ne l'ai que parcouru, un peu rasant à mon goût), ici on plonge dans la plus plate réalité : pas de conte de fée chez Lodge. Et j'ai trouvé déroutant de plonger dans les pensées sans fard du monsieur... L’homme, Ralph Messenger, la cinquantaine, scientifique : au départ, son machisme et sa suffisance font qu’on a envie de lui donner des claques, mais il devient vite et irrémédiablement irrésistible.
Notamment avec le passage où il décrit avec une spontanéité croustillante son dépucelage à 17 ans. Elle, Helen Reed, fraîchement veuve, la quarantaine, littéraire, un peu coincée mais irrésistiblement sage et féminine. A ne pas dédaigner : quelques envolées littéraires , culturelles ou scientifiques ( décidément l'intelligence artificielle est à la mode dans le roman). Il est bien sûr marié (à une autre), mais sa femme n’est pas en reste et la personnalité de cette dernière est tout aussi croustillante. Je dis " croustillante " parce qu’avec des sujets sérieux , Lodge fait rire par son sens de la dérision. Le regard qu’il pose sur ses personnages , si odieux soient-ils, est toujours tendre et compréhensif , humoristique et optimiste. Avec Lodge, on a envie d’être plus cool avec les défauts des hommes.
Les personnages sont présents, tangibles, vrais, terriblement attachants. J'ai trouvé ce livre jubilatoire et instructif.
Je mets 5 étoiles pour le plaisir qu'il m’a procuré.

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Les éditions

  • Pensées secrètes [Texte imprimé] David Lodge roman trad. de l'anglais par Suzanne V. Mayoux
    de Lodge, David Mayoux, Suzanne V. (Traducteur)
    Payot & Rivages / Collection Littérature étrangère.
    ISBN : 9782743608767 ; 14,00 € ; 23/04/2014 ; 401 p. ; Format Kindle
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Littérature et neurosciences

8 étoiles

Critique de Elya (Savoie, Inscrite le 22 février 2009, 34 ans) - 28 mars 2013

David Lodge ; un homme à qui l’on confie le temps d’une lecture la mission nécessairement réussie de nous divertir, de nous arracher sans difficulté quelques sourires. Il suffit d’avoir lu deux ou trois livres de lui pour être séduit et garder son nom en mémoire afin de l’avoir toujours en tête lorsqu’on est à court d’idée de lecture. Il allie toujours un style de narration fluide et spontané avec tout de même un fond de réflexion sur des sujets divers.

Dans Pensées secrètes, il insiste sur le fossé qu’il existe entre les sciences humaines et les sciences expérimentales. Il ne résiste malheureusement pas à tomber dans le cliché et la caricature en représentant la littérature par une femme plutôt romantique et les neurosciences par un homme obsédé par les relations sexuelles. Ces deux protagonistes nouent petit à petit une liaison qui sera le lit de l’union de ces deux champs de savoir bien différents : les lettres et la neurologie. Le récit à deux voix de chacun de ces personnages nous livre deux points de vue internes aux faits et permet d’alimenter les réflexions concernant l’archaïque dichotomie des milieux universitaires, s’opposant sur un concept bien précisé : la conscience. David Lodge tente parfois au travers de ces individus quelques tirades épistémologiques :

« -Depuis le siècle des Lumières, a-t-il repris comme s’il était en chaire, la science s’est imposée comme la seule forme de connaissance véritable. Ce qui a posé un problème aux formes rivales, contraintes soit à s’y assimiler, à tenter de se couler dans un moule scientifique, au risque de découvrir que leur univers conceptuel ne repose sur aucun fondement, comme la théologie sérieuse, disons, soit d’enfouir la tête dans le sable pour mieux nier la science, comme les religions intégristes ? Poussés dans les derniers retranchements de leurs disciplines, les postmodernistes déclarant que tout le monde est dans le même bateau, y compris les scientifiques, qu’il n’y a ni fondement ni sable. (…) -Mais n’y a-t-il pas des domaines de l’humain qui se dérobent à toute méthode scientifique ? « bonheur, tristesse, amour….. » (...) -Bien sûr, m’a-t-il accordé, c’est là le gros problème encore non résolu (…) mais un scientifique doit avoir la conviction que la réponse existe et qu’elle sera trouvée. »

Evidemment Pensées secrètes est avant tout un roman et David Lodge ne prétend donc pas réconcilier en 300 pages les « scientifiques » des « littéraires ». Ce débat n’est d’ailleurs qu’un prétexte pour aborder la léthargie du milieu universitaire, la rigueur des conventions familiales, ou encore la place du roman et de la fiction dans notre quotidien où « la réalité doit être représentée par une pseudo-réalité, laborieusement fabriquée et décrite ».

Bien que cet ouvrage présente une critique de certains aspects de notre société, il n’échappe pas à l’évocation de lieux communs sur les relations homme femme. On a la désagréable impression qu’il faut à tout prix ajouter à cette histoire des éléments typiques des romans d’aujourd’hui : rapports adultères, drames, retournements de situations…

Tout de même un très bon roman pour découvrir ou redécouvrir David Lodge.

Une saison à Gloucester

9 étoiles

Critique de Ena (Le Gosier, Inscrit le 25 octobre 2004, 62 ans) - 20 juillet 2005

Après "Jeu de société" que j’avais beaucoup apprécié je ne me suis pas trouvé trop dépaysé par "Pensées secrètes". On y retrouve le microcosme universitaire dans lequel Lodge nous propose de nous intéresser à la relation que vont nouer ses deux principaux personnages, un homme et une femme. L’intérêt que l'on porte à cet ouvrage est en grande partie lié à sa construction. On passe du récit d'un narrateur au vécu de l'intérieur de Ralph qui travaille sur la conscience et la formulation de la pensée en s'enregistrant sur son" Pealcorder" et d'Eleen écrivain et professeur de littérature qui elle tient un journal intime. Malgré toutes les choses qui les opposent a priori, Ralph n'entend pas limiter leur relation à une simple amitié, ne s’embarrassant pas de scrupules vis à vis de sa femme et de ses enfants. S'y ajoutent quelques autres personnages non moins intéressants ainsi que des rebondissements que nous vivons toujours de l'intérieur partageant les joies les peurs, les angoisses enfin toutes les émotions de nos deux protagonistes pour notre plus grand plaisir.

La libido sur le vif.

7 étoiles

Critique de Rotko (Avrillé, Inscrit le 22 septembre 2002, 50 ans) - 16 décembre 2004

Ralph Messenger s'occupe à l'université de Gloucester de l'intelligence artificielle, et son laboratoire conçoit des robots sophistiqués auxquels il rêve de donner des capacités quasi humaines. Il fait la connaissance d'Helen Reed, écrivain chargée d'animer pendant un an un séminaire de création littéraire. Tous deux ont en commun le souci d'approcher la "conscience" humaine, avec ce qu'elle comporte d'initiatives, d'émotions, ou de sentiments.
Ralph capte sur un dictaphone à reconnaissance vocale ses pensées immédiates, tandis qu'Helen consigne dans un journal de bord ses pensées du jour. A quoi peut penser un séducteur invétéré comme Ralph ?
On sait dès le départ que Ralph veut séduire Helen, jeune veuve appétissante, et si le récit est agréablement conduit, l'entreprise n'offre guère de surprise. Disons qu'on préfère nettement les scènes de stratégie amoureuse aux développements abstraits sur la robotique et la nature des émotions.
Toutefois trois faits relancent l'intérêt : des révélations sur Martin, le mari défunt d'Helen, des soucis de santé pour Ralph, et d'éventuels scandales au laboratoire d'intelligence artificielle. Heureusement, car les préoccupations sexuelles tant des élèves que de leurs encadrants frisaient l'overdose.
David Lodge mène l'intrigue à trois fils : les monologues intérieurs respectifs de Ralph et d'Helen encadrent le récit "objectif" du narrateur omniscient. Se référer à Virginia Woolf n'était pas vraiment nécessaire.
Ce n'est pas le meilleur Lodge, à mon avis! mais ça se lit agréablement.

Une très bonne expérience

9 étoiles

Critique de Egnatia (Aix-en-provence, Inscrit le 17 janvier 2004, 37 ans) - 24 janvier 2004

Ayant découvert cet auteur par mon professeur de français, je me suis plongé dans ce livre avec quelque méfiance.
Il m'a été étonnant de remarquer à quel point j'ai été épris par ce livre, et à quel point Lodge sait captiver son lecteur.
D'un point de vue plus spécifique, j'ai trouvé ce livre assez intéressant de par sa rédaction via les trois points de vus qui s'alternent!
La critique contre les scientifiques bornés anglais est très poussée, mais je trouve ce bouquin d'un grand intérêt!
Je le conseille à tous les lecteurs recherchant un livre de détente et aussi de qualité!

Du grand Lodge

8 étoiles

Critique de Torton (Le Vesinet, Inscrit le 14 avril 2002, 61 ans) - 10 mai 2002

Peut-on vraiment jamais savoir ce que pense l'autre ? Difficile question et savoureux récit de la part de l'Anglais David Lodge qui nous transporte une fois de plus dans un décor universitaire (Gloucester imaginaire) qu'il maîtrise si bien. Un technicien de la séduction Ralph Messenger tombe sous le charme d'une romancière tout juste veuve, Helen Reed. Ils sont faits pour se rencontrer mais ont-ils quelque chose à vivre ensemble ? Le scénario n’a rien d'exceptionnel mais l'évolution des personnages est divinement intéressante. La lecture des journaux intimes des deux personnages principaux est très habile. De plus, la plume est souple, comme toujours avec David Lodge. Dernière chose : le plaisir à lire ce livre est grand !

Une bonne cuvée

8 étoiles

Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 10 février 2002

Zoom et Bolcho, si vous faites un fan club j'y adhère aussi tôt ! Je suis aussi un fan de la première heure. Celui-ci fait partie des bons et comme Zoom j'ai passé un bon moment en le lisant. Ceci dit les remarques de Bolcho sont tout à fait pertinentes. Les fidèles lecteurs de Lodge trouveront dans ce livre un air de déjà vu; le héro Ralph Messenger m'a un peu trop fait penser à Maurice Zapp, le héros de "Changement de décor" et "Un petit monde". Contrairement à l'habitude, notre héros est cette fois-ci un scientifique, mais justement je trouvais plus drôles les élucubrations des anciens héros, experts en littérature anglaise et plus spécifiquement spécialistes de Jane Austen. Le petit discours scientifique (intelligence artificielle, sciences cognitives) m'a moyennement convaincu. Ceci dit ne boudons pas notre plaisir, chaque nouveau David Lodge est un plaisir qu'on aurait tort de se refuser. Je lui donne 4 étoiles parce que les 5 c'est pour la trilogie "Changement de décor", "Un petit monde" et "Jeux de société". Et puis entre temps j'ai découvert Angela Huth, qui est venue en quelque sorte faire vaciller D. Logde de son piédestal.

trouve pas de petite bête, moi...

10 étoiles

Critique de Zoom (Bruxelles, Inscrite le 18 juillet 2001, 70 ans) - 9 février 2002

Ah ! J’aime rencontrer d’autres fans de Lodge... Je n’ai pas trouvé dans ce livre une répétition de " jeux de société " : je trouvais celui-là beaucoup plus socio-politico-philosophique que celui-ci qui, même si le thème, c’est vrai, est assez semblable, est beaucoup plus psychologique, plus proche de la nature des êtres et des doutes inhérents à l'image poursuivie. Les personnalités sont différentes, il me semble que le couple en question , ici, est beaucoup plus basique, archétypique. Il m'a aussi, bien sûr, fait penser à Werber, que je venais de lire, mais me semble beaucoup plus honnête (et non moins renseigné) : Werber affirme, Lodge questionne. Les pensées de la femme sont bien aussi...du moins en parallèle avec celle que je connais le mieux, et je n'ai pas honte... J'ai également été frappée par le thème dont tu parles , Bolcho, (la place du roman) : je n'y ai pas vu d'épuisement mais à nouveau, du doute.
En fait, l’honnêteté et le doute : voilà qui fait le charme de Lodge à mes yeux. (J'ai été le voir faire une conférence à Bruxelles, le charme n’est pas passé car je n'ai rien compris à son anglais, mais la salle riait beaucoup). Je ne connaissais pas l'avis de Kundera à ce sujet, mais d’après ce que tu rapportes, je le trouve très limité. On peut ne pas recréer le monde avec un roman, mais se sentir en phase et en retirer grand plaisir. (ce débat devrait se retrouver dans les réponses à la dernière question posée dans le profil des critiqueurs)

Puisque Lodge est parfait, cherchons la petite bête

8 étoiles

Critique de Bolcho (Bruxelles, Inscrit le 20 octobre 2001, 76 ans) - 9 février 2002

Tous les Lodge ont été pour moi un véritable bonheur. C'est dire que je suis un groupie et que je suis toujours prêt à casser mon fauteuil et brandir mon briquet allumé lorsque le maître paraît sur scène. « Pensées secrètes » a aussi été un bonheur. Mais. Je suis pris de craintes. Ne commencerait-il pas à se répéter un peu (et moi, donc ! mais c'est une autre histoire…) ? Zoom, qui analyse toujours finement Lodge (brossage gratuit de chaussures pour m'attirer les bonnes grâces d'une psy, on ne sait jamais, je sens que mon équilibre interne prend de la gîte) nous montre fort bien qu’il construit ses romans sur des oppositions entre personnages. Cette opposition-là (le vieux macho un peu cynique et la plus jeune, subtile et sensible), il nous l’a déjà faite (avec dix ans de moins pour chaque protagoniste. comme lui-même à peu près) dans « Jeu de société », non ? (Je me demande si je ne ferais pas mieux de tout écrire à l’intérieur de mes parenthèses ; le propos serait peut-être plus limpide) Bon, il y a des moments de pur bonheur comme celui où nous est décrite la vie intérieure du « mélomane » au concert, mais dans l'ensemble, j'ai moins ri. Plus d'émotion par contre. Un peu d’agacement parfois ; lorsque Lodge nous assène ses connaissances cogniticiennes toutes fraîches, on se croit par moments dans du Werber. J’ai, moi, beaucoup aimé la « voix » féminine (peut-être aussi parce que c'est la voix littéraire) et j’avoue à Zoom (oui, les « pensées sans fard du monsieur » sont bien -parenthèse dans la parenthèse - (du moins si je m’en tiens aux pensées du monsieur que je connais le mieux) des pensées normales de type tout venant : j'ai honte…). Toutes les parenthèses sont bien fermées ? OK, je peux sortir. Ce qui me fait peur, c'est de voir Lodge parler de son travail d'écrivain (c'est d'ailleurs fort intéressant, le problème n’est pas là), un peu comme l’ont fait dernièrement Irving (« Une veuve de papier ») et Djian (« Vers chez les blancs »). Ne serait-ce pas le signe, chez un écrivain, de l’épuisement total ? Il règne sur l’ensemble du bouquin la question de la futilité ou non de la fiction (pp 106-107 : « Quant à savoir si le monde a besoin de plus de romanciers (…) »). Quelqu'un se souviendrait-il de la réponse que donnait Kundera (dans « L'art du roman » je crois) et qui devait tourner autour de l’idée suivante : la seule façon de justifier l’existence du roman, c’est lorsqu'il nous donne à voir le monde d'une nouvelle façon et donc de le recréer. Alors ? Le roman est-il une sorte de cosmogonie, ou une simple… parenthèse.

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