Les derniers jours de Stefan Zweig de Laurent Seksik
Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances
Moyenne des notes : (basée sur 7 avis)
Cote pondérée : (13 169ème position).
Visites : 6 949
Emouvant, mais...
Le titre attire l'oeil, presque racoleur. Chacun sait que Stefan Zweig a mis fin à ses jours au Brésil, en 1942, après une longue cavale qui l'a conduit de Vienne à Londres, à New-York, puis à Petropolis, une centaine de km au nord de Rio. Alors, qu'est-ce que l'auteur va nous raconter de plus, plus de soixante ans après, d'autant qu'il qualifie son ouvrage de roman ?
Ne soyons pas trop sévère, cela se laisse lire avec émotion. Il n'empêche que l'on ressent de la gêne quand les pensées de Stefan Zweig nous sont "dévoilées". Rien n'explique jamais totalement les raisons du passage à l'acte lors d'un suicide et dans le cas présent davantage. Le dernier ouvrage de Stefan Zweig ( Le Monde d'hier) nous éclaire au moins autant.
Personnellement j'ai apprécié de mieux connaître la parcours de Stefan Zweig après avoir quitté Londres juste après la déclaration de guerre aux Allemands ; précisément là où s'achève "Le Monde d'hier". Comment il a quitté sa première femme, sa compagne de 25 ans, pour épouser une jeune fille de 25 ans, transparente et asthmatique qui l'accompagnera dans la mort. Quelles étaient ses relations au Brésil ( Bernanos par exemple ). Mais ceci relève du travail de l'historien sans de nouvelles sources...
Les éditions
-
Les derniers jours de Stefan Zweig [Texte imprimé], roman Laurent Seksik
de Seksik, Laurent
Flammarion
ISBN : 9782081231894 ; 17,30 € ; 13/01/2010 ; 187 p. ; Broché -
Les derniers jours de Stefan Zweig [Texte imprimé], roman Laurent Seksik
de Seksik, Laurent
J'ai lu / J'ai lu
ISBN : 9782290027011 ; 6,10 € ; 02/02/2011 ; 192 p. ; Poche
Les livres liés
Pas de série ou de livres liés. Enregistrez-vous pour créer ou modifier une série
Les critiques éclairs (6)
» Enregistrez-vous pour publier une critique éclair!
Jusqu'au bout du désespoir
Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 28 septembre 2019
Il était d'origine juive mais s'était écarté de l'exercice de sa religion. Certes il fréquentait avec respect sa communauté originelle mais ne connaissait pas le langage rituel.
Il fut cependant pris dans la vague nazie mais parvint à comprendre assez tôt l'ampleur du désastre pour s'enfuir tant qu'il était encore possible de le faire. Son exode le mena à Londres, Paris, la Suisse, pour se terminer au Brésil où il pensait trouver la paix avec sa seconde épouse.
Mais comment savourer l'odeur de la tranquillité quand on sait ce que Zweig savait. Ses amis, sa famille avaient été exécuté avec sauvagerie. Son passé était broyé, ses livres brûlés,
Dans un style parfait, Laurent Seksik décrit le désœuvrement de Zweig, le poids infini de sa tristesse, ce mal-être, ce mal de vivre que chanterait Barbara. Un souffrance qui n'a pas de nom.
Ce texte traite d'un sujet qui finit par déranger ou lasser certains, ce qui pourrait expliquer la timidité des critiques. Pour ma part j'ai été conquis. Tout ce qui concerne le peuple du Livre m'intéresse et je loue le travail de recherche minutieux de l'auteur.
Un livre dur mais qui mérite sa lecture.
Belle description
Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans) - 22 novembre 2018
C’est sous la forme d’un roman que Laurent Seksik nous raconte leur errance.
Extraits :
- Et comme il préférait l’exil au déshonneur, il avait quitté Londres pour New York. Après quoi, il avait fui New York. Fuir était sa façon d’habiter le monde. Salzbourg-Londres, Londres-New-York, New-York- Rio. Et après le Brésil, quel au-delà ?
- Ne te préoccupe pas de l’Humanité en train de se détruire, construis ton propre monde.
- Les troupes allemandes étaient entrées à Vienne le 13 mars 1938. Six mois plus tard, la barbarie s’abattait déjà sur les Juifs. (…) Si cette vieille dame avait trouvé la force de se promener dans un jardin du Prater, il lui aurait été interdit, sous peine de mort, de s’asseoir sur un banc parce qu’elle était Juive.(…) Quelques mois plus tard, on avait forcé tous les Juifs de Vienne à quitter leur appartement et à déménager hors du cercle du Ring, dans des maison désaffectées où étaient entassées les familles. En un an, Vienne était devenue une ville sans Juif.
- Le voyage dura une éternité. A l’arrivée, il se leva, fourbu, descendit du wagon et contempla le reflet de son image dans une vitre. Un vieillard le fixait.
Et en plus c'est bien écrit.
Critique de Maufrigneuse (Saulieu, Bourgogne, Inscrit le 1 novembre 2010, 35 ans) - 29 août 2013
Si j'ai lu ce livre c'est avant tout par goût pour Stefan Zweig. Quel plaisir de se trouver si proche de cet auteur, de sentir que l'on parvient un peu à percer le mystère de sa vie... et de sa mort !
Je ne connaissais pas du tout Laurent Seksik et j'ai fait avec ce roman une agréable découverte. L'auteur a une belle écriture, fluide et précise, et distille l'ambiance dans laquelle Zweig a pu vivre ses fameux derniers jours.
Un livre que je conseille donc chaudement à tous les amateurs de Stefan Zweig.
Un beau cadeau, il y a un an...
Critique de Shelton (Chalon-sur-Saône, Inscrit le 15 février 2005, 68 ans) - 20 février 2012
Ce que j’ai aimé dans cet ouvrage, alors que nous savons tous l’issue fatale que vont connaître Stefan et Lotte dans leur villa brésilienne, c’est que nous allons vivre quelques heures avec ce grand romancier, cet homme de lettres atypique, ce Juif autrichien en exil durant la seconde guerre mondiale. Ce n’est pas tant un roman qu’une façon de provoquer en nous la rencontre avec celui qui a écrit « Le joueur d’échec » ou « Vingt-quatre heures de la vie d’une femme »… d’un seul coup on oublie les cours de littérature et les études analytiques complexes pour prendre un thé avec un ami… des amis car le couple Zweig est bien présent.
J’ai aussi beaucoup apprécié le style comme si Laurent Seksik tentait de s’effacer devant la mémoire de Zweig, comme si la place devait être nettoyée devant les mots de l’Autrichien…
J’entends bien ceux qui auraient aimé plus de sérieux, de profondeur, d’analyse, mais je crois qu’ils auraient alors sacrifié la rencontre, qu’ils auraient fait disparaître Lotte cette seconde épouse malade qui a tant d’importance dans ces dernier jours…
Non, franchement, je pense que s’il fallait évoquer cette disparition de Zweig, il fallait le faire ainsi ! Fallait-il tenter cette expérience ? Là, la réponse est plus complexe car la mort volontaire, à fortiori quand il s’agit d’un double suicide, reste d’une telle complexité, un tel mystère si profond, qu’il faut peut-être accepter, après tout, de ne pas toujours comprendre…
Dans tous les cas, quand vous sortez de ce roman, vous êtes pris d’une seule envie : plonger dans un livre de Zweig que vous ne connaissez pas encore ou relire un de vos préférés. A vous de choisir !
Chronique d'une mort annoncée
Critique de Isis (Chaville, Inscrite le 7 novembre 2010, 79 ans) - 6 octobre 2011
Même dans ce cas, les inévitables questions que l’on se pose restent, en général, sans réponse ; que dire, lorsqu’il s’agit d’effectuer, comme ici, la genèse du double suicide d’un couple célèbre ? Une véritable gageure que Laurent Seksik réussit avec brio et délicatesse.
Certes, les événements que l’on sait, avec le sort réservé à ses compatriotes juifs, ont pesé lourd dans la décision de Stefan Zweig, mortellement atteint dans ses convictions profondément pacifiques ; mais, comment admettre qu’il ait pu entraîner sa toute jeune épouse dans cette fin d’aventure ? Elle, que l’auteur de cette «bio-fiction» décrit comme exultant de joie à l’annonce de l’entrée de l’Amérique en guerre, cela signant une victoire toute proche. «Ils étaient sauvés Alleluia ! Ils allaient vivre. 8 décembre 1941. Ils n’étaient plus seuls dans l’univers»
Si Stefan Zweig était bien déterminé dans sa décision, il n’en allait pas de même pour Lotte ; elle n’accepte, selon l'auteur, de le suivre que pour atteindre au statut de «compagne pour l’éternité», faute d’avoir pu être réellement la femme de sa vie, comme Friderike, sa première épouse.
D’où les hésitations, le dernier sursaut de vie, fort bien imaginés et décrits ici ; «elle ne parvient pas à retenir une larme. Il lui rappelle sa promesse»
Quelques mois plus tôt, à l’occasion de son soixantième anniversaire, Stefan Zweig avait écrit un poème qu’il concluait par la strophe suivante «Jamais on n’aime plus la vie qu’à l’ombre du renoncement».
Pour sa part, il avait d’ores et déjà renoncé à la vie et annoncé son geste désespéré dans sa biographie de Heinrich Von Kleist qui lui-même s’était suicidé avec sa seconde femme. Telle est, en tout cas, la version des événements donnée par Laurent Seksik et ce dernier d’ajouter «si jamais elle (Lotte) parcourait le livre, elle n’en serait pas offusquée. Lotte était une âme pure. Elle ne voyait pas le mal où il n’avait pas lieu d’être vu» Quelle fut sa dernière pensée ? Nul ne le saura jamais. On ne peut qu’imaginer…Et cette thèse est assez convaincante.
Réel irréel
Critique de Bluewitch (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 45 ans) - 24 juin 2010
Laurent Seksik s’attache aux derniers mois de l’auteur autrichien, passés à Pétropolis au Brésil en compagnie de sa seconde épouse Lotte. Et il raconte Zweig, cet homme au judaïsme faible et friable, au caractère sensible, tourmenté. Cette ombre lumineuse.
On découvre la lourdeur d’une fuite inévitable, quand le monde devient trop laid et que l’idée de vouloir lui échapper est tout aussi insupportable. Zweig comprend à quel point il est inconfortable de vivre avec sa propre part de lâcheté. Combien il est infernal de voir son univers se décomposer. Combien l’illusion de sécurité et de paix est un poids quand elle ne repose pas sur des bases solides. Combien il est douloureux d’assister à la mort des valeurs humanistes qu’il défendait tant.
Et le 22 Février 1942, il met fin à ses jours en absorbant une dose mortelle de Véronal, suivi de quelques minutes par sa jeune épouse Lotte.
Ce roman sobre, délicat, flottant, parvient à nous toucher en proposant une vision intime de Zweig. Interprétations, sans doute, mais fidélité aussi à l’esprit de l’écrivain. À ce qu’il dégageait en tout cas. Tant de gens se sentent en désaccord avec le monde, la société, sans être capable de le reconnaître. Zweig n’était pas de ceux-là. Il a senti un jour qu’il avait perdu sa place et l’a cédée en toute sérénité. Qualifiera-t-on d’égoïsme le fait d’avoir emporté Lotte dans cette décision fatale ? A-t-elle fait son choix en toute conscience ? Laurent Seksik nous propose la sensation mitigée d’une réaction désespérée provoquée par une personnalité soumise, un amour inconditionnel et un asthme dictateur.
Les derniers jours de Stefan Zweig aurait peut-être pu être un récit plus profond encore, plus dense. Il est doux et poétique. Il va et vient entre les espoirs et les ruminations, entre le sens de l’écriture et les erreurs du monde.
Forums: Les derniers jours de Stefan Zweig
Il n'y a pas encore de discussion autour de "Les derniers jours de Stefan Zweig".