Le seigneur des Rutabagas de André Noël

Le seigneur des Rutabagas de André Noël

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Clo7, le 15 mars 2002 (Charleroi, Inscrite le 15 octobre 2001, 24 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 670ème position).
Visites : 3 570  (depuis Novembre 2007)

Récit sur la vie, avec sa poésie et sa laideur.

Adélard Hébert est un tueur à gages obèse et quinquagénaire au chômage. Son ancien patron, Mussolini, un mafioso italien, l'a remercié - il n'y a plus d’argent pour des contrats a-t-il dit, sauf qu'il lui a préféré un tueur plus jeune.
Entre la mort de son père et les petits boulots, Adélard conduit un taxi à mi-temps pour subvenir à ses besoins. Tout va bien jusqu’au moment où il se frotte à son ancien patron. Poursuivi par les mafiosi, sur le coup d’un nouveau contrat d'exécution, chassé et chasseur, il parcourt le nord du Québec et le Mexique. Ses « amis », les marchands du marché Jean-Talon, sur lequel il voudrait asseoir sa domination, Dieudonné, son colocataire, Dai Zou, la copine de Dieudonné et Régina, celle qui. lui compliquent singulièrement la vie.
On trouve dans cette peinture de moeurs une critique acerbe de la société québécoise et de ses sujets brûlants : virage ambulatoire, entrée massive de réfugiés politiques, conquête des marchés et omniprésence de la mafia au Québec. L'auteur dévoile les dessous de la société en apparence sans tache sur un ton grinçant et cynique. L’humour omniprésente allège le poids dramatique du roman. Celui d'une réalité plus repoussante qu'elle n’en a l'air. Finalement, personne n'échappe à l'ultime justice, et personne ne change vraiment.

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La mafia montréalaise

8 étoiles

Critique de Libris québécis (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans) - 29 janvier 2005

Le Marché Jean-Talon attire plusieurs agriculteurs de la région métropolitaine qui viennent offrir leurs produits à un prix inférieur, dit-on, à ceux des supermarchés. Le samedi, c’est vraiment le rendez-vous du tout Montréal. Mais les marchands qui fournissent les consommateurs en produits frais doivent payer, en plus du permis d’opération, des redevances à la mafia. Avec elle, la collection des droits d’avoir pignon sur rue est effectuée directement par le mafioso local que l’auteur ennoblit par dérision en lui conférant le titre de Seigneur des rutabagas. C’est ce que l’on appelle « le racket de la protection ». On la paie rubis sur l’ongle ou on choisit son urne funéraire ou son lot au cimetière. Le code mafieux n’offre que cette alternative.

Abélard Hébert est le tueur à gages du caïd du Marché Jean-Talon, qui le désiste de son poste au profit d’un plus jeune. Pour subvenir à ses besoins, il choisit d’être chauffeur de taxi. Mais derrière son occiput germe une idée qui peut s’avérer très lucrative. Pourquoi ne pas devenir le nouveau Seigneur des rutabagas? C’est à ses risques et périls que l’on s’attaque à la mafia. Qu’à cela ne tienne! Le jeu en vaut la chandelle. C’est Régina, une préposée à l’entretien ménager d’un hôpital, qui va lui en fournir l’occasion. Il s’engage à récupérer son fils que l’ex-mari garde jalousement. Parole donnée, promesse tenue même s’il n’a pas tué depuis longtemps, sauf son père. Mais pour lui, ce n’était pas la même chose. C’était un meurtre commis par compassion. « Ce jour-là, papa s'est assoupi avant le souper. J'ai allumé un cigare et j'ai serré ma bouche pleine de fumée autour de ses grosses narines vérolées. Je lui ai verrouillé la mâchoire. Il s'est étouffé pour de bon. »

Son pacte qui le lie à Régina l’oblige à affronter le Seigneur des rutabagas. Pour échapper à ses hommes de peine s’amorce une course rocambolesque à travers le Québec et le Mexique. Abélard confie alors sa voiture de taxi à un adepte du Vaudou, lequel met en péril son objectif à cause de l’empathie de ce conducteur pour les immigrants, qu’ils soient noirs ou asiatiques. À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.

Ce roman farfelu brosse paradoxalement un tableau réaliste du Québec actuel. L’humour noir et un brin surréaliste contribue à freiner nos possibles réactions moroses à l’égard de notre vécu social : le changement d’orientation des soins hospitaliers, les tracasseries occasionnées par la garde des enfants du divorce, l’entrée massive d’immigrants qui nous oblige à nous remettre en question, la domination des instances économiques et politiques par des organisations criminelles, telle que montré par Jean-Jacques Pelletier dans ses magnifiques polars. Avec une écriture efficace et une verve hallucinatoire, l’auteur embarque facilement le lecteur qui ne craint pas de se voir dans un miroir déformant. Cette œuvre nous fait rire pour éviter les pleurs sur le drame vécu des Québécois, semblable en cela au reste de l’Occident.

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